Paysages rêvés d’Ando Hiroshige
Un périple envoûtant entre Edo et Kyoto illustré par le grand maître de l’estampe japonaise
30 avril 2024
Le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) présente l’une des séries d’estampes les plus emblématiques d’Andō Hiroshige (1797-1858). Pour la première fois depuis plus de vingt ans, il sort de ses réserves ces remarquables gravures sur bois qui illustrent des scènes de la vie quotidienne se déroulant dans chacun des relais du Tōkaidō, la célèbre « route de la mer de l’Est » qui reliait Edo (aujourd’hui Tokyo) à Kyoto, l’ancienne capitale impériale.
Le Tokaido était une route historique qui reliait les villes de Osaka et Kyoto à Edo au Japon.
Paysages rêvés d’Andō Hiroshige montre en intégralité les 55 estampes de la toute première édition des Cinquante-trois étapes du Tōkaidō, série qui fait partie de la collection du MBAM depuis 1973 et qui a été publiée par les éditeurs Hoeidō et Senkakudō vers 1833-1834. L’exposition s’intéresse au talent de Hiroshige et de ses collaborateurs en tant que créateurs d’un univers idéalisé. Elle analyse les raisons du succès commercial foudroyant de ces illustrations ayant popularisé l’estampe de paysage et contribué à l’émergence du japonisme en Europe.
Une invitation au voyage dans le Japon du 19e siècle
Le Tōkaidō était une route historique qui reliait les villes de Ōsaka et Kyōto à Edo (aujourd’hui Tokyo) au Japon. Longue d’environ 515 km, elle longeait principalement la côte pacifique de l’île de Honshu. Le Tōkaidō est devenu particulièrement important pendant la période Tokugawa (Edo) (1603-1867), car il reliait la capitale du shogunat Tokugawa, Edo, à l’ouest de Honshu.
Le long du Tōkaidō se trouvaient 53 villes-postes qui offraient aux voyageurs un hébergement, des rafraîchissements et des cadeaux. La route était connue pour ses vues pittoresques, célèbres dans la série de gravures sur bois de Hiroshige. Pendant la période Tokugawa, la Tōkaidō avait une plate-forme de gravier et de pierre bien entretenue d’une largeur d’environ 5,5 mètres.
Artiste avant-gardiste issu de la classe des samouraïs, Andō Hiroshige n’est pas le premier à s’intéresser au Tōkaidō. Toutefois, la première série qu’il consacre au sujet éclipse complètement les autres. Certaines de ses illustrations sont réimprimées plus de 15 000 fois. Ses scènes pittoresques remarquablement illustrées favorisent l’idée que le Tōkaidō n’est pas qu’une simple route le long de la côte orientale du pays, mais une destination en soi.
À l’époque, elles instillent chez des milliers de gens le désir d’entreprendre ce périple de près de 500 kilomètres, dont les 53 relais, situés entre le pont Nihonbashi, à Edo, et le pont Sanjōhashi, à Kyoto, offrent aux marcheurs gîte, nourriture, maisons de plaisir et une variété de produits, comme des sandales de paille.
Œuvre d’imagination, la série transcende la simple représentation de lieux à partir de l’observation pour offrir une vision fantasmée du Japon. Hiroshige y dépeint le paysage et ses éléments atmosphériques – le vent, la neige, la pluie – comme des sujets à part entière : une approche résolument nouvelle à l’époque.
L’artiste s’inspire également de guides de voyage populaires et intègre dans son travail des éléments venus d’Europe (la perspective occidentale, l’orientation horizontale de l’image, les ombrages et un pigment bleu synthétique) pour créer des paysages empreints d’un exotisme qui séduit un vaste public. Avec l’essor de la culture de consommation et du tourisme,il exploite par ailleurs, en étroite collaboration avec son équipe éditoriale, l’estampe comme un puissant outil promotionnel, offrant une visibilité publicitaire à des produits cosmétiques, à des restaurants et à des salons de thé, ainsi qu’une mise en valeur de spécialités culinaires régionales.
‘Montréal a la chance d’abriter l’une des collections d’art graphique les plus importantes au pays.’
« Le charme envoûtant que Hiroshige insuffle à ses compositions lui vaut d’être qualifié de maître de l’estampe paysagiste japonaise. Dans ses saisissantes illustrations, il mêle habilement le réel et l’imaginaire pour produire un effet quasi cinématographique, et devient ainsi l’architecte d’un monde que d’aucuns rêvent d’habiter et de visiter… un monde qui demeure tout aussi fascinant aujourd’hui », explique Laura Vigo, conservatrice de l’art asiatique au MBAM.
« Montréal a la chance d’abriter l’une des collections d’art graphique les plus importantes au pays. Créée grâce à la générosité de sa communauté, elle comprend cette célèbre série d’estampes de Hiroshige que nous sommes ravis de montrer sous un jour nouveau. Les “Cinquante-trois étapes du Tōkaidō” ont contribué à façonner notre vision du Japon. C’est avec grand plaisir que nous présentons aujourd’hui au public ces remarquables œuvres qui nous ont été offertes en 1973 », ajoute Mary-Dailey Desmarais, conservatrice en chef du MBAM.
Paysages rêvés d’Ando Hiroshige
Une exposition organisée par le Musée des beaux-arts de Montréal.
Commissaire : Laura Vigo, conservatrice de l’art asiatique, MBAM
Au Musée des beaux-arts de Montréal jusqu’au 8 septembre 2024
1380, rue Sherbrooke Ouest – 514-285-2000
Image d’entête : Andō Hiroshige (1797-1858), Shinagawa, lever du soleil (品川 日之出), nº 2 de la série « Cinquante-trois étapes du Tōkaidō », vers 1833-1834, gravure sur bois de fil (nishiki-e), éditeurs : Takenouchi Magohachi (Hoeidō) ; Tsuruya Kiemon (Senkakudō). MBAM, don de Mary Fraikin à la mémoire de son père, Maurice van Ysendyck. Photo MBAM, Christine Guest
Le Musée des beaux arts de Montréal (MBAM) est l’un des musées les plus fréquentés au Canada. Ses expositions temporaires aux scénographies originales croisent les disciplines artistiques et sont exportées aux quatre coins du monde, tandis que sa riche collection encyclopédique, répartie dans cinq pavillons, comprend l’art international, les cultures du monde, l’art contemporain, les arts décoratifs et le design, ainsi que l’art québécois et canadien. mbam.qc.ca
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