Barbara Steele, rien que pour ses yeux
Le cinéma fantastique est un genre cinématographique dont l’histoire remonte à l’aube du cinéma
Par Francis Ouellet
Précédemment publié le 14 octobre 2018
En ce début d’automne, où les nuits s’allongent, où le froid s’installe et où nous pouvons déjà imaginer, à l’approche de l’Halloween, des cortèges de vampires demi-portions, de petites sorcières et de monstres miniatures en tout genre qui arpentent les rues en quête de friandises, il m’est apparu intéressant de faire un détour vers le cinéma fantastique, genre cinématographique d’une grande richesse et dont l’histoire remonte à l’aube du cinéma.
En effet, le premier film fantastique, Le manoir du diable, de George Méliès, fut réalisé en France en 1896, soit un an à peine après la date officielle de la naissance du cinéma. D’une durée de 2 minutes, ce petit film montre un sombre personnage, mi-démon, mi-vampire, qui se métamorphose sous nos yeux en chauve-souris.
Au cours des décennies, plusieurs grandes figures du cinéma ont été attachées au fantastique, dont la très belle et mystérieuse Barbara Steele.
Perçu comme fort naïf aujourd’hui, ce film n’en démontre pas moins l’attachement que nous portons au fantastique et au merveilleux, et ce, depuis les débuts de l’humanité. Nous avons toujours été friands de contes et de légendes, il est donc tout à fait naturel que le 7e art se soit servi de cette fascination pour l’étrange et le mystérieux qui est en chacun de nous dans un simple et unique but : nous faire peur.
Au cours des décennies, plusieurs grandes figures du cinéma ont été attachées au fantastique, que ce soit des acteurs ou des réalisateurs, et s’y sont fait un nom et, dans certains cas, sont devenues des icônes, voire des légendes de ce genre si prisé des amateurs. La très belle et mystérieuse Barbara Steele est l’une d’elles.
Née en Angleterre en 1937, elle amorce sa carrière comme modèle et mannequin avant de faire le saut vers le cinéma. Avec son beau visage mince encadré d’une sombre chevelure, sa bouche boudeuse et, surtout, ses grands yeux si expressifs et envoûtants, elle se fait rapidement remarquer.
À la fin des années 1950, elle incarne divers petits rôles secondaires en Angleterre. Mais c’est en Italie qu’elle connaît la gloire et la consécration. En 1960, elle tient le rôle principal dans Le masque du démon du très grand Mario Bava, chef-d’œuvre du cinéma gothique qui fit école et qui, encore aujourd’hui, est considéré comme un des incontournables du cinéma fantastique.
À partir de ce moment, et quelquefois à son corps défendant, Barbara Steele devient la véritable reine du cinéma d’horreur, tournant avec les plus grands réalisateurs du genre, tant en Italie qu’en Angleterre ou aux États-Unis. Elle fait également quelques incursions dans le cinéma d’auteur, notamment avec Federico Fellini, Volker Schlöndorff ou encore Louis Malle, mais c’est pour ses rôles dans le cinéma d’horreur qu’elle entre dans la légende.
‘Au cours des décennies, plusieurs grandes figures du cinéma ont été attachées au fantastique, que ce soit des acteurs ou des réalisateurs’
Malheureusement, sa carrière s’essouffle au début des années 1970 et ses apparitions se font de plus en plus rares. Elle se tourne alors vers la production, surtout pour la télévision, tout en nous faisant le plaisir de sa présence, de temps à autre, dans diverses productions cinématographiques.
Afin de découvrir, ou de redécouvrir cette grande dame du cinéma fantastique, je vous propose ici deux œuvres importantes de sa filmographie. Comme je le disais plus haut, Le masque du démon est incontestablement le film le plus important de sa carrière, mais les deux films qui suivent sont de la même trempe et peuvent soutenir la comparaison avec le sombre joyau de Mario Bava.
