L’art lyrique en présentiel
à la Salle Bourgie du MBAM
Membra Jesu nostri, de Buxtehude, interprété par le Studio de Musique Ancienne de Montréal
Par Luc Archambault
14 avril 2021
Quel ne fut pas notre plaisir immense que de renouer avec l’art lyrique en présentiel… tout un événement que nous a présenté la Salle Bourgie et le Studio de Musique Ancienne de Montréal (SMAM), ce concert du cycle Membra Jesu nostri BuxWV75 (tristement traduit littéralement par Des pieds à la tête). On connaît Buxtehude, ce luthérien du dix-septième siècle de Lübeck, tout en austérité et, à l’instar de Bach, hostile aux fioritures ornementales propres à l’époque baroque, influencée par le catholicisme et le papisme.
Composé en 1680, ce cycle compte sept cantates ornant des poèmes spirituels de Bernard de Clairvaux (ou du moins qui lui sont attribués). Ces cantates s’articulent comme des méditations portant sur les plaies de la passion du Christ en croix, des pieds à la tête (d’où la triste traduction française de l’œuvre). Œuvre dévotionnelle par excellence de la musique luthérienne, elle illustre de façon bouleversante les souffrances de Jésus en une litanie contemplative qui transporte l’auditeur en un univers de recueillement incomparable, qu’il soit croyant ou non.
Ces cantates s’articulent comme des méditations portant sur les plaies de la passion du Christ en croix, des pieds à la tête…
« Tous les prétextes sont bons pour présenter les innombrables compositions religieuses générées par les siècles, comme cette bouleversante méditation sur les souffrances du Christ en croix composée par Buxtehude pour les Jours saints. Quel que soit l’état de notre foi, elles peuvent être goûtées aujourd’hui pour elles-mêmes, dans leur beauté intrinsèque et même dans le message qu’elles véhiculent. », selon Andrew McAnerney, directeur musical du SMAM
(Critique à part…)
Pour la prestation à proprement parler, les chanteurs furent excellents pour la plupart. La voix de l’alto Josée Lalonde semblait un tantinet faible, surtout en comparaison aux deux sopranos dont les voix angéliques étaient d’une clarté sans faille, et la basse Normand Richard, dont le timbre se perdait par moment dans ceux des violons…
Que dire de l’architectonique de l’ensemble ? La surcharge des interprètes côté jardin (les deux sopranos, les deux violons, une des gambistes et la basse, en retrait des autres chanteurs, par rapport à un faible côté cour (l’alto, l’orgue, le magnifique ténor, et les deux autres gambistes fort peu présentes, relevant presque de l’accessoire), évoqua en moi un mauvais mixage stéréo.
C’était un déséquilibre quasi douloureux, compte tenu de ma position idéale d’écoute située en plein milieu de la rangée, dans cet auditoire parsemé. D’ailleurs, Normand Richard n’aurait-il pas mieux été placé côté cour, l’éloignant des deux violons au timbre si puissant? Et les deux jeunes gambistes, au rôle plus qu’accessoire, n’auraient-elles pas mieux été placées de chaque côté de la scène, en rajout pénultième à l’ensemble?
‘Quel que soit l’état de notre foi, elles peuvent être goûtées aujourd’hui pour elles-mêmes, dans leur beauté intrinsèque et même dans le message qu’elles véhiculent.’
Renaissance de la réalité concertante
Il est à remarquer que les quelques bémols quant à la disposition optimale des interprètes n’ont pas diminué pour autant le bonheur tellurique découlant de ce concert. La puissance de certain(e)s – les deux sopranos, le ténor, les deux violons et la gambiste Suzie Napier – a su élever l’ensemble au-delà des espérances.
Peut-être est-ce dû à la renaissance de la réalité concertante – n’étions-nous pas en grave manque de pareille musicothérapie ? – mais quoi qu’il en soit, cette interprétation de l’austère Buxtehude a véritablement su combler un manque. Avec pareil brio, l’accoutumance n’est certes pas difficile à imaginer.
Images : Courtoisie de Studio de musique ancienne de Montréal
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Le Studio de Musique Ancienne de Montréal (SMAM), fondé en 1974 par Christopher Jackson, Réjean Poirier et Hélène Dugal, occupe une place de choix dans l’univers musical québécois et canadien. Il est reconnu pour ses « textures enveloppantes et ses sonorités lumineuses et envoûtantes ». Il est sous la direction musicale d’Andrew McAnerney, et est formé d’un ensemble de 12 à 18 chanteurs. Le SMAM se dévoue principalement au répertoire vocal depuis 1998. Il a interprété des centaines d’œuvres allant de la Renaissance au Baroque, des chefs-d’œuvres attestés autant que des œuvres méconnues ou oubliées • www.smamontreal.ca
Luc Archambault, écrivain et journaliste, globe-trotter invétéré, passionné de cinéma, de musique, de littérature et de danse contemporaine, est revenu s’installer dans la métropole pour y poursuivre sa quête de sens au niveau artistique.
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