Conservation, distraction
… et asclépiades
Le détournement d’attention utilisé afin d’empêcher les gens de perturber les pratiques de gestion impopulaires
Par Georges Dupras
22 décembre 2022
Quiconque observe un magicien est hypnotisé par ses tours de passe-passe et son agilité considérable dans l’art du détournement d’attention. Peu de gens sont aussi habiles que M. Copperfield pour détourner l’attention du public de ce qui se passe réellement afin de projeter une autre illusion. Cette technique est également utilisée par certains fonctionnaires afin d’empêcher les gens d’interférer avec des pratiques impopulaires de gestion de la faune.
Chaque fois que les citoyens sont critiques d’un programme de gestion, les responsables s’empressent de dire qu’ils devraient concentrer leur énergie sur les espèces en voie de disparition et la priorité d’action qu’elles exigent. Il s’agit clairement d’une tentative de détourner l’attention des critiques de la question qui a motivé la plainte en premier lieu.
La question des espèces en voie de disparition
Lorsque la question des espèces en péril fait surface, deux éléments sont généralement négligés. Premièrement, pourquoi une espèce autrefois répandue est-elle en voie de disparition ? Deuxièmement, quel est l’état de la flore et des autres sources nutritives indispensables à la survie de l’espèce ? Le moment de protéger une espèce est celui où elle n’a apparemment pas besoin de notre aide, car notre aide a toujours un coût.
Chaque fois que les citoyens sont critiques d’un programme de gestion, les responsables s’empressent de dire qu’ils devraient concentrer leur énergie sur les espèces en voie de disparition et la priorité d’action qu’elles exigent.
L’ours noir d’Amérique sur la liste des espèces protégées ?
Dans un monde parfait, je pense que toutes les espèces devraient être protégées. Une première étape pour atteindre cet objectif serait d’inverser la liste des annexes de la CITES. Une deuxième étape consisterait à redéfinir leur désignation actuelle de « ressource » à quelque chose de plus approprié.
Reconnaissant que nous vivons dans le monde réel et contrairement à ce que d’autres prétendent, j’inclurais l’ours noir d’Amérique sur la liste actuelle des espèces à protéger. C’est maintenant qu’il faut agir, pendant qu’il est encore abondant. Cette suggestion a parfois suscité des commentaires que je n’ose pas répéter. Elle est souvent suivie par quelqu’un qui me suggère de rediriger mon énergie vers des questions plus pressantes (un autre détournement d’attention).
La répartition des valeurs
Le commerce illégal d’espèces sauvages représente entre 7 et 23 milliards de dollars par an (les ventes de produits légaux représentent environ 160 millions). Le coût de la mise en œuvre de programmes proactifs de protection des espèces sauvages, tels que les relocalisations, ne représente qu’une fraction de celui nécessaire au maintien de programmes réactifs. La question demeure : quelle est la meilleure approche, attendre que l’espèce soit en soins palliatifs (CITES)* ou intervenir pendant qu’elle est abondante et profite des avantages d’un habitat sain et diversifié ?
Nos priorités sont claires : davantage de fonds sont investis dans la protection des espèces en danger (palliatif) que dans le maintien des espèces sur la liste en premier lieu (pédiatrique). Il s’agit d’une question politique qui n’a rien à voir avec la science ou la surpopulation. Cela revient à détourner le blâme.
‘… plus de fonds sont investis dans la protection des espèces en péril… que dans le maintien des espèces en premier lieu…. C’est une question politique qui n’a rien à voir avec la science ou la surpopulation.’
Turbulences en perspective pour les ours noirs
Le visage de l’Amérique change, et certaines traditions culturelles, loin de nos côtes, ont un impact sur nos populations d’ours noirs. À cela s’ajoute le fait que la population humaine est en pleine expansion, et que chaque personne a des besoins énergétiques accrus. Si nous n’agissons pas de manière préventive, la perte d’habitat et de corridors s’accentuera. L’ours noir américain n’est abondant aujourd’hui que grâce à sa capacité d’adaptation, une caractéristique que les humains exploitent désormais.
COP-15 (disregard for biodiversity and people)
La conférence sur la biodiversité de Montréal, et plus particulièrement la question du Technoparc, est un excellent exemple de ce qui se passe lorsque la science, la logique et la volonté des gens s’opposent aux intérêts politiques et corporatifs. Malgré une consultation publique minimale, voire inexistante, des bulldozers ont été envoyés pour éradiquer l’asclépiade** essentielle à l’alimentation du papillon monarque, une espèce en péril. Cette mesure mesquine a été prise bien avant qu’une seule pelletée de terre ne soit nécessaire pour construire sur le site proposé et alors que les défenseurs de la nature tentaient encore de communiquer avec les responsables.
COP-15 (ce qui est dit, ce qui est fait)
Le mépris du gouvernement pour la biodiversité est manifeste dans son soutien à des projets tels que le développement du Technoparc et son soutien tacite au développement du projet Royalmount. Ce dernier a l’intention d’inclure un aquarium dans le site, et ce malgré l’avis contraire d’experts et le fait que les aquariums polluent beaucoup plus que les zoos. Voilà pour l’engagement du PMO en faveur de la protection de la biodiversité.
‘Le mépris du gouvernement pour la biodiversité est manifeste dans son soutien à des projets tels que le développement du Technoparc et son soutien tacite au développement du projet Royalmount.’
Proche de l’illusion
Que ce soit dans le secteur privé ou public, dans une lettre à un électeur ou en prétendant protéger la biodiversité lors de la COP-15, les distractions sapent tous les autres efforts sincères et nous rapprochent d’une illusion.
* Créée en 1975 pour protéger le commerce des animaux et de la flore sauvages.
** Peu ou pas d’attention est accordée à la vie végétale essentielle à la santé des espèces qu’elle nourrit.
Avertissement : Les opinions exprimées dans cet article sont celles de son auteur et ne reflètent pas les opinions de WestmountMag.ca ou de ses éditeurs.
Image d’entête : jeune ours noir, par Pixabay
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Georges R. Dupras se fait le champion et le défenseur des animaux depuis plus de 50 ans. Il est membre de l’International Association for Bear Research and Management (IBA) et un ancien directeur de la Société canadienne pour la prévention de la cruauté envers les animaux (CSPCA). En 1966, il s’est impliqué dans la campagne initiale pour sauver les phoques qui a mené à la fondation de l’International Fund for Animal Welfare (IFAW) en 1969. Il a publié deux livres : Values in Conflict et Ethics, A Human Condition. Georges demeure à Montréal, Québec, Canada.
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