Rogue One: un à-côté spectaculaire
Un film dérivé de Star Wars qui vous transporte dans un univers bien connu
Par Luc Archambault
Lorsque l’on parle de l’univers de Star Wars, on doit traiter avec des légions de fans et des années d’accumulation d’expectatives, de spéculations et même de rêves. Je me rappelle ma première expérience face à cet univers lors du lancement de la série (Star Wars IV: A New Hope), à l’âge de 17 ans, à la fin de mon secondaire. Et depuis j’attends avec impatience chaque sortie de film de cette série.
Visuellement, ce film est renversant. La franchise a atteint de nouveaux sommets avec ce nouvel épisode.
Désormais, surtout depuis la prise de contrôle par Disney et la subséquente purge de l’univers étendu (ce qu’on appelle l’« Extended Universe », soit un corpus quasi innombrable de romans explorant tant le passé que le futur de cette franchise) pour tout remplacer avec un nouveau canon, on peut craindre que cet Empire terrestre ne ressente le besoin de récolter encore plus de deniers auprès des cinéphiles que ceux découlant des films de la franchise. Donc, on se retourne vers ces films dérivés, Rogue One étant le premier en lice à sortir entre les films de la série principale (ce qui voudrait dire que la saga ne se terminerait pas avec Star Wars IX ?). Mais, laissant de côté la logique monétaire, la question s’impose: ce film en vaut-il la peine d’être vu, du point de vue du fan fini ?
Sans ambages, oui. Il s’agit d’un film de guerre, purement et simplement, sans compromis côté narratif. Le développement des personnages est magnifique, avec Jyn Erso (Felicity Jones), Cassian Andor (Diego Luna), et le reste de la distribution des rôles qui compte parmi les personnages secondaires le grand Mads Mikkelsen (qui joue le père de Jyn, Galen Erso, l’ingénieur derrière la création des plans de l’Étoile Noire), Forest Whitaker en Saw Gerrera, Ben Mendelsohn en Orson Krennic, et tous les autres. Fait important à noter: James Earl Jones incarne toujours la voix sinistre de Darth Vader, comme dans tous les autres films de la franchise.
Maintenant, pour ceux qui n’ont pas eu le plaisir de voir ce film, le reste de cet article va comporter son lot de révélations majeures.
Visuellement, ce film est renversant. La vision d’un destroyer spatial planant au-dessus de Jedha est tout simplement magique. Les batailles, tant spatiales que terrestres, donnent une impression de totale maîtrise visuelle. La franchise a atteint de nouveaux sommets avec ce nouvel épisode. La seule note discordante concerne la musique. La trame sonore avait été confiée initialement à Alexandre Desplat qui a été remplacé, tout juste cinq semaines avant le lancement, par Michael Giacchino. Celui-ci a composé une trame intéressante, certes, mais pas de la trempe de celles d’un John Williams. On ne retrouve tout simplement pas le souffle opératique inhérent aux trames de Williams. Même s’il s’agit d’un film isolé, avec des personnages sacrifiables, et qu’il y a une bonne quantité de cannibalisme en rapport avec la musique de la franchise, je déplore l’absence de toute couche sous-jacente à l’environnement musical. Nul doute que le court laps de temps alloué à la composition de cette trame est à l’origine de cette lacune. Il faut espérer que ce ne soit le cas dans les films subséquents.
Une autre déception majeure est l’absence d’un texte défilant initial. Dans plusieurs interviews, tant la productrice (Kathleen Kennedy) que le réalisateur (Gareth Edwards) relatent les discussions derrière cette décision. Je ne souscris pas à leur argumentaire: c’est un film hors-série, différent des films de la franchise, et qui peut donc être différent du format habituel. Pour moi, le texte défilant aurait donné à Rogue One une touche plus en accord avec la série dans son entièreté, une inclusivité naturelle au sein du canon.
En choisissant d’explorer ces histoires parallèles, le QG de Star Wars offre aux cinéphiles et aux fans un contexte de fond inégalé…
Et puis il y a la fin. Je sais qu’il y a eu nombre de retournages de dernière minute, tous dédiés à la finale du film. J’ignorais que le script original se terminait avec Jyn et Cassian survivant ensemble sur une autre planète, comme deux tourtereaux amoureux… et non morts sur une plage de Scarif. J’aurais souhaité voir les rebelles de l’histoire trucidés par Darth Vader en transmettant les plans aux troupes de la princesse Léia à travers l’ouverture du sas entre les deux vaisseaux. L’anonymat des soldats sacrifiés m’a quelque peu déçu. Avec les principaux personnages ainsi massacrés, quelle fin mémorable nous aurions eu !
Alors, en dépit de ces irritants mineurs, devriez-vous dépenser vos deniers si durement acquis pour aller voir ce film ? À mon humble avis, vous devriez. Cette histoire vaut bien les presque vingt dollars et les deux heures et demie de votre vie. Elle vous transportera dans un autre univers, que vous connaissez déjà par surcroît. En choisissant d’explorer ces histoires parallèles, le QG de Star Wars offre aux cinéphiles et aux fans un contexte de fond inégalé pour tous ceux qui n’ont pas lu les multiples romans de cet univers particulier. Et en dépit de la décision un peu douteuse d’utiliser des versions virtuelles de Peter Cushing et d’une jeune Carrie Fisher (faut-il trembler face au prospect d’une Princesse Léia virtuelle dans Star Wars IX ?), ce film comporte suffisamment de force de frappe, tant visuellement qu’en terme de pistolet-laser, pour nous forcer à abandonner tout jugement trop critique. Ne boudez pas votre plaisir, retrouvez votre regard d’enfant (ou de plus jeune), comme il se doit, et regardez ce film comme il entend l’être: une riche addition à un univers lointain.
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Images : Walt Disney Studios Motion Pictures
Luc Archambault
Écrivain et journaliste, globe-trotter invétéré, passionné de cinéma, de musique, de littérature et de danse contemporaine, il revient s’installer dans la métropole pour y poursuivre sa quête de sens au niveau artistique.
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