Bright Worms : une plongée
dans notre sombre intérieur
Louise Michel Jackson et Magali Babin créent un univers onirique fabuleux
Par Luc Archambault
La Chapelle renoue avec les arts de la scène en présentiel, et il était temps! J’en était personnellement au stade de japper après la pleine lune, de courir après les voitures et de fracasser des fenêtres… ce confinement horrible a donc été levé, du moins en partie, avec ce Bright Worms des collaboratrices Louise Michel Jackson et Magali Babin. Madame Jackson, chorégraphe et danseuse contemporaine, y développe un gestuel viscéral, animal, tandis que Magali Babin, artiste sonore pluridisciplinaire, y explore l’espace comme matériau à la fois porteur de l’Intime et de l’Universel, générateur de lumière comme de ténèbres.
Louise Michel Jackson n’a certes pas chômé sur ce projet. Elle a pondu tous les aspects de cette création, tant la chorégraphie, le décor, les images projetés en fond de scène. « La pratique corporelle et visuelle de Jackson rencontre l’art sonore de Babin dans un univers performatif low-fi aux couleurs abyssales et aux surfaces incandescentes. Ce laboratoire des sens célèbre la bioluminescence et explore la nécessité pour l’être humain de générer sa propre lumière. » Couleurs abyssales avec des images sous-marines de corail, d’hippocampes au regard halluciné et des fibres optiques revêtues comme autant de sources lumineuses nous déstabilisant complètement.
Que dire de l’accompagnement sonore, sinon qu’il colle à cet univers glauque à souhait – hormis ce passage disco plutôt incongru, venant casser toute l’accumulation d’angoisse, tout ce stupre exploréen digne d’un épisode des Égrégores. Mais hormis ce petit bémol, ce retour à la vie des spectacles a été, ma foi, spectaculaire! Et l’utilisation du décor (ces toiles de plastique, servant à la fois de repères géographiques et de vêtement), ces câbles lumineux, ces images projetés sur la fond de la scène, parfois entre les jambes de l’interprète, cet atmosphère de néon, tout contribuait à établir l’onirisme de cette merveille.
Une seule chose me tarabiscote. Dans toute la salle de La Chapelle, seulement 15 sièges étaient disponibles. Comment le monde du spectacle va-t-il pouvoir se hisