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Résonnances virtuelles :
La théorie et la pratique

Tangente va-elle trop loin dans la conceptualité abstraite ?

Par Luc Archambault

Tangente est une organisation qui exulte la créativité, purement et simplement. On y tente, semaine après semaine, de surprendre le public au moyen d’une audace sans bornes, abordant sans cesse les frontières de l’innovation. Mais un tel pari où l’on mise de plus belle sur l’abstraction risque éventuellement de trop s’approcher du soleil et de chuter jusqu’au sol, comme Icare. Et pour moi, cette semaine fut une chute. Une dure chute.

… des visions futuristes de l’humanité donnant corps aux technologies virtuelles.

Résonnances virtuelles est décrit dans le programme comme offrant « des visions futuristes de l’humanité donnant corps aux technologies virtuelles ». Les trois chorégraphies présentées, Binary Animal, d’Alejandro De Leon, Transenses, d’Akiko Kitamura et Navid Navab, et finalement ///, de Teoma Naccarato et John MacCallum sont très différentes les unes des autres, des performances au taux de réussite variable.

Tangente, Binary - Alejandro-de-leon - WestmountMag.ca

Le premier, Binary Animals, est composé de courts interludes en introduction de la soirée et entre les deux autres chorégraphies. La première « installation » de l’artiste fut une projection sur une table placée au centre du café, soit dans l’antichambre de la salle de spectacle. Je ne rechigne pas face à une recherche conceptuelle, mais il y a des limites. Lorsqu’un auditoire doit converger autour d’une table basse pour regarder une vidéo qui y est projetée, cela m’insurge car ceux qui ont la malchance d’être à l’arrière de l’attroupement ne voient carrément rien.

‘Tangente est une organisation qui exulte la créativité, purement et simplement. On y tente, semaine après semaine, de surprendre le public au moyen d’une audace sans bornes…’

La seconde installation n’était guère mieux. Deux performers qui s’étaient infiltrés parmi les spectateurs durant l’entracte se mirent à faire un strip-tease, et une fois quasi entièrement dénudés, se sont engouffrés dans l’un des étroits corridors du building Wilder, avec derrière eux le troupeau, comme du bétail mené à l’abattoir. Non merci. Pari perdu. Intérêt quasi-nul.

Tangente, TranSenses - WestmountMag.ca

La deuxième chorégraphie, Transenses, sauva au moins la mise. Dans un style de butoh post-moderne, une danseuse performe avec l’énergie d’une détonation nucléaire explosant sur une fascinante projection sur le sol, une spectaculaire image interagissant avec ses mouvements.

‘C’est une chorégraphie des plus inventives, des plus créatives auxquelles il m’ait été donné le privilège d’assister.’

L’environnement sonore évolue autour du même concept. Le sol et la musique suivent les mouvements du corps, créant des mondes, voire des univers. Car rendu à ce point esthétique, l’on tend à l’ésotérisme, dépassant le simple terme de ‘scénographie’. C’est une chorégraphie des plus inventives, des plus créatives auxquelles il m’ait été donné le privilège d’assister. C’est entré dans mes annales, définitivement.

Tangente, Laura Boudou & Teoma-Naccarato - WestmountMag.ca

Et finalement, ///, pour clore cette soirée exploréenne (terme de Claude Gauvreau). Le concept ? Les spectateurs sont assis sur le pourtour de l’espace de représentation, dos à celui-ci. Un miroir à main leur est donné, avec seulement une bande horizontale dégagée (le reste de la surface est couvert de ruban noir), pour observer ainsi le spectacle se déroulant derrière eux. Face au mur du fond, trois musiciens, et au centre des trois autres côtés, trois ‘performers’. Ceux-ci vont respirer bruyamment pendant toute la durée de la performance.

‘… une excellente idée, en théorie, mais certainement pas une fois mise en pratique.’

Lorsque celle-ci commence, trois danseuses rampent sur le sol, comme victimes d’une danse de St-Guy. Je ne rechigne pas, encore ici, face à l’art conceptuel. Mais cette chorégraphie m’a semblée très dépouillée, futile et d’un ennui total. Regarder – ou du moins tenter de le faire par le biais de cet absurde miroir – trois danseuses se tortiller au sol comme des possédées, même si la musique était par moment intéressante, et au final devoir se taper une séance de respirations profondes durant combien ? quinze ? vingt minutes ? Je pratique la méditation chez moi, dans l’intimité, mais pas dans un environnement non propice à pareil état de transe, sûrement pas sur un sol dur, entouré d’inconnus. Ce fut un long calvaire. Encore une fois, une excellente idée, en théorie, mais certainement pas une fois mise en pratique.

Pour conclure, seule une performance sur trois a mérité le prix d’entrée. Je suggérerais de quitter après celle-ci, et passer go sur la seconde interlude complètement barjo (Binary Animal) et le ratage final (///), ou restez, si le cœur vous en dit, ou si vous vous sentez soit déprimé soit masochiste.

Button Sign up to newsletter – WestmountMag.caLe standard d’excellence mis de l’avant par Tangente place la barre très haute, ce qui amplifie d’autant plus la déception lorsqu’elle survient. La semaine prochaine, le dernier spectacle de la saison. En espérant au moins un retour à la normale.

Lire aussi : T2 Trainspotting, la nostalgie et rien d’autre

Images : Tangente


Luc Archambault WestmountMag.ca

Luc Archambault
Écrivain et journaliste, globe-trotter invétéré, passionné de cinéma, de musique, de littérature et de danse contemporaine, il revient s’installer dans la métropole pour y poursuivre sa quête de sens au niveau artistique.


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