Lisa Mintz reçoit le prix
Inspiration Nature
L’environnementaliste locale a mené à bien la mission de Sauvons la falaise Saint-Jacques
Par Patricia Dumais
11 décember 2021 – Traduction adaptée de l’anglais
Le 24 novembre 2021, le Musée canadien a annoncé les lauréats de ses prix nationaux Inspiration Nature pour 2021. Ces prix annuels, qui en sont à leur huitième année, récompensent les personnes, les entreprises et les organismes à but non lucratif qui font preuve de leadership, d’innovation et d’approches créatives en matière de durabilité, en reliant les Canadiens à la nature et au monde naturel.
Les prix 2021 couvraient sept catégories : Jeunes (17 ans et moins), Adultes, Organismes à but non lucratif (petits à moyens), Organismes à but non lucratif (grands), Entreprises durables, Action communautaire et Œuvre d’une vie. Des vidéos sur chacun des 2021 lauréats peuvent être visionnées à l’adresse nature.ca.
Dans la catégorie Adulte, le prix a été décerné à Lisa Mintz, organisatrice communautaire locale, pour son action en faveur de la conservation et de la protection d’espaces verts urbains.
La bibliothécaire devenue environnementaliste a fondé l’initiative Sauvons la falaise en 2015 pour sauver un talus boisé de 20 hectares menacé par un projet de reconstruction à Montréal. Travaillant sans relâche, elle a mobilisé la communauté et, en 2020, la ville de Montréal a annoncé que la zone serait transformée en parc. Aujourd’hui, par son action éducative et son militantisme communautaire à la tête de plusieurs groupes de conservation, elle est une source d’inspiration pour beaucoup.
La bibliothécaire devenue environnementaliste a fondé l’initiative Sauvons la falaise en 2015 pour sauver un talus boisé de 20 hectares à Montréal de l’aménagement par un projet de reconstruction.
WestmountMag a posé quelques questions à Lisa Mintz sur l’action menée afin de sauver la falaise St-Jacques.
WM : Qu’est-ce qui vous a poussé à vouloir sauver la Falaise St-Jacques ? Est-ce un endroit que vous connaissiez depuis votre enfance ou votre jeunesse, ou l’avez-vous connu plus tard lors d’observation d’oiseaux ?
LM : En fait, j’ai grandi à Toronto et j’ai déménagé à Montréal en 1998. (J’adore cette ville, soit dit en passant !) L’histoire est comme suit.
Je travaillais pour la bibliothèque Fraser Hickson lorsque l’institution a déménagé à l’angle de Madison et St-Jacques. À l’époque, j’habitais à Ville Saint-Pierre, une rue en dessous de Montréal-Ouest, près de Devil’s Hill. J’avais l’habitude d’emprunter la rue St-Jacques à vélo ou à pied pour rentrer chez moi, et j’étais fasciné par les cimes des arbres que je pouvais apercevoir à l’arrière des immeubles du côté sud de la rue.
Un jour d’hiver, après le travail, il y avait des centaines de corbeaux dans les arbres. J’ai trouvé une porte dans la clôture et j’ai commencé à descendre la colline très raide pour voir ce qu’il y avait là. Je ne pensais pas être capable de remonter la pente et je devenais un peu nerveux car la nuit tombait. Puis j’ai vu des traces de ski de fond au bas de la pente. J’ai pensé que tout irait bien, car il était évident que quelqu’un d’autre était entré et sorti, et que je pouvais suivre les traces dans la neige.
‘J’avais l’habitude de faire du vélo ou de marcher le long de St-Jacques pour rentrer chez moi, et j’étais fasciné par les cimes des arbres que je pouvais voir à l’arrière des bâtiments du côté sud de la rue.’
Il s’est avéré que ces traces étaient celles de Peter McQueen, conseiller municipal de longue date de NDG. Il allait devenir mon premier allié. Je n’ai appris comment s’appelait l’endroit que parce que, sur la clôture tout en haut, à des endroits stratégiques, se trouvaient des panneaux référençant la falaise St-Jacques.
WM : Depuis combien de temps travaillez-vous à la sauvegarde de la falaise ?
