L’Aquarium Royalmount:
une installation déjà désuète
Le public se détourne des aquariums et des jardins zoologiques partout dans le monde
Par Georges Dupras
25 avril 2023
Certains profiteront toujours pleinement d’une situation, sans se soucier des conséquences à long terme de leurs actes. Si l’impact sur l’environnement n’a que peu d’importance pour certains, il est source de grande détresse pour d’autres.
L’objectif du projet Royalmount était d’obtenir de la ville de Mont-Royal qu’elle modifie le zonage d’une parcelle de terrain en vue d’une utilisation commerciale. Le but de Royalmount était de construire un vaste espace de vie cohérent sur le plan environnemental, qui inclurait un aquarium. Parmi les arguments avancés pour justifier l’inclusion d’un aquarium, on trouve l’éducation, la réhabilitation et la conservation. L’aquarium, nous dit-on, encouragerait les gens à protéger l’environnement naturel.
Ce raisonnement comporte une particularité, voire une contradiction flagrante : d’autres promoteurs de Montréal ont déjà commencé à détruire systématiquement les champs de papillons monarques, situés juste à l’ouest de l’aéroport de Montréal. Le papillon monarque est une espèce en péril.
Les aquariums et les zoos présentent des animaux sauvages dans des environnements artificiels où ils subissent les effets néfastes d’un enclos qui ne répond pas à leurs besoins fondamentaux.
Baisse de popularité
Il y a plusieurs bonnes raisons pour lesquelles les gens se détournent des aquariums et des jardins zoologiques à travers le monde. Les aquariums et les zoos présentent des animaux sauvages dans des environnements non naturels, souffrant des effets d’un enclos qui ne répond pas à leurs besoins fondamentaux. Dans certains cas, il s’agit d’animaux sociaux arrachés à leur famille. Dans d’autres cas, un état connu sous le nom de psychose du zoo, ou le développement d’un comportement aberrant, se produit.
Ce phénomène peut se manifester par des mouvements répétitifs et peut évoluer vers des actes d’automutilation. Pour certains, il s’agit d’un aveu silencieux de défaite. Ce ne sont là que deux raisons pour lesquelles je m’interroge sur l’existence de ces équipements datés. Sommes-nous en train d’inventer un monde artificiel parce que nous ne pouvons pas arrêter de détruire le monde naturel à cause de notre avidité et de notre inefficacité ?
Sauvetage et réhabilitation
Pour être efficaces, les centres de sauvetage et de réhabilitation doivent être situés à une distance raisonnable de l’habitat naturel des animaux, et non à des milliers de kilomètres. Quant aux programmes d’élevage, les aquariums sont rarement utilisés à cette fin et les poissons sont essentiellement issus de la mer. Ces réalités soulèvent la question suivante : avons-nous vraiment besoin d’aquariums ou devrions-nous investir dans des technologies qui démontrent les problèmes liés aux techniques de pêche actuelles ?
Quel est l’intérêt de sauver la population de bélugas du Saint-Laurent si, en cas de succès, nous ne faisons que les renvoyer dans la décharge de déchets chimiques dont nous les avons tirés pour les sauver ? Si nous ne les restituons pas à leur environnement naturel, allons-nous les commercialiser en tant que spécimens en captivité ?
Comme pour la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), ces désignations sont synonymes d’échec*. Cela implique que l’humanité est allée trop loin dans la destruction des habitats et dans la réduction du nombre d’animaux et de plantes au point de ne plus pouvoir les reconstituer. En dehors d’applications très spécifiques, les aquariums ne sont pas recommandés.
‘Les technologies actuelles et les retransmissions en direct par satellite, dépassent de loin tout ce qu’un zoo ou un aquarium peut offrir.’
