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Tensions dans les marchés financiers en 2016

Les politiques des banques centrales, l’endettement et la Chine vs… le consommateur américain

Par Jean-Luc Burlone, M. Sc. Ecn. FCSI (1996)

Pour les mois à venir et à moins d’un évènement imprévu et déstabilisant, les facteurs de risque pour les marchés financiers sont connus, bien que leurs impacts soient toujours débattus. Pour l’heure, les inégalités, la crise des réfugiés, le terrorisme, la guerre en Syrie ou celle au Yémen entre les intermédiaires de l’Iran et de l’Arabie Saoudite influencent peu les marchés malgré la tension, le coût et le chaos que ces évènements génèrent. Par contre l’échec des banques centrales à stimuler la croissance, le haut niveau d’endettement mondial et les aléas de l’économie chinoise minent la confiance des investisseurs qui sont, néanmoins, quelque peu rassurés par la résilience du consommateur américain — le dernier bastion de la demande globale.

…l’échec des banques centrales à stimuler la croissance, le haut niveau d’endettement mondial et les aléas de l’économie chinoise minent la confiance des investisseurs…

À l’exception de la Réserve fédérale, les principales banques centrales continuent de baisser leur taux d’intérêt de base, dépréciant leur devise afin de stimuler la croissance économique par l’exportation et l’investissement. Sans grand succès cependant! Malgré l’accroissement de la masse monétaire, conséquente à l’achat d’actifs financiers par les banques centrales, la demande des grands marchés du Japon, d’Europe et d’Asie du Sud-Est reste faible et leur croissance évanescente. Investissant peu dans leur productivité, bon nombre d’entreprises ont préféré utiliser 3,8 billions de dollars de l’afflux monétaire pour fusionner ou acquérir d’autres compagnies, racheter leurs actions et payer des dividendes. Certaines ont profité de l’occasion pour accumuler une réserve importante de capital alors que, moins bien inspirés, de nombreux producteurs, minières, pétrolières et autres exploiteurs de ressources ont augmenté leurs inventaires à des niveaux excédant largement la demande. Ils doivent maintenant attendre une reprise de l’économie mondiale pour liquider leurs surplus d’inventaire. En attendant, le poids de leurs dettes en dollars forts augmente avec la dépréciation des devises, ce qui augmente le risque de défaut pour plusieurs d’entre eux. D’ailleurs, plus du tiers de ces producteurs d’énergie et de ressources ont vu leur cote de crédit mise sous surveillance avec une perspective négative.

Malgré l’accroissement de la masse monétaire, conséquente à l’achat d’actifs financiers par les banques centrales, la demande des grands marchés du Japon, d’Europe et d’Asie du Sud-Est reste faible et leur croissance évanescente.

Globalement, les dettes corporatives s’élèvent maintenant à 29 billions de dollars (50 % du PIB mondial), un niveau inquiétant dans une économie léthargique. Un tiers des entreprises n’obtient pas un rendement suffisant de l’investissement pour honorer la dette du financement alors que le coût moyen d’emprunt est de 3 %, inférieur du tiers au 4,5 % des décennies précédentes. Avec -0,2 % par rapport à la moyenne de 7,9 % des six (6) dernières années, les obligations corporatives ont généré le premier rendement négatif depuis 2009. Les agences de crédit ont dégradé la cote de crédit de 863 émetteurs corporatifs en 2015 — la dégradation la plus substantielle depuis 2009.

Un autre présage d’importance est l’augmentation de l’offre des obligations de la trésorerie américaine alors que la demande diminue. Les arguments les plus soutenus expliquent l’offre accrue par la vente des produits de trésorerie des banques centrales et des fonds souverains, notamment chinois, qui ont besoin d’encaisser des devises étrangères pour soutenir leur économie et par diverses institutions financières, notamment européennes, qui ajustent leur bilan pour rencontrer les exigences de Bâle III. Quant à la demande, elle a fortement diminué depuis que la Réserve fédérale des États-Unis a cessé d’acheter ses titres obligataires en novembre 2014 — titres qu’elle achetait à la hauteur de 85 milliards par mois. Présentement, plusieurs investisseurs préfèrent payer une prime pour se procurer des bons du Trésor récents afin de s’assurer d’une plus grande certitude de vente — précaution inusitée pour ce marché traditionnellement très liquide.

Un autre présage d’importance est l’augmentation de l’offre des obligations de la trésorerie américaine alors que la demande diminue.

La Réserve fédérale a entamé la hausse de son taux de base, considérant suffisante la force relative de l’économie américaine, soutenue par la confiance et l’épargne de ses consommateurs et ce, malgré l’instabilité des marchés mondiaux. Cette décision, en complète divergence avec les autres banques centrales, réduit davantage la liquidité du crédit dans un contexte où les banques centrales n’ont plus la capacité d’antan pour répondre à une nouvelle crise de liquidité. Les tensions du marché obligataire augmentent aux quatre coins du globe!

Depuis des mois, la Chine intervient ponctuellement pour relancer son économie. Son complexe industriel est en récession depuis 2014 ; les entreprises supportent une surcapacité de production et assument une dette d’un billion de dollars selon les sources officielles (de trois billions selon les sources officieuses). La récession de l’économie industrielle chinoise affecte de nombreux pays fournisseurs, particulièrement les pays émergents, qui ont trop investi en ressources et pour qui le marché chinois ne sera plus l’acheteur prolifique du passé. En revanche, la nouvelle économie chinoise, basée sur la consommation, connaît une croissance annuelle de 8 à 11 % et représente déjà une demande intéressante pour les biens et services mais certes pas pour les ressources.

…la nouvelle économie chinoise, basée sur la consommation, connaît une croissance annuelle de 8 à 11 % et représente déjà une demande intéressante pour les biens et services mais certes pas pour les ressources.

Plus que les États-Unis, moins que l’Europe, la Chine est fortement endettée. De quatre billions de dollars il y a un an, les réserves en devises étrangères sont maintenant à 3,3 billions (dont un billion est estimé non liquide). Ces réserves contribuent à payer la dette des sociétés d’état et des gouvernements locaux, à financer la transition économique, à soutenir la monnaie en palliant la fuite de capitaux, fuite estimée à 700 milliards l’an passé. Ces contributions totalisent de 50 à 100 milliards de dollars par mois. Un tel débit est clairement intenable. La Chine devra donc prioriser l’utilisation de ses réserves et elle laissera très probablement sa devise déprécier — alimentant davantage la vague déflationniste actuelle, qui pourrait affecter l’économie américaine malgré sa résilience.

L’impact du ralentissement chinois sur l’économie mondiale, le niveau d’endettement en relation au faible taux de croissance, les politiques maintenant inefficaces et involontairement pernicieuses des banques centrales créent des tensions qui marquent cette fin de cycle expansionniste. Financée depuis 2009 par la politique monétaire habituelle de la baisse des taux et inhabituelle de l’assouplissement quantitatif (QE), l’économie ne répond plus. Elle retrouvera son équilibre soit par une reprise de la croissance — comme l’espèrent les banques centrales — soit par un choc. En attendant, la volatilité habite les marchés.

Image: FaceMePLS via StockPholio.net


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Jean-Luc Burlone, M.Sc. Ecn., FCSI (1996)
Économiste – Financier
jlburlone@gmail.com

Le texte ci-dessus représente mon opinion sur le contexte financier actuel. Elle est le résultat d’un suivi de la presse et d’études économiques et financières. Elle ne vise pas à faire une quelconque recommandation d’investissement et elle ne doit pas être interprétée comme le faisant — 1 février 2016 — JLB.



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