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Économie et écologie:
un équilibre essentiel

Il faut considérer la valeur écologique lorsque nous équilibrons les coûts et le rendement

Par Georges R. Dupras

Édité le 3 novembre 2025

Les données récentes (2025) montrent que la production de bitume génère une empreinte carbone significative, avec des émissions importantes de CO2 et de méthane, ce dernier contribuant de manière disproportionnée au réchauffement global. La chaîne de production est bien régie par des réglementations, mais chaque étape contribue à un passif environnemental réel. De plus, la consommation d’énergie dans les raffineries, majoritairement issue de sources non renouvelables, constitue un facteur clé des émissions. Les efforts pour réduire cet impact incluent l’optimisation énergétique et la réduction des fuites de méthane.

Par ailleurs, les questions de santé liées à un environnement sain — air pur, eau propre, biodiversité — restent sous-évaluées dans les choix économiques, où l’emploi et le profit priment souvent. Les exemples cités sur la résilience écologique (comme les études sur les loups à Yellowstone) demeurent pertinents et étayent l’idée que la dégradation d’une seule espèce modifie les écosystèmes. Les préoccupations sociales, telles que l’impact psychologique des contraintes environnementales, l’intérêt variable accordé au changement climatique et la pollution des terres et des eaux, sont confirmées par les tendances actuelles.

Chaque maillon de la longue chaîne de réglementations encadrant la production et la livraison du bitume constitue un passif environnemental majeur. Cette chaîne demande sa part des profits, souvent à un coût minime par maillon, mais l’impact global sur l’environnement est considérable. L’homme, à la base de cette réalité, confond souvent le besoin et l’avidité, ce qui complique la gestion durable de ces ressources. La fuite récente de bitume au Venezuela illustre toujours la tension entre les intérêts économiques des plus riches et la protection des populations moins favorisées.

Le pragmatisme exigerait un équilibre entre coûts et rendements, intégrant non seulement des valeurs économiques, mais aussi des valeurs écologiques. Pourtant, l’homme reste souvent détaché de son environnement naturel et, s’il n’est pas personnellement affecté par les changements, il s’en soucie peu au-delà des contraintes sociales. Ce fossé entre notre compréhension de l’économie et celle des environnements qui soutiennent la vie sur Terre engendre des défis sérieux, accentués par des décisions souvent réactives plutôt que préventives, au détriment de la santé environnementale et humaine.

Le pragmatisme versus l’idéalisme

Un véritable pragmatisme exigerait que nous équilibrions les coûts et le rendement. Cette équation devrait aller au-delà des seules valeurs économiques et inclure la valeur écologique. En réalité, ceci n’est pas le cas, car l’homme, en règle générale, est détaché de son environnement naturel, et s’il n’est pas personnellement affecté par le changement, il se souciera peu, à l’exception des contraintes sociales.

On peut dire que la plupart d’entre nous n’ont qu’une compréhension élémentaire de l’économie, qui va rarement au-delà de la manière dont elle nous affecte personnellement. Ce que nous comprenons encore moins, ce sont les environnements mêmes qui soutiennent toutes les formes de vie sur cette planète. Je fais référence ici aux environnements marins et terrestres que nous tenons pour acquis.

Chaque maillon d’une longue chaîne de réglementations régissant la production et la livraison du bitume représente un passif environnemental important.

Il existe un décalage entre la plupart des sociétés et l’environnement naturel. Combien de fois avons-nous entendu les intérêts ruraux dire que les citadins ne savent pas d’où provient leur nourriture? Si tel est le cas, cette même observation ne peut-elle pas être dite de la méconnaissance de l’environnement naturel par l’homme?

La résilience versus la fragilité

Citons ici les mots du docteur Lynn Rogers concernant la relation entre l’homme et les ours : « Le problème pour les ours n’est pas tellement ce que nous ne savons pas, mais plutôt ce que nous pensons savoir qui n’est aucunement vérifiable ». Cette même déclaration s’applique à nos connaissances des environnements qui soutiennent toutes les formes de vie sur cette planète.