LM : La première réunion du groupe a eu lieu en octobre 2015. J’ai démarré Sauvons la falaise parce qu’un jour de mars, je me promenais au bas de la falaise en rentrant chez moi, et il y avait tout un tas de corbeaux qui faisaient beaucoup de bruit. J’étais juste en dessous du U-Haul de la rue St-Jacques et je suis allé voir. J’ai découvert qu’un arpenteur était passé par là, délimitant une énorme zone avec des marqueurs orange.
J’ai appelé Deanne Delaney des Amis du Parc Meadowbrook, que j’avais contacté car ce mouvement, avec pour mission de joindre le parc à la falaise St-Jacques, était le seul groupe que je pouvais trouver qui faisait référence à la falaise. Elle m’a dit d’appeler Peter McQueen, que je n’avais pas encore rencontré, et celui-ci m’a dit de venir à la réunion de Turcot bon voisinage le lendemain. Il s’agit d’une réunion qui a lieu tous les trois mois entre le ministère des Transports du Québec (MTQ), KPH Turcot, les fonctionnaires de la ville et les organismes communautaires, en présence du public qui peut poser des questions.
‘Je longeais l’extrémité ouest de la falaise en voiture et j’étais horrifiée ! Toute la zone, 2 hectares d’un écoterritoire, avait été rasée au bulldozer. Je me suis mis en colère et j’ai créé un groupe.’
À l’époque, je n’étais pas une écologiste. Je ne savais rien de tout cela, et si la réunion n’avait pas eu lieu le lendemain, je doute que j’y serais allée. J’étais très nerveuse lorsque j’ai posé ma question. J’avais une photo des balises orange et de leur emplacement. La dame du MTQ m’a dit que je ne devais pas m’inquiéter, car ces balises orange étaient destinées aux travailleurs de la construction et concernaient la couleuvre brune en voie de disparition. L’espèce de couleuvre brune en voie de disparition se trouve sur la falaise, et on m’a dit que chaque fois qu’un ouvrier en voyait une, il la mettait derrière la ligne orange pour qu’elle soit en sécurité. On ne couperait pas d’arbres. J’ai voulu y croire parce qu’ainsi je n’aurais pas à faire quoi que ce soit.
En septembre, je longeais l’extrémité ouest de la falaise en voiture et j’ai été horrifiée ! Toute la zone, 2 hectares d’un écosystème, avait été rasée au bulldozer. Je me suis indignée et j’ai créé un groupe.
WM : Comment avez-vous convaincu les gens que la falaise valait la peine d’être sauvé ? Pouvez-vous citer des personnes ou des groupes qui vous ont aidé ?
LM : C’est une question dont la réponse est plutôt longue ! J’ai reçu beaucoup d’aide de plusieurs personnes, mais surtout de John Symon, qui a écrit le premier article sur cette destruction, et de Campbell Stuart, ancien maire de Montréal-Ouest et chef des Amis du parc Meadowbrook, qui est devenu mon mentor. Une autre mention spéciale pour Patrick Barnard, qui a documenté la croissance de Sauvons la falaise dans ses Pimento Reports. Sue Stacho, que j’ai regardé créer Sauvons l’Anse à L’Orme et qui a copié ce qu’elle a fait pour créer mon propre groupe. La Coalition verte, qui s’est présentée à ma première manif, et Alex Tyrell, chef du Parti vert du Québec, qui nous a donné un endroit pour nous rencontrer et qui a été le premier politicien que j’ai emmené faire une promenade sur la falaise.
WM : Personne ne savait ce qu’était la Dalle-parc en 2015. Le Conseil régional de l’environnement de Montréal (CRE) s’est-il impliqué dès que le projet a été évoqué ?
ML : La Dalle-parc, un pont vert pour cyclistes et piétons dans les plans originaux de Turcot, était censé relier NDG au Sud-Ouest par-dessus les autoroutes et les voies ferrées. La passerelle devait également permettre la libre circulation des animaux et des oiseaux. C’est la première chose qui a été retranchée lorsque la reconstruction du projet Turcot a commencé, et toute mention du projet de la Dalle-parc fut suprimée. Seule la CRE en avait la mémoire et lorsque Sauvons la falaise a commencé à travailler pour faire réintégrer la Dalle-Parc au projet de reconstruction de Turcot, la CRE était là pour aider.
