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Pourquoi la COP-15
pourrait échouer ici même

Le ministre des Transports Alghabra et ADM sont-ils en fait contre l’environnement?

Par Patrick Barnard

14 janvier 2023

La crise du changement climatique est intimement liée à la perte dramatique de la biodiversité partout dans le monde. L’avance de l’être humain rétrécit les habitats, les espèces meurent, c’est aussi brutal que ça. Un sentiment de crise paralyse les citoyens et les décideurs politiques, qui restent figés, hantés par le présent et effrayés par l’avenir.

En 1992, les Nations unies ont créé deux conventions… elles-mêmes des produits de la crise environnementale. L’une porte sur les changements climatiques, la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques, avec son « parlement, la Conférence des Parties (COP), qui se réunit annuellement. L’autre traité, La Convention des Nations unies sur la diversité biologique (CDB), tient sa COP chaque deux ans.

À Montréal, en décembre, la 15e réunion de la Conférence des parties (COP-15) de la CBD, qui n’a pas force obligatoire, vient juste de terminer dans une atmosphère de succès. La biodiversité était le mot sur toutes les lèvres. Mais il faut voir tout ce processus de plus près.

La CDB, dont le secrétariat se trouve à Montréal, a publié ses Perspectives mondiales de la biodiversité biologique 5, une évaluation interne qui montre en détail comment les membres nationaux de la Convention n’ont pas pleinement atteint leurs propres objectifs pour la décennie précédente, le prologue historique de notre rassemblement montréalais.

Chacun des objectifs des dix dernières années (2010-2020) reçoit la même évaluation de la CDB : « Objectif non réalisé. »

Voilà la leçon de la dernière décennie. La crise du climat et de la diversité de la vie s’aggrave, tandis que les dirigeants mondiaux restent immobiles. Et le gouvernement canadien ne fait pas exception.

Chacun des objectifs des dix dernières années (2010-2020) reçoit la même évaluation de la CDB : Objectif non réalisé.

Ironiquement et malheureusement, à Montréal en ce moment même, nous pouvons voir un exemple flagrant de l’incapacité du gouvernement canadien à atteindre les nouveaux objectifs de la COP-15, alors que les autorités se targuent d’un succès apparent. C’est une leçon qui illustre bien comment la perte de biodiversité se déroule dans le monde.

Oui, la COP-15 compte plus de parties que jamais – 196. Et les objectifs de protection de la biodiversité pour la prochaine décennie, jusqu’en 2030, sont passés de 20 à 23. Mais ici même, à Montréal, il y a l’histoire effrayante d’un espace naturel inestimable et riche en biodiversité, appartenant principalement au gouvernement fédéral, qui tombe manifestement sous les nouveaux objectifs de la COP – et que le Canada ne protégera toujours pas !

Au nord de l’aéroport de Montréal se trouve l’écosystème intégré de zones humides de 215 hectares connu sous le nom de terres du Technoparc, la dernière zone de ce type sur l’île de Montréal, aussi étendue que le parc du Mont-Royal. Plus de 200 espèces d’oiseaux fréquentent ce riche paysage de champs, de marais et de forêts. Or, l’objectif 12 de la nouvelle COP-15 de Montréal stipule explicitement que de tels sites doivent être sauvegardés, dans le cadre de travaux visant à « augmenter de manière significative la superficie, la qualité et la connectivité, l’accès et les avantages des espaces verts et bleus dans les zones urbaines et densément peuplées. »

Le gouvernement canadien, par le biais du ministère des Transports, est propriétaire de 155 hectares du territoire du Technoparc qu’il loue à Aéroports de Montréal (ADM). Pourtant, le cabinet fédéral refuse d’utiliser son pouvoir de propriété pour protéger et conserver cette zone. Pourquoi ? Les reportages indiquent qu’il existe une division au sein du cabinet Trudeau à Ottawa, le ministre des Transports, Omar Alghabra, défendant les ambitions commerciales d’ADM, tandis que le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, plaide pour la conservation de l’écosystème du Technoparc.

‘… l’autorité aéroportuaire ne devrait pas imposer sa volonté à un ministre, et le ministre des Transports ne devrait pas exercer un droit de veto sur une décision nécessaire pour préserver la biodiversité.’

Comme il est arrivé souvent dans le passé, il est clair dans le cabinet Trudeau que le développement économique prime sur l’environnement, même si 26 arrondissements et municipalités de Montréal ont adopté des résolutions publiques exhortant le Canada à préserver l’écosystème des zones humides du Technoparc. La conservation environnementale de ces terres jouit aussi d’un immense soutien public. À deux reprises au cours des deux dernières années, ADM a fait bondir l’opinion publique, d’abord en tentant sans succès de construire une usine sur des champs où les papillons monarques se reproduisent puis en rasant ces mêmes champs un an après.

ADM a l’oreille attentive du ministre Alghabra, mais l’autorité aéroportuaire ne devrait pas imposer sa volonté à un ministre – si c’est effectivement le cas – et le ministre des Transports ne devrait pas exercer un droit de veto sur une décision nécessaire pour préserver la biodiversité sous nos yeux.

Pour que la COP-15 soit un succès à l’échelle mondiale, il faut que l’environnement l’emporte sur le développement économique plus souvent. En ce moment, ici à Montréal, c’est l’inverse qui se produit : les rêves de développement d’ADM écrasent l’environnement.

Si les actions du gouvernement fédéral concernant le Technoparc sont un exemple de la façon dont le jeu mondial sera joué, la COP-15 finira par échouer, en commençant ici même à Montréal où le dernier accord vient d’être signé.

Avis : Les opinions exprimées dans cet article sont celles de son auteur et ne reflètent pas nécessairement les opinions de WestmountMag.ca ou de ses éditeurs.

Image d’entête: canard colvert, par Francesco Ungaro – PexelsButton Sign up to newsletter – WestmountMag.ca

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Patrick Barnard est membre du conseil d’administration de la Coalition verte, un groupe environnemental non partisan à Montréal. Il est également rédacteur en chef du blog vidéo The Pimento report/Le Piment et journaliste indépendant. Il a travaillé par le passé pour CBC Radio, Radio Netherlands et Dawson College où il a enseigné la littérature anglaise. Il est également l’un des 20 environnementalistes et experts du transport qui ont signé une lettre ouverte à Montréal demandant la fin du REM.

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