Des études démontrent que si une seule composante ou espèce est retirée d’une région, l’écologie, y compris la topologie de cette région, change. Je fais référence aux recherches sur les loups (Yellowstone) et les cougars (Californie, Oregon, Washington) dans l’ouest des États-Unis. Malgré des études examinées par des pairs sur les effets de l’exploitation, nous abordons toujours les questions environnementales controversées. Nous réagissons aux situations plutôt que de nous concentrer sur la prévention dès le départ.

Les coûts reliés à la santé

Les préoccupations environnementales sont une priorité faible lorsqu’on envisage des méga-projets. Les profits et les emplois, dans cet ordre, sont d’une importance primordiale et particulière. Le problème est que personne ne sait comment valoriser l’air pur, l’eau pure, une bonne santé ou les innombrables autres avantages naturels que nous prenons pour acquis ou dont nous ne sommes pas conscients. Prenons, par exemple, le silence que nous ressentons lorsque nous marchons dans les bois. Les avantages d’un environnement sain sont incontestables. Pensons aux médicaments qui proviennent de composés issus d’essences florales.

‘…l’homme, en règle générale, est détaché de l’environnement naturel, et s’il n’est pas personnellement affecté par le changement, il se souciera peu en dehors des contraintes sociales.’

Notre vie quotidienne et nos relations familiales sont constamment menacées par des contraintes de notre propre conception. Les résultats de ces angoisses donnent souvent lieu à de la violence, à l’alcoolisme, aux drogues illicites, aux ruptures familiales et mènent trop souvent au suicide. Pourtant, les valeurs du capitalisme prédominent dans nos cultures. L’économie passe avant les considérations sociales, et le matérialisme avant tout.

Nous professons une chose et prenons ensuite une part active à l’affaiblissement de cette même affirmation. Plusieurs d’entre nous apportent un soutien tacite aux arguments reconnaissant le changement climatique, mais nous sommes moins préoccupés par la montée des eaux à Venise ou par les tentatives d’éliminer les bisons canadiens dans l’intérêt des pâturages pour le bétail. L’exploitation aurifère industrielle pose de graves problèmes en raison de l’utilisation de mercure. Nous sommes moins préoccupés par les petites exploitations minières qui nourrissent les familles que par les méga-projets qui enrichissent les plus fortunés (peut-être parce qu’elles ne sont pas inscrites à aucune bourse).

Les terres et les voies navigables sont gravement endommagées par les eaux de ruissellement issues des activités minières, agricoles et autres. La récente fuite de bitume au Venezuela est un exemple des intérêts des plus riches qui ignorent les besoins des moins fortunés.

Pourquoi répéter des évidences ?

Je répète souvent ces évidences. Pourquoi ? Parce que, contrairement à ce qu’on nous a toujours appris au secondaire sur l’importance d’étudier l’histoire, nous continuons à répéter nos erreurs.

‘Malgré notre obsession de la croissance économique, la vie continuera sans aucun doute, et indépendamment de la perte d’espèces, les humains s’adapteront comme ils l’ont toujours fait.’

Pour l’instant, cette évidence nous convient. Notre devise est la croissance économique à tout prix. Nous nous sentons à l’aise et avons été conditionnés à croire que toute autre formule est inconcevable. Je vous avoue que nous vivons dans un monde de doubles. À quelques exceptions près, nous possédons tout en double, sauf l’environnement qui nous entoure. Malgré notre obsession pour la croissance économique, la vie continuera sans aucun doute, et indépendamment de la perte d’espèces, les humains s’adapteront comme ils l’ont toujours fait.

Il serait cependant intéressant de savoir comment l’épitaphe de l’homme se lira, après avoir annihilé toutes les autres formes de vie tout en se présentant comme humain et attentionné.

Image d’entête : ARLIS Reference via StockPholio.net

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Georges Dupras

Georges R. Dupras se fait le champion et défenseur des animaux depuis plus de 50 ans. Il est le représentant du Québec de Zoocheck Canada et un ancien directeur de la Société canadienne pour la prévention de la cruauté envers les animaux (CSPCA). En 1966, il s’est impliqué dans la campagne initiale visant à sauver les phoques, qui a conduit à la fondation de l’International Fund for Animal Welfare (IFAW) en 1969. Il a publié deux livres : Values in Conflict et Ethics, A Human Condition. Georges demeure à Montréal.

 



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