La chasse commerciale aux
phoques et l’effet domino
Si nous ne parvenons pas à nous organiser, les efforts de millions de personnes auront été en vain
Par Georges R. Dupras
18 avril 2024
À l’école on nous a appris que si nous n’étudions pas l’histoire, nous étions condamnés à la répéter. Une élection fédérale approche à grands pas et déjà deux chefs de partis font des promesses pour attirer les électeurs résidant dans les circonscriptions marginales. Leurs commentaires concernant la chasse commerciale aux phoques ignorent l’évolution des attitudes du public et déforment l’impact des phoques sur la pêche.
Je fais référence à leur promesse de rétablir la chasse commerciale aux phoques au large de la côte est du Canada, suite à une campagne de longue haleine menée par les défenseurs des animaux pour mettre fin à ce massacre. Ne vous y trompez pas, la chasse aux phoques, fortement subventionnée, se poursuit aujourd’hui, mais elle est considérablement réduite et sans marchés évidents pour un produit dont personne ne veut.
… deux chefs de partis font des promesses pour attirer les électeurs résidant dans les circonscriptions marginales. Leurs commentaires concernant la chasse commerciale aux phoques ignorent l’évolution des attitudes du public et déforment l’impact des phoques sur la pêche.
J’ai longtemps soutenu que la chasse commerciale aux phoques représente « l’effet domino » en ce qui concerne les enjeux de protection des animaux ici au Canada comme ailleurs. Aucune pratique liée aux animaux n’a autant attiré l’attention des médias, fait l’objet de plus d’articles de presse, d’entretiens à la radio et à la télévision, de débats à la Chambre, de manifestations et boycotts. Ajoutons une Commission Royale et des procès judiciaires.
Je suis convaincu que si le domino tombe en notre faveur, l’élan sera avec nous. Si l’inverse se produit, les autres enjeux liés à l’exploitation animale seront d’autant plus difficiles à gagner en raison de la perte d’élan.
Une vie entière dédiée à cette cause – et des chasses qui n’ont jamais eu lieu
Grâce à la ténacité de Brian Davies et les initiatives de Stephen Best, le marché des peaux de blanchons a reçu un coup dur de la part des communautés économiques européennes qui ont interdit leur importation. L’union européenne a étendu cette interdiction de nouveau en 2009. Même si cette chasse se poursuit aujourd’hui, les nombreuses personnes à travers le monde qui se sont liées à la cause au fils des années peuvent se consoler en sachant que leurs efforts ont peut-être empêché d’autres chasses similaires. Je cite en exemple une chasse commerciale aux caribous dans les régions du Labrador et du Québec (le troupeau de caribous de la rivière George comptait à l’époque plus d’un million de têtes).
Monsieur Poilievre, chef du parti conservateur du Canada, veut ramener les communautés impliquées dans la chasse aux phoques 500 ans en arrière, tandis que d’autres recherchent des objectifs plus progressistes. Monsieur Trudeau, le Premier Ministre, assiégé de tous côtés, a suggéré que la chasse, déjà le plus important massacre d’animaux sauvages au monde, soit élargie.
‘Même si cette chasse se poursuit aujourd’hui, les nombreuses personnes à travers le monde qui se sont liées à la cause au fils des années peuvent se consoler en sachant que leurs efforts ont peut-être empêché d’autres chasses similaires.’
L’inertie au sein du mouvement humanitaire
Au Canada nous attendons, depuis déjà 100 ans, les premiers changements significatifs dans la législation pour la protection des animaux. Si l’on permet au massacre des phoques de retrouver son élan antérieur, nous risquons de perdre les petits gains que nous avons accomplis en raison de notre inertie collective.
Nos jeunes sont sensibilisés et moins intimidés
Au fil des ans, nous avons été témoins d’une croissance et d’un intérêt sans précédent pour le mouvement environnemental. Les jeunes d’aujourd’hui sont très conscients des problèmes liés à la faune et ne sont pas en proie à des intimidations autoritaires. Ils n’hésitent pas à remettre en cause la science, trop souvent politisée. Il ne manque à cette vaste banque d’énergie que les compétences organisationnelles des organisations établies. De la même manière que les gens ont oublié tout ce que Gloria Steinem et Germaine Greer ont apporté au mouvement des femmes, cette génération n’a pas connu les importantes contributions apportées à la cause des animaux par Brian Davies, Paul Watson et tant d’autres.
‘Si l’on permet au massacre des phoques de retrouver son élan antérieur, nous risquons de perdre les petits gains que nous avons accomplis en raison de notre inertie collective.’
Dans les cordes et notre erreur
En raison de la décision de l’Union européenne d’interdire l’importation des peaux de blanchons, nous avions les intérêts de la chasse aux phoques dans les cordes. Plutôt que de suivre le rythme, et même d’augmenter la pression, nous avons pris le recul. Nous avons commis l’erreur de leur permettre de se regrouper et maintenant ils reviennent contre nous avec vengeance.
Notre inertie, leur renaissance
Quoi qu’il en soit, en raison du grand nombre d’autres enjeux, et du flou des lignes politiques, je crains que la question de la chasse aux phoques ne soit reléguée au quatrième ou cinquième point de l’agenda des organismes pour la protection et la défense des animaux. Le monde de la protection animale doit s’unir sur cette question de « domino » pour les animaux de ce pays. Si nous ne parvenons pas à nous organiser, tous les efforts de millions de personnes à travers le monde auront été en vain.
Note : D’où viennent les espèces menacées? Elles proviennent d’espèces abondantes qui ont été maltraitées ou dont les habitats ont été fragmentés. En reconnaissance de ce fait, nos énergies devraient être dirigées vers l’indentification des véritables causes des habitats perdus.
Avertissement : Les opinions exprimées dans cet article sont celles de son auteur et ne reflètent pas les opinions de WestmountMag.ca ou de ses éditeurs.
Image d’entête: Lysogeny, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia CommonsAutres articles par Georges Dupras
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Georges R. Dupras se fait le champion et le défenseur des animaux depuis plus de 50 ans. Membre de l’International Association for Bear Research and Management (IBA) et ancien directeur de la Société canadienne pour la prévention de la cruauté envers les animaux (CSPCA), il s’est impliqué en 1966 dans la campagne initiale pour sauver les phoques qui a mené à la fondation de l’International Fund for Animal Welfare (IFAW) en 1969. Il a publié deux livres : Values in Conflict et Ethics, A Human Condition. Georges demeure à Montréal, Québec, Canada.
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