Ensemble, ils ont convaincu 75 organisations communautaires de signer une lettre ouverte demandant le rétablissement du projet de la Dalle-parc. Servant de pont entre les organisations communautaires anglophones et francophones, ils ont réussi à convaincre l’ensemble des groupements de Montréal à réclamer le rétablissement du projet de la Dalle-parc. En 2010 le journal The Gazette de Montréal a publié en première page un article sur la Dalle-parc. Alors que le MTQ disait que le projet Dalle-parc n’avait jamais existé, je pouvais leur montrer l’article en première page du journal.
‘Tous ont grandement contribué à la réalisation de ce projet. Les citoyens, les environnementalistes, les gouvernements montréalais, les politiciens provinciaux, les gens de six arrondissements.’
Tous les organismes ont travaillé ensemble pour créer le rassemblement La Dalle-parc pour tous en 2017. Des centaines de cyclistes et de politiciens de tous les partis et paliers de gouvernement y étaient représentés. Après quoi, le MTQ m’a informé qu’il aurait pu y avoir une Dalle-parc, mais que je ne l’obtiendrais jamais. Mais en 2018, il a été annoncé que la falaise St-Jacques deviendrait le 7e grand parc de Montréal, incluant la Dalle-parc et 30 hectares supplémentaires de terrains récupérés sur les terrains du chantier Turcot.
En fait, tous ont grandement contribué à la réalisation de ce projet. Les citoyens, les environnementalistes, les gouvernements montréalais, les politiciens provinciaux, les gens de six arrondissements… C’est extraordinaire tout le soutien apporté à ce projet. Oh, et n’oubliez pas la presse ! J’ai réalisé plus de 300 interviews au cours des six dernières années, la plupart sur ce sujet. Les journalistes ont fait en sorte que cette question soit toujours au premier plan dans l’esprit des gens.
WM : Négocier avec le MTQ, la ville de Montréal et les politiciens peut parfois s’avérer difficile. Pouvez-vous nous dire comment vous avez gardé le cap malgré les difficultés ?
LM : Je n’ai pas accepté de refus. J’ai continué à travailler avec tout le monde jusqu’à ce que ça arrive ! Je n’aurais pas pu le faire sans les réunions de Bon voisinage, qui sont devenues un forum pour notre activisme. Les journalistes savaient que nous serions là et venaient nous interviewer car nous avions la ville et le ministère dans la même pièce au même moment, de sorte qu’ils ne pouvaient pas se renvoyer la balle, et nous pouvions également y rencontrer les politiciens locaux.
La falaise est un joyau rare de nature sauvage au sein de la ville qu’il vaut mieux laisser aux oiseaux, aux renards et aux cerfs.’
WM : Quels sont vos plus grands espoirs pour la Falaise ?
LM : J’aimerais que la falaise elle-même soit fermée à tout sauf à l’éducation environnementale et qu’elle soit utilisée uniquement à cette fin. D’autres parties du Parc de l’écoterritoire de la falaise se prêtent à l’activité humaine, mais la falaise est un joyau rare de nature sauvage au sein de la ville qu’il vaut mieux laisser aux oiseaux, aux renards et aux cerfs.
WM : Et enfin, que comptez-vous faire avec l’argent du prix que vous avez reçu ?
LM : Je prévois d’en faire don à UrbaNature Education, un organisme à but non lucratif que j’ai fondé en 2017 pour enseigner la formation environnementale. Nous l’utiliserons pour procurer une éducation environnementale aux personnes des communautés mal desservies qui entourent la falaise, en nous concentrant sur NDG : St Raymond, Westhaven et Fielding Walkley. Nous sommes impatients de leur faire découvrir un grand espace vert dans leur propre cour arrière et les merveilles qu’il recèle.
Image d’entête : Lisa Mintz (au centre) rencontre les candidats et candidates aux élections municipales de 2021, par Lianne Barnes
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Patricia Dumais est une résidente de longue date de Westmount et une passionnée de la nature. En grandissant près d’une zone humide qui a finalement été développée, elle reconnaît l’importance de conserver ces endroits spéciaux qui abritent tant d’animaux sauvages.
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