Valeur éducative
Il ne fait aucun doute que tout ce que nous faisons – même la visite d’un zoo – a une certaine valeur éducative. Il ne fait également aucun doute également que certaines expériences sont bien meilleures que d’autres. Les technologies actuelles, telles que les présentations d’IMAX, d’Animal Planet et de la National Geographic, et les retransmissions en direct par satellite, dépassent de loin tout ce qu’un zoo ou un aquarium peut offrir. Les élèves sont guidés à travers différents écosystémes par des spécialistes qui les aident à concentrer leur attention sur la faune et la flore, la vie et les relations dans ces environnements. Quelle que soit la qualité de leur conception, les aquariums et les zoos sont synonymes d’échec.
Des priorités mal choisies
Notre obsession pour les modes de vie non naturels est mise en évidence ici même à Montréal. Nos gouvernements sont prêts à détruire les champs de papillons monarques alors que les parents se plaignent que les enfants passent trop de temps immergés dans un monde techno éloigné de la réalité. Malgré ces contradictions, nous encourageons et justifions la dépense de sommes impressionnantes pour montrer aux enfants une sélection d’animaux sauvages dans un environnement captif et non naturel.
Ceux qui exploitent la faune répètent sans cesse que nous aimons tous les animaux. La vérité est que la plupart des gens aiment ce que les animaux font pour eux et rien de plus. Pour beaucoup, les animaux ne sont qu’un symbole de statut social, la saveur du jour. Lorsque je vois des familles habillées de fourrure de la tête aux pieds, prétendant aimer les animaux, cela me rend très triste.
‘La défense des espèces menacées est populaire car elle n’aliène personne et permet à chacun de poursuivre son mode de vie.’
Selon moi nous échouons sur les questions de conservation parce que nous les abordons de la mauvaise façon. Lorsque nous avons un choix à faire, même s’il est difficile, notre mode de gestion actuel consiste à attendre qu’une espèce soit en danger avant d’agir. Et même dans ce cas, il faut prouver sans l’ombre d’un doute que l’espèce ne peut pas supporter une nouvelle crise avant de pouvoir envisager de la protéger. Et il existe de nombreuses façons de déjouer le système.
Soyons proactif plutôt que réactif
Compte tenu de notre triste bilan en matière de protection des espèces menacées et de leurs habitats, pourquoi ne pas faire l’inverse et protéger celles qui ne sont pas encore répertoriées ? Ce faisant, nous mettrions un terme à l’augmentation constante du nombre d’espèces menacées.
La défense des espèces menacées reste populaire car elle n’aliène personne et permet à chacun de poursuivre son mode de vie. Cela continuera ainsi si les mentalités actuelles parviennent à définir le mot “pragmatique” comme étant politiquement et économiquement convenable.
* L’échec est que nous avons perdu 60 % de la faune connue au cours des 50 dernières années. Depuis 1975, date à laquelle la CITES a effectivement pris le contrôle du commerce mondial de toutes les espèces de faune et de flore menacées, les pertes ont été dévastatrices. Bien que beaucoup de choses aient changé au cours des 50 dernières années dans la façon dont nous gérons la faune et la flore, ce qui n’a pas changé est notre état d’esprit qui dicte que nous pouvons à la fois protéger et exploiter. Malgré des efforts courageux et des sacrifices personnels pouvant aller jusqu’à la perte de vies humaines, nos succès ont été éclipsés par nos pertes.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles de WestmountMag.ca ou de ses éditeurs.
Image d’entête : Amrl30, CC0 – Wikimedia Commons
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Georges R. Dupras, Georges R. Dupras se fait le champion et le défenseur des animaux depuis plus de 50 ans. Membre de l’International Association for Bear Research and Management (IBA) et un ancien directeur de la Société canadienne pour la prévention de la cruauté envers les animaux (CSPCA), il s’est impliqué en 1966 dans la campagne initiale pour sauver les phoques qui a mené à la fondation de l’International Fund for Animal Welfare (IFAW) en 1969. Il a publié deux livres : Values in Conflict et Ethics, A Human Condition. Georges demeure à Montréal, Québec, Canada.
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