Le pissenlit, une des
premières fleurs du printemps

Qu’on les aime ou les déteste, les pissenlits sont omniprésents à cette époque de l’année

Par Michael Walsh

10 mai 2023

Les graines sont réunies en une sphère délicate
Offert à tous les vents chaque trait devient une fleur
Comme un petit soleil sur le bord du chemin.

– Alain Hannecart

Image : Greg Hume, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

Les pissenlits font le bonheur des enfants. Qui ne se souvient pas dans son enfance d’avoir soufflé pour faire flotter les graines dans l’air ? Ou de présager à quel point un garçon ou une fille pensait à vous par le nombre de graines qui restaient après une seule exhalation. D’après le langage des fleurs, on peut prévoir qu’il pleuvra si la plante ne s’ouvre pas le matin ou si les graines s’envolent de la tige lorsqu’il n’y a pas de vent. Dans certaines régions d’Europe centrale, la croyance veut que la cueillette des plantes la veille de la Saint-Jean – le jour le plus longt de l’année et celui où les propriétés médicinales de la plante sont les plus fortes – éloigne les sorcières.

Les fruits, environ 1 500 au gramme, sont des akènes grisâtres, petits, oblongs et cylindracés. Munis de côtes muriquées et épineuse, ils sont surmontés d’un pappus à soies simples disposées sur deux rangs, organe d’anémochorie qui permet une dispersion transocéanique des graines par le vent.

Chaque graine comporte une centaine de filaments reliés à un point central, dont la forme rappelle celle d’un pinceau de ramoneur. Ces filaments sont en fait responsables de la remarquable physique qui permet aux graines d’être transportées à une distance de plus de 100 kilomètres de la plante mère. Ce n’est que très récemment que le mécanisme de ce transport a été entièrement compris.

Image : Greg Hume, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

Jusqu’alors, on supposait que les filaments agissaient comme des parachutes qui maintenaient la graine en l’air. Mais cela n’expliquait pas comment les filaments pouvaient se détacher en l’absence de vent. Une piste de réflexion s’est orientée vers la capacité des insectes non volants à nager dans l’air. Le mécanisme de vol unique de la graine a été décrit pour la première fois par C. Cummins et ses collaborateurs en 2018 dans la revue Nature. En utilisant une soufflerie verticale, les chercheurs ont constaté que l’air passant à travers les filaments crée un tourbillon circulaire détaché en forme d’ellipse verticale. D’un point de vue aérodynamique, ce vortex crée une portance, comme le flux d’air sur l’aile d’un avion, et permet le transport des graines de pissenlit sur de longues distances.

Cette plante au capitule jaune, aujourd’hui considérée comme une mauvaise herbe, est pleine de surprises. À un moment donné, les feuilles ont rappelé à quelqu’un les dents d’un lion, d’où le nom dent-de-lion ou dandelion en anglais D’autres noms rendent hommage aux propriétés diurétiques de la plante. En France, on l’appelle pissenlit à cause des vertus diurétiques de la plante. Un plat courant de la cuisinne française est la salade de pissenlit au lard. Dans la littérature, Victor Hugo parle de manger des pissenlits par la racine comme d’une métaphore de la mort. En Grande-Bretagne, le terme wet-a-bed – littéralement pisser-au-lit – fait référence à cette plante.

Le pissenlit (botaniquement une herbe) fait partie de la grande famille des Astéracées qui comprend les marguerites, les tournesols, les laitues et les artichauts. Originaire d’Europe et d’Asie, elle a été introduite en Amérique du Nord sous forme de graines par les premiers colons. Les premiers agriculteurs du Midwest américain ont dispersé les graines dans les plaines, créant ainsi des millions de fleurs pollinisées par les abeilles, ce qui a permis d’assurer une production abondante de miel.

