100% Montréal :
la ville scrutée à la loupe
Le Festival TransAmériques débute avec une radiographie en profondeur de Montréal
Par Luc Archambault
Qui sont les Montréalais ? D’où viennet-ils ? Sont-ils nés ici? Si non, où? Quels sont leurs rêves ? Et si la population de Montréal était représentée sur scène par cent individus, créant ainsi un groupe représentatif de la vie de la communauté ? Pour répondre à ces questions, et bien d’autres encore, le collectif allemand Rimini Protokoll (Helgard Haug, Stefan Kaegi et Daniel Wetzel) a réuni, sur la scène du Théâtre Jean-Duceppe, cent citoyens reflétant la composition de la population Montréalaise : 52 femmes, 48 hommes âgés entre sept et 93 ans et provenant de toutes les ethnies vivant à Montréal. Athées, musulmans, chrétiens, bouddhistes, juifs, et membres d’autres confessions, sont tous réunis dans le but de dresser une carte vivante de la cité jubilaire. L’exercice a été réalisé auparavant à Berlin, Vienne, Karlsruhe, Köln, Melbourne, Londres, Zürich, Penang, Yogyakarta, Philadelphie, Vancouver, au total dans plus de trente villes depuis 2008.
Comment ont été sélectionnés ces cent individus ? La quête a commencé il y a trois mois, avec le casting d’une personne qui a eu pour mission d’en recruter une autre en dedans de 24 heures, personne qui s’est vu attribuer la même mission, et ainsi de suite. Tous ceux sélectionnés pour 100% Montréal ont dû répondre à des critères spécifiques d’âge, de sexe, de structure familiale, de géographie (tous les quartiers de l’île devaient être représentés), d’ethnicité, afin de rassembler un groupe qui soit un miroir de la composition démographique de Montréal. La sélection reflète même la situation linguistique de la métropole, avec 39% de sa population s’exprimant en anglais.
… le collectif allemand Rimini Protokoll… a réuni, sur la scène du Théâtre Jean-Duceppe, cent citoyens reflétant la composition de la population Montréalaise…
Chaque individu possède sa propre histoire, un bagage d’expériences personnelles qu’il traîne solitairement, mais il est pourtant choisi pour représenter une tranche de 19 000 de ses concitoyens. Recrutés sous la direction de Florence Béland, une consultante en immigration ayant une formation d’anthropologue, on leur donne même un moment à micro ouvert pour ventiler leurs opinions personnelles. L’auditoire lui-même peut questionner les performers de 100% Montréal, et toutes les répliques des participants sont traduites sur un écran surplombant la scène.
Le spectacle 100% Montréal est dès lors une longue analyse multi-sectionnelle de ce méli-mélo sociologique. Le groupe se divise au fil du spectacle selon diverses réalités : hommes, femmes, et même transgenres, nés ici ou ailleurs, ayant des enfants ou non, etc. Après plus d’une heure et quarante minutes de pareille représentations statistiques plutôt manichéennes (hormis l’ouverture où chacun des participant se présente), ce diagramme organique évolutif commence à devenir un peu difficile à assimiler. Et c’est là ma seule objection face à ce spectacle : sa longueur. À plus de cent minutes au compteur, toutes ces incarnations organiques de la réalité statistique de notre ville tendent à devenir une bouillabaisse difficile à avaler, et les dernières quinze minutes en particulier sont un tantinet indigestes. Trop de chiffres, trop de réalités, trop, simplement.
100% Montréal est un excellent concept, nul doute, et le moins que l’on puisse dire c’est que le résultat est une radiographie en profondeur de la population de notre île. Tous se voient donner la chance de s’exprimer, sauf les sans-abris, la raison officielle étant que ceux-ci vivent en marge de la grille normative et n’apparaissent pas dans les statistiques, ce qui me semble pour le moins facile comme explication. Même chose pour les Premières Nations qui sont incroyablement absentes, hormis une femme d’origine Inuit, alors que Montréal compte la plus nombreuse population urbaine d’autochtones. Peut-être aurait-il été justifié de prolonger le temps de préparation afin de recruter des membres de ces segments de la population souvent oubliés, ce qui aurait donné encore plus de profondeur à ce portrait de la population dans son ensemble.Mis à part ces objections, 100% Montréal demeure un exercice des plus intéressants. C’est un brillant coup d’envoi pour la onzième édition du Festival TransAmériques, et un spectacle qui, sans aucun doute, alimentera bien des discussions autour de la table de tous ceux qui auront assisté à ce diagramme organique.
100% Montréal prend l’affiche, du 25 au 28 mai, au Théâtre Jean-Duceppe de la Place des Arts.
Plus d’informations au Festival TransAmériques
Images : courtoisie du Festival TransAmériques
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Luc Archambault
Écrivain et journaliste, globe-trotter invétéré, passionné de cinéma, de musique, de littérature et de danse contemporaine, il revient s’installer dans la métropole pour y poursuivre sa quête de sens au niveau artistique.
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