Wrhhhhhhhhhhhh! …
Moins de bruit, svp
Interdire les souffleurs à feuilles pour améliorer notre environnement
Par Louise Legault
10 octobre 2023
Une belle journée d’automne. Le soleil est chaud sur la peau, malgré cette petite froidure dans l’air. Vous avez à peine mis le nez dehors que ça y est : ce désagréable bruit strident vient gâcher l’ambiance. Un souffleur à feuilles… puis un autre… et même un troisième : en fait, toute une chorale qui se relaie l’après-midi durant !
Ramasser les feuilles était autrefois un exercice tranquille, presque méditatif, l’occasion d’examiner votre jardin une dernière fois avant l’hiver. Le tout se terminait avec une montagne de feuilles où les enfants pouvaient courir avec abandon. Comme bien des choses de nos jours, ramasser des feuilles a suivi le rythme de l’époque : il faut faire vite, être efficace… et bruyant. Électrique, à pile, à moteur à essence 2-temps ou 4-temps, de plus en plus de fabricants de souffleurs à feuilles se battent pour une part de plus en plus réduite du gâteau.
Poussés par la concurrence, les souffleurs ont pris du muscle – plus gros, c’est toujours mieux, pas vrai ? – et sont devenus de véritables engins. Conçus pour ramasser des feuilles, ils servent aussi au nettoyage des gouttières, au balayage de ces quelques misérables petits brins d’herbe qui déparent votre entrée après la tonte du gazon ainsi qu’à ces grosses tâches de nettoyage au printemps et à l’automne : la créativité de l’homme est sans limites lorsqu’il s’agit d’utiliser un nouvel outil…
Combien de bruit un de ces engins peut-il produire ? Certains atteignent de 80 à 90 décibels, un niveau qui peut causer des problèmes d’audition avec une exposition soutenue. Les paysagistes (pas tous) portent donc des protecteurs lorsqu’ils utilisent des appareils de jardinage.
C’est sur la base du bruit que les municipalités et les arrondissements à travers le Canada et les États-Unis empêchent l’utilisation de souffleurs à feuilles à certains moments de la journée ou de l’année et interdissent l’utilisation des modèles à essence à 2-temps : à Montréal, c’est le cas notamment des arrondissements de CDN-NDG, Le Sud-Ouest, Pierrefonds-Roxboro, Verdun et Ville-Marie. Malheureusement, 10 des 19 arrondissements de Montréal n’ont aucune réglementation au sujet des souffleurs à feuilles et autres appareils de jardinage.
Certains souffleurs à feuilles atteignent de 80 à 90 décibels, un niveau qui peut causer des problèmes d’audition avec une exposition soutenue.
S’il ne s’agissait que du bruit. Les souffleurs à feuille à essence produisent aussi du CO2, l’un des principaux responsables du changement climatique. En une heure, un seul souffleur à feuilles à moteur 2-temps peut produire l’équivalent d’une Toyota Camry sur 1 770 kilomètres, soit la distance entre Montréal et Nashville, TN. Multipliez ce chiffre par le nombre de souffleurs dans votre voisinage et vous avez là un véritable embouteillage directement sous vos fenêtres !
Ce même paysagiste devrait aussi porter un masque pour éviter ces émanations. Pas étonnant donc qu’un nombre croissant de municipalités et d’arrondissements interdissent complètement les souffleurs à essence : c’est le cas d’Outremont, suivi cet automne des villes de Westmount et de Montréal-Ouest. La mise en vigueur de ces règlements est quelque peu problématique : il n’est pas toujours aisé de départir un moteur à 2-temps d’un autre à 4-temps. Le respect de ces règlements ne peut se faire sans une campagne de sensibilisation et des changements de comportement qui deviendront de plus en plus nécessaires avec l’évolution des changements climatiques.