Image : PiccoloNamek, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

D’un point de vue botanique, la plante est appelée Taraxacum officinale, dérivé de taraxos, qui signifie désordre en grec, et de officinale, qui signifie d’intérêt pharmaceutique en néo-latin. Les propriétés thérapeutiques du pissenlit ont été décrites pour la première fois il y a près de 1 100 ans par des médecins arabes pour traiter les affections du foie et de la rate. Les peuples des Premières Nations utilisaient la plante pour traiter les maladies rénales. Au Mexique, elle était utilisée pour traiter le diabète et, dans la médecine traditionnelle chinoise, pour les infections des voies respiratoires supérieures. Aujourd’hui encore, le pissenlit est cultivé en Bulgarie, en Hongrie, en Pologne, en Roumanie et au Royaume-Uni.

En 1543, le médecin et botaniste allemand Leonhard Fuchs a documenté l’utilisation du pissenlit pour le traitement de la goutte, de la diarrhée et des affections de la rate et du foie. Le pissenlit a une teneur élevée en antioxydants qui réduisent les dommages cellulaires causés par le stress oxydatif des maladies chroniques. En outre, elle est riche en bêta-carotène, en acide ascorbique et en lécithine, qui prévient la cirrhose.

Image : Nita – Pexels

En fait, c’est l’une des rares plantes à être comestible dans son intégralité. Les feuilles, si elles sont cueillies avant l’apparition de la fleur, sont utilisées comme salade crue ou cuite. Les feuilles plus mûres ont une teneur élevée en acide oxalique, ce qui leur donne un goût amer. Les bourgeons, lorsqu’ils sont cuits, sont décrits comme ayant un meilleur goût que les meilleurs cœurs d’artichauts français. Les racines, lorsqu’elles sont grillées et moulues, constituent un substitut de café. Les fleurs peuvent être utilisées pour fabriquer du vin de pissenlit (inventé pendant la prohibition) et des tisanes. Les fleurs peuvent également être incorporées dans des soupes (avec du bouillon de bœuf) et dans la bière de pissenlit.

‘La plante a une teneur élevée en antioxydants qui réduisent les dommages cellulaires causés par le stress oxydatif des maladies chroniques.’

Le pissenlit produit une racine profonde qui peut atteindre plus d’un mètre de long, ce qui permet d’absorber les nutriments sur une grande surface. La plante possède également un mécanisme de protection contre les insectes herbivores en produisant de l’acide taraxinique dans ses racines qui agit à la fois comme un moyen de dissuasion et comme une toxine. En outre, les feuilles et les fleurs produisent de l’éthylène qui décourage la croissance des dicotylédones voisines, réduisant ainsi la concurrence. Cependant, si elle est plantée à proximité de plantes vivaces ou annuelles fructifères (y compris les tomates), le gaz éthylène favorise la maturation des fruits.

Image : photokip.com – Pexels

L’acide taraxinique du pissenlit est associé à la production de latex. Il est intéressant de noter que le latex de la variété russe produit un caoutchouc naturel de haute qualité. Étudiée pour la première fois pendant la Seconde Guerre mondiale, cette plante est toujours considérée comme une alternative aux monocultures d’hévéas pour combler la demande croissante de caoutchouc naturel.

Enfin, toute discussion autour de ce sujet serait incomplète si l’on ne tenait pas compte de ceux qui entretiennent leurs pelouses en y déversant chaque année plus de 67 000 000 de livres de produits chimiques (principalement du 2,4-D) pour contrôler la prolifération de cette plante. Dans certaines villes, la présence ds pissenlits sur une propriété résidentielle est même passible d’une amende.

‘Dans certaines villes, la présence ds pissenlits sur une propriété résidentielle est même passible d’une amende.’

Malgré tous ces efforts d’éradication, les pissenlits continuent de prospérer, émergeant entre les fissures des trottoirs des villes et recouvrant de vastes champs à la campagne. Il semble qu’elles resteront un élément qui signale le début du printemps et qui permet de s’amuser dans le cadre d’un des passe-temps préférés des enfants.

Image d’entête : Susanne Jutzeler – Pexels

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