Benoît Charette au CORIM :
un entretien complaisant?
L’environnement et la lutte au changement climatique abandonnés face aux impératifs économiques
Par Luc Archambault
21 avril 2021
Alors que le Conseil des Relations Internationales de Montréal (CORIM) nous a surpris par la justesse des interventions de son président, Pierre Marc Johnson, lors de l’interview de l’ambassadeur de Chine, Peiwu Cong, on ne peut certes pas dire la même chose de l’entrevue complaisante qui l’a précédée, celle du ministre de l’Environnement, Benoît Charette, le 8 avril dernier. La discussion portait sur la lutte contre les changements climatiques et était menée par Richard Mimeau, directeur général du Conseil des Entreprises en Technologies Environnementales du Québec (CETEQ).
Entrevue complaisante parce que monsieur Mimeau n’a pas poussé l’entrevue jusque dans des questions épineuses pour le ministre. Il lui a plutôt servi de faire-valoir, et le ministre n’a fait que déballer les informations surannées qu’il avait déjà dévoilées en novembre dernier. En fait, rien de nouveau sous ce gouvernement où l’environnement fait figure d’enfant abandonné, laissé pour compte face aux impératifs économiques des multinationales qui s’en donnent à cœur joie. On se dirait presque revenu à l’époque de Duplessis et de l’Union Nationale.
En fait, rien de nouveau sous ce gouvernement où l’environnement fait figure d’enfant abandonné, laissé pour compte face aux impératifs économiques des multinationales qui s’en donnent à cœur joie.
Prenons par exemple la question des émissions de GES, auxquelles ce gouvernement doit impérativement s’attaquer pour atteindre ses objectifs climatiques. Lorsque questionné au sujet d’une restriction de la promotion publicitaire accordée aux VUS, ce ministre a avoué ne pas prévoir de mesures à cet effet. Il a dit miser sur l’électrification des transports et l’interdiction de toute vente de véhicules neufs à essence au Québec… d’ici 2035.
On ne peut certes pas dire que Benoît Charette se distingue par une vision à court ou à moyen terme (on ne parle même pas du long terme). Aucune mention de la foresterie et de la sauvegarde de la forêt boréale, des mines à ciel ouvert, du niveau élevé de pollution des eaux. Non, il ne parle que des « technologies de l’avenir et de rupture représentant des potentiels de réduction d’émissions les plus importants, en tenant compte de la composition industrielle du Québec et du maintien de sa compétitivité ». Il parle aussi de « l’identification des potentiels pour atteindre la carboneutralité à l’horizon 2050 ».
Ce qui laisse pantois dans cet exercice est le choix de Richard Mimeau à titre d’intervieweur. Plutôt que de laisser le ministre ergoter sur sa vision à plus ou moins court terme de l’environnement, pourquoi ne pas avoir réuni un panel de journalistes, d’activistes, et Richard Mimeau comme faire-valoir impliqué dans la famille politique, proche du fonctionnariat et du pouvoir institutionnalisé ?
‘… on ne peut certes pas dire que Benoît Charette se distingue par une vision à court ou à moyen terme (on ne parle même pas du long terme).’
Parce qu’à juste titre, écouter quiconque déblatérer sur des politiques qui ne sont plus d’actualité – comme l’entrée en vigueur du Plan pour une économie verte 2030, dont les détails furent depuis longtemps divulgués à la presse et qui a déjà fait l’objet de plusieurs réactions et critiques – finit par noyer le poisson dans une sauce d’indifférence.
Peut-être devons-nous y voir la véritable stratégie de la CAQ en environnement. Quoiqu’il en soit, en dépit de ces propos peu édifiants, on doit tout de même remercier le CORIM pour l’opportunité de voir en direct les politiciens s’embourber dans leurs demies-vérités et leurs visions s’étalant sur un avenir dépassant de plusieurs décennies la durée de leurs mandats.
Avis : Les opinions exprimées dans cet article sont celles de son auteur et ne reflètent pas nécessairement les opinions de WestmountMag.ca ou de ses éditeurs.
Image d’entête : les zones humides du Technoparc, par Patrick Barnard
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Luc Archambault, écrivain et journaliste, globe-trotter invétéré, passionné de cinéma, de musique, de littérature et de danse contemporaine, est revenu s’installer dans la métropole pour y poursuivre sa quête de sens au niveau artistique.
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