Certains paysagistes portent aussi des lunettes de protection (protection des oreilles, des yeux, masque : il ne manque que le survêtement HAZMAT !). Un souffleur à feuilles ne se limite pas à soulever les feuilles : il soulève aussi de la poussière chargée de moisissures et d’allergènes, de brindilles et de petites roches. Fermez les écoutilles lorsque le commando de paysagement débarque chez vous !
‘En une heure, un seul souffleur à feuilles à moteur 2-temps peut produire l’équivalent d’une Toyota Camry sur 1 770 kilomètres.’
Les souffleurs à feuilles contribuent aussi à un autre enjeu environnemental : la perte de biodiversité. Des études ont démontré que près d’un million d’espèces de plantes et d’animaux sont actuellement menacés d’extinction. L’Amérique du Nord a perdu 3 milliards d’oiseaux en moins de 50 ans et le nombre d’insectes est aussi en chute libre. Or, que mangent les oiseaux ?
Il fut un temps où matin et soir, les huit notes du merle ponctuaient notre quotidien ; à la brunante, les hirondelles plongeaient dans le ciel, bientôt suivies par le froissement métallique des chauves-souris. Quand j’étais petite, nous revenions d’une balade en auto avec le pare-brise recouvert d’insectes. Plus aujourd’hui. Parties aussi sont les mouches à feu de notre enfance. Même les moustiques ne dérangent plus les barbecues en fin de soirée. Nos enfants héritent d’un monde beaucoup plus stérile, qui ne présente pas les merveilles naturelles d’autrefois.
Le souffleur à feuilles met à mal un cycle naturel de longue date : sous les feuilles d’automne, les insectes pondaient leurs œufs, les larves se formaient et au printemps, la nouvelle génération apparaissait. Retirez les feuilles de l’équation à l’automne ou hâtez-vous de les ramasser au printemps et c’est la fin de la prochaine génération. Que faire, que faire ?
Nous pourrions tous réduire nos normes de jardinage et la biodiversité s’en porterait mieux. De plus en plus d’organismes souscrivent à l’idée de laisser les feuilles au sol afin de protéger les habitats hivernaux. Les feuilles peuvent servir de paillis sur les plates-bandes et au pied des arbres et des arbustes ; d’autres s’adonnent au feuillicyclage, en passant la tondeuse sur les feuilles pour les déchiqueter, ce qui les transforme en produit fertilisant, leur véritable nature.
‘De plus en plus d’organismes souscrivent à l’idée de laisser les feuilles au sol afin de protéger les habitats hivernaux.’
Vous avez sans doute remarqué des endroits dans votre parc local où on laisse pousser le gazon, ce qui crée des habitats pour les insectes et les pollinisateurs pour la belle saison. En choisissant des espèces de plantes, de fleurs et d’arbustes indigènes, on réduit l’entretien nécessaire et l’on aide au retour des pollinisateurs. Plusieurs propriétaires ont renaturalisé leur petit coin de paradis et constaté le retour des oiseaux, des papillons et des abeilles. De nouvelles espèces de couverts végétaux proposent maintenant des pelouses tout aussi vertes, mais moins monotones en matière de biodiversité.
Il n’y a vraiment rien comme d’observer un bambin qui suit le vol d’un papillon ou se penche pour regarder une « bibitte » colorée. S’ils pouvaient seulement éteindre ce /%* souffleur à feuilles !
Pour apprendre comment vous pouvez faire pression auprès de votre ville ou arrondissement sur le bannissement des souffleurs à feuilles, communiquez avec la Coalition Quartiers verts et paisibles au quartiersvertspaisibles@gmail.com
Image d’entête: Vlad Vasnetsov – Pixabay
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Louise Legault est membre du comité d’orientation de Les Amis du Parc Meadowbrook. Le groupe défend la rivière Saint-Pierre et le terrain de golf Meadowbrook du développement résidentiel depuis trente ans afin d’en faire un parc nature relié à la falaise Saint-Jacques et au Sud-Ouest par la dalle-parc. lesamisdemeadowbrook.org
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