Le repli américain
est un pari risqué
L’abandon d’alliés par les États-Unis crée les conditions d’un monde chaotique et dangereux
Par Irwin Rapoport
19 février 2025
La décision de Donald Trump d’abandonner l’Ukraine face à la Russie remet en question les engagements sécuritaires américains établis depuis 1945. Cette politique menace un système dont les États-Unis ont largement profité, notamment en termes d’accès aux marchés et aux ressources essentielles.
Le bouclier de sécurité américain, fondé sur sa puissance militaire et son influence diplomatique, a été un pilier de la paix mondiale. Il a permis de contenir de nombreux conflits locaux et a favorisé l’essor du commerce international et des investissements, facilitant la circulation des capitaux à l’échelle globale.
La détermination de l’Amérique à laisser la Russie agir à sa guise avec l’Ukraine inquiète profondément des pays comme Taïwan, qui s’interroge sur la fiabilité du soutien de Washington face à une éventuelle agression chinoise, qu’elle soit économique ou militaire. Cette incertitude risque d’ébranler les alliances avec le Japon, les Philippines et d’autres partenaires fidèles du Pacifique, mettant à mal des relations de confiance forgées au fil des décennies.
La détermination de l’Amérique à laisser la Russie agir à sa guise avec l’Ukraine fait frémir des nations comme Taïwan, qui se demande maintenant si les États-Unis sous Trump interviendront en cas d’attaque chinoise.
La politique étrangère de Trump se caractérise par une pression économique agressive envers ses voisins. Il vise à affaiblir l’économie mexicaine et envisage sérieusement d’intégrer le Canada comme 51e État américain. Cette stratégie s’étend même à des ambitions d’annexion du canal de Panama et du Groenland, si l’occasion se présente.
Une théorie émergente suggère que Trump envie la démonstration de force militaire de Poutine en Ukraine et ses menaces envers l’Europe. Cette approche contraste fortement avec la politique américaine traditionnelle d’endiguement envers la Russie et la Chine, et de maintien de la paix par la sécurité collective.
La doctrine America First de Trump marque un virage radical dans la politique étrangère américaine. Abandonnant son rôle de leader mondial, les États-Unis adoptent désormais une approche transactionnelle, où chaque accord et relation est évalué uniquement en fonction des intérêts américains.
Trump pousse les entreprises étrangères à délocaliser leur production aux États-Unis, promettant un accès sans tarifs au marché américain en échange de la création d’emplois locaux. Cette stratégie vise non seulement le Canada et le Mexique, mais aussi l’Union européenne, Taïwan et le Japon, dans le but de réduire le déficit commercial américain.
Les partisans de cette politique semblent ignorer la dépendance des États-Unis aux ressources mondiales et aux importations bon marché. Ils croient pouvoir imposer leur volonté aux autres nations sans conséquences. Cette approche risque cependant de générer des tensions internationales durables et potentiellement dangereuses.
‘Les États-Unis adoptent désormais une approche transactionnelle, où chaque accord et relation est évalué uniquement en fonction des intérêts américains.’
L’administration Trump poursuit sa stratégie de désengagement des États-Unis des instances internationales. Le président a récemment signé un décret pour retirer son pays de l’Organisation mondiale de la santé, un organisme crucial qui sauve des millions de vies chaque année. Grâce à l’implication américaine, l’OMS a notamment éradiqué la variole et réduit considérablement les épidémies de polio et d’autres maladies par des campagnes de vaccination intensives.
Cette décision est d’autant plus préoccupante que les pathogènes ignorent les frontières. Les États-Unis, en étant le principal contributeur de l’OMS, soutenaient une organisation qui non seulement a fait progresser la recherche médicale mondiale, mais a généré aussi une image positive de l’Amérique à l’international.
Trump s’attaque également à l’Agence des États-Unis pour le développement international USAID. Créée par le président John F. Kennedy, cette agence aide les pays en développement, fournit une aide d’urgence et a permis de gagner des alliés pendant la Guerre froide. L’USAID a conquis les « cœurs et les esprits », soutenu les efforts de renseignement et développé les opportunités commerciales. La disparition de l’USAID risque d’affaiblir l’influence américaine dans de nombreux pays en développement, laissant le champ libre à la Chine pour étendre son influence et son contrôle sur les ressources et les gouvernements.
Sur MSNBC, Lawrence O’Donnell a vivement critiqué Trump et Elon Musk, responsable du nouveau Département de l’efficacité gouvernementale, pour ce démantèlement de l’USAID : « Musk et Trump mentent sur l’USAID car ils ne trouvent rien à lui reprocher ».
L’ère de la diplomatie américaine et du leadership mondial d’après-guerre semble donc toucher à sa fin. Cette évolution, si elle persiste, nous entraînera dans des eaux troubles et inconnues. Une victoire républicaine en 2028 pourrait rendre ces changements irréversibles. La purge du personnel ayant une expérience en politique étrangère et fournissant une aide sur le terrain nuit à la sécurité et à la réputation de l’Amérique. Trump a également jeté son dévolu sur la purge de la CIA et du FBI.
Étrangement, Trump et ses alliés semblent aveugles aux dangers de leur idéologie. Ils sont convaincus que l’intimidation est préférable à une amitié fondée sur la morale, l’éthique et l’empathie. Les conséquences de cette approche sont prévisibles. L’unique espoir réside dans une mobilisation démocrate pour reconquérir la Maison Blanche et le Congrès, afin de réparer les dégâts. Ce défi, bien que considérable, n’est pas insurmontable.
‘Étrangement, Trump et ses alliés semblent aveugles aux dangers de leur idéologie. Ils sont convaincus que l’intimidation est préférable à une amitié fondée sur la morale, l’éthique et l’empathie.’
L’arrivée de Barack Obama à la présidence a marqué un tournant dans la politique étrangère américaine. Son administration est parvenue à atténuer les tensions nées de l’invasion de l’Irak en 2003, qui avait considérablement nui à l’image des États-Unis au Moyen-Orient et dans le monde musulman, tout en ébranlant les alliances traditionnelles. Ce processus, bien que long et délicat, a finalement porté ses fruits.
Cependant, l’abandon de l’ordre mondial établi après la Seconde Guerre mondiale et de ses principes risque d’ouvrir la voie à des agressions régionales de la part de la Chine et de la Russie. Cette situation pourrait multiplier les incidents internationaux et les zones de conflit, mettant ainsi en péril de nombreuses vies. De plus, elle pourrait faciliter l’accès des groupes terroristes aux armes de destruction massive, une perspective alarmante pour la communauté internationale.
Face à ces enjeux, l’inquiétude grandit quant à l’avenir des relations internationales. Nombreux sont ceux qui, impuissants, observent avec appréhension la désintégration d’un ordre mondial jadis stable. Cette situation soulève de profondes interrogations sur la direction que prend notre monde.
Note : Les opinions exprimées dans cet article sont celles de son auteur et ne reflètent pas les opinions de WestmountMag.ca ou de ses éditeurs.
Image d’entête : Kusal Darshana – Pixabay
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Irwin Rapoport, journaliste indépendant, a obtenu une maîtrise en histoire et en sciences politiques à l’Université Concordia.
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