Danse macabre / La Danza Macabra
Librement inspiré des contes d’Edgar Allan Poe, qui apparaît dans la scène d’ouverture sous les traits de l’acteur italien Silvano Tranquilli, le film nous raconte l’histoire d’un journaliste, George Rivière, qui accepte le pari de passer une nuit entière dans un manoir réputé hanté. Les fantômes seront bien sûr à sa rencontre, décidés à lui prendre la vie. Il ne pourra compter que sur l’aide de la belle Elisabeth, magnifiquement campée par Barbara Steele, personnage lumineux et tragique, prisonnière, elle aussi, de ce lieu infernal.
Dans ce film où rien ne semble être exactement ce qu’il devrait être, même la mort peut sembler bénéfique, passage obligé vers une autre vie, peut-être meilleure. Réalisé en 1964 par Antonio Margheriti, l’autre grand nom du cinéma gothique italien, Danse macabre est une œuvre envoûtante, atmosphérique, où tout semble se dérouler dans un rêve, ou plutôt un cauchemar.
L’ambiance irréelle, magnifiquement servie par un splendide noir et blanc, est un pur ravissement. La scène d’ouverture à elle seule, où l’on voit Edgar Allan Poe, dans une petite auberge perdue au cœur de la nuit, réciter la fin de Bérénice, l’un de ses contes les plus célèbres, suffit à instiller une sensation d’angoisse morbide qui ne nous quittera plus. Porté par la musique automnale de Roz Ortolani, ce film est une des plus belles réussites du cinéma italien de l’époque.
Les amants d’outre-tombe / Amanti d’Oltretomba
Au cours de sa carrière de réalisateur, Mario Caiano a touché à tous les genres populaires du cinéma italien (horreur, péplum, western-spaghetti, policier, porno nazi…), et ce, avec le même manque flagrant de talent. Pourtant, au cœur de cette collection de films minables et souvent bâclés se cache l’un des plus beaux contes gothiques du cinéma italien : Les amants d’outre-tombe (Amanti d’oltretomba), tourné en 1965.
Classique histoire de vengeance de l’au-delà, une jeune femme et son amant, torturés, puis assassinés par le mari de celle-ci, reviendront d’entre les morts pour tourmenter leur bourreau. Caiano illustre ce scénario par de superbes images, d’un lyrisme baroque, nous transportant dans un univers romantique et macabre, où les cimetières brumeux et les vastes demeures décrépies, toujours étouffés par des ombres menaçantes, sont du plus bel effet expressionniste.
La magnifique photographie en noir et blanc d’Enzo Barboni et la musique envoûtante d’Ennio Morricone ajoutent encore à cette œuvre, lugubre poème dédié à la beauté vénéneuse de Barbara Steele. Il est étrange de constater que ce joyau soit l’œuvre d’un simple tâcheron. Caiano, qui signa ce film du pseudonyme d’Allan Grünewald, n’atteindra plus jamais ce sommet par la suite. Mais au moins, par ce film, il aura légué une œuvre importante au genre.
De très belles versions de ces deux films, entièrement remastérisées et pleines à craquer de bonus intéressants, sont offertes en DVD. Chez Synapse Films pour Danse macabre, sous son titre américain Castle of Blood, et chez Severin Films pour Les amants d’outre-tombe, sous son titre américain Nightmare Castle.
De plus, Severin Films a mis sur le marché une belle édition Blu-Ray d’un programme triple mettant en vedette Barbara Steele sous le titre Nightmare Castle. En plus des deux films présentés dans cet article, on y retrouve également Terror Creatures from the Grave (Cinque Tombe per un medium) de Massimo Pupillo, autre poème morbide dédié à la belle Barbara. Intéressant et bien fait, mais pas du même calibre que les autres films.
Images : bavatuesdays via StockPholio.comAutres articles de Francis Ouellet
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Francis Ouellet a toujours été un amoureux fou du cinéma, de l’animation et de la bande dessinée. Cette obsession de l’image, du mouvement, de l’ombre et de la lumière l’a conduit à faire carrière dans le domaine de la publicité et des communications graphiques. Ce qui ne l’empêche pas de continuer à travailler, dans ses temps libres sur divers projets d’animation et de bande dessinée.
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