Abraham Anghik Ruben,
maître-sculpteur inuvialuit
Une exposition exceptionnelle à La Guilde pour inaugurer le festival Présence Autochtone 2017.
Texte et photos par Jean-François Brucel
Si l’on consulte Internet sous Abraham Anghik Ruben, on s’aperçoit que cet artiste inuit du nord de l’arctique canadien, un Inuvialuit, est une sommité dans son domaine et que ses œuvres figurent dans de nombreuses collections muséales ainsi que privées et corporatives. Fasciné depuis longtemps par les cultures et les peuples de l’hémisphère Nord, l’artiste nous révèle sa vision de ce qu’a pu être la relation immémoriale entre Vikings et Inuits.
… l’artiste nous révèle sa vision de ce qu’a pu être la relation immémoriale entre Vikings et Inuits.
Des esprits qui se rencontrent, se souviennent…
Car c’est au niveau de sa pensée créatrice que ce maître-sculpteur se distingue le plus. Naguère les Inuits ont, en effet, eu des contacts avec les Vikings. Ces deux peuples nordiques partageaient alors des valeurs, des croyances spirituelles semblables renforcées par les liens qu’ils entretenaient avec la terre et les esprits.
Transformations chamaniques, rêves, passage du temps, voyages en mer, autant de thèmes que ce maître-sculpteur interprète dans ses œuvres, autrefois des blocs de pierre informes… Parmi les thèmes qu’explore brillamment l’artiste au travers de ses œuvres, on retrouve Sedna – la déesse mère de la mer et des animaux marins dans la mythologie inuite – et le chamanisme, mais également Odin, Thor et Beowulf ainsi que des motifs graphiques résolument vikings, dont un bestiaire qui inclut des ours polaires et des oiseaux de proie, ainsi que des dragons et des chiens.
À travers ses œuvres, Abraham Anghik Ruben a « tenté de ranimer ces voix anciennes d’une époque où ces deux peuples nordiques vouaient un profond respect envers la terre et toute espèce vivante s’y trouvant qui contribuait à la survie et à la subsistance ». Et puis on se surprend à remarquer dans l’exposition une œuvre sur Saint-François d’Assise, la résultante sans doute d’une éducation dans la pensée chrétienne pendant un séjour de onze ans en pensionnat autochtone qui a inévitablement laissé des cicatrices émotionnelles et culturelles profondes.
Un artiste hors-norme
Né en 1951 dans les Territoires du Nord-Ouest, son premier vernissage avait lieu en 1971 à Toronto mais ce n’est toutefois qu’en 2016 que Ruben recevait l’Ordre du Canada. De par sa maitrise du médium, sa technique et ses thématiques, cet artiste est exceptionnel. La quinzaine d’œuvres qui nous sont présentées lors de cette exposition sont soit des bronzes, soit de la stéatite (pierre à savon) du brésil teintée d’ocre ou striée de brun foncé. Ses autres matériaux de prédilection sont les vertèbres et les côtes de baleine, la stéatite de l’Oregon et de la Colombie britannique.
Une vision nouvelle de l’art inuit
Cette exposition exceptionnelle inaugure le Festival Présence Autochtone 2017 en collaboration avec le maître d’œuvre du festival, Terres en Vues / Land InSights, à La Guilde, 1460 B Sherbrooke Ouest, tout près du Musée des Beaux arts de Montréal.
Incontournable pour les amateurs de sculpture inuit, l’exposition ouvre de nouvelles perspectives pour l’art Inuit, dans un esprit de renouvellement envisagé par des artistes tels qu’Abraham Anghik Ruben. Dans un concept d’art nordique pratiqué par tous les peuples proches de l’Arctique, on ne peut que s’en réjouir.
Photos : Jean-François Brucel
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Jean-François Brucel
Jean-François est un artiste de Montréal en sérigraphie, acrylique et photographie. Il réinterprète notamment le bestiaire nord-américain dans ses sérigraphies et considère la silhouette humaine en mouvement comme source d’inspiration pour ses peintures acryliques.
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