Pourquoi les politiciens
font de piètres écologistes
La décision de détruire les champs de monarques est-elle un fait accompli ?
Par Richard Swift
4 octobre 2021
Au cours du récent cycle électoral fédéral, les électeurs potentiels ont été abreuvés par les déclarations des politiciens concernant leurs préoccupations en matière d’environnement. Presque tous les partis se sont parés de leurs plus beaux habits verts pour impressionner l’électorat à un moment où toute personne un tant soit peu intelligente sait que notre espèce est confrontée à un désastre de crises écologiques en cascade soutenues par la menace d’une dégradation massive du climat. Il faut faire quelque chose – beaucoup de choses en fait.
Pourtant, malgré les beaux discours, la protection de l’environnement continue d’être un simple facteur dans la prise de décisions économiques, au lieu d’être la priorité absolue qu’elle devrait être. Ainsi, des questions vitales telles que la préservation et l’amélioration des espaces verts, le maintien des espèces menacées, la gestion des ressources précieuses, la réduction radicale des émissions de carbone sont considérées comme un ensemble de variables parmi d’autres dans les décisions d’investissement, sous-jacentes aux critères de croissance et de rentabilité, afin de ne pas offenser les détenteurs d’entreprises qui ont tant de poids dans notre société. Dans ce contexte, les mesures spectaculaires ou même une réglementation environnementale cohérente sont rapidement reléguées au bas de la liste des critères politiques.
… malgré les beaux discours, la protection de l’environnement continue d’être un simple facteur dans la prise de décisions économiques, au lieu d’être la priorité absolue qu’elle devrait être.
Cette approche visant à justifier des décisions d’investissement nettement anti-écologiques s’étend à l’ensemble du spectre politique, de la gauche à la droite. Qu’il s’agisse de l’échec du NPD à protéger les forêts ancestrales de la Colombie-Britannique, des conservateurs qui se font les champions des sables bitumineux polluants de l’Alberta et de leurs nombreuses répercussions, ou des libéraux qui tergiversent sur tous les sujets, des pipelines à la recherche effrénée de nouveaux projets de combustibles fossiles. Pourtant, tous ces partis voudraient nous faire croire qu’ils sont les seuls véritables gardiens de l’environnement.
Nous avons un excellent exemple de cette duplicité environnementale ici même à Montréal. Depuis des mois, une campagne est menée pour protéger l’habitat des papillons monarques dans le grand espace vert du Technoparc, voisin de l’aéroport international Montréal Trudeau. Par une étrange particularité de la politique réglementaire, cet espace vert vital est sous le contrôle de l’autorité aéroportuaire par le biais d’un bail, bien que le gouvernement fédéral en soit le véritable propriétaire. En ces temps de post-pandémie, l’autorité aéroportuaire est avide de revenus et prévoit de louer cette précieuse ressource écologique à des promoteurs, en commençant par ce que l’on appelle les champs des monarques. La réaction des communautés avoisinantes, des groupes environnementaux et des médias a été féroce. À tel point qu’Aéroports de Montréal (ADM) a été contraint de retarder la décision finale de remettre les champs à la société locataire – une filiale du Groupe Medicom, True North Innovative Non-Woven Materials Inc. Puis ont suivi une série d’élections, tant fédérales que municipales.
‘Par une étrange particularité de la politique réglementaire, cet espace vert vital est sous le contrôle de l’autorité aéroportuaire par le biais d’un bail, bien que le gouvernement fédéral en soit le véritable propriétaire.’
C’est là qu’entre en scène Frank Scarpaleggia, député de Lac-Saint-Louis ayant sept mandats à son actif. Lors d’une entrevue post-électorale, M. Scarpaleggia a révélé le pot aux roses concernant la cession controversée d’une partie du Technoparc (connue sous le nom de champs des monarques) par Aéroports de Montréal (ADM) aux promoteurs immobiliers. Dans une interview accordée au journal Montreal Gazette le 30 septembre, Scarpaleggia, tout en se faisant le champion des réalisations environnementales des libéraux, a laissé échapper que la décision de détruire cet habitat était un fait accompli. Il a ensuite fourni la liste habituelle de justifications, y compris l’opinion d’un ‘expert’ et des mesures de restauration par la plantation d’asclépiades, tout en déclarant sans ambages que « l’administration aéroportuaire devait détruire un habitat pour faire de la place à un projet de construction. » Et tant pis pour le respect des procédures et la responsabilité des prise de décisions officielles.
Le mouvement pour la sauvegarde des champs des monarques doit maintenant s’unir pour parer à de futures concessions aux entreprises de la part d’Aéroports de Montréal, qui finiraient par anéantir l’ensemble des espaces verts humides de Dorval. Il est tristement ironique que de telles décisions anti environnementales soient prises alors que les politiciens se targuent de grands défenseurs de l’environnement. Et ceux qui ont le pouvoir financier continuent d’obtenir ce qu’ils veulent.
‘Le mouvement pour sauver les champs des monarques doit maintenant s’unir pour parer à de futures concessions aux entreprises de la part d’Aéroports de Montréal, qui finiraient par anéantir l’ensemble des espaces verts humides de Dorval’
Que devons-nous donc retenir de l’interview de M. Scarpaleggia ? Que les dés étaient pipés et la décision pré-ordonnée? Que ceux d’entre nous qui tentent de sauver l’habitat des monarques ne font q’hurler à la lune ? La réponse définitive à cette question sera la décision prise, par toutes les parties concernées, de faire preuve de bon sens écologique et de préserver ce précieux habitat pour les papillons menacés.
Avis : Les opinions exprimées dans cet article sont celles de son auteur et ne reflètent pas nécessairement les opinions de WestmountMag.ca ou de ses éditeurs.
Image d’entête : Mark Dixon via StockPholio.net (modifiée)
À lire : autres articles sur l’environnement
Richard Swift est auteur et collaborateur au magazine New Internationalist d’Oxford, dans le Royaume-Uni.
There are no comments
Ajouter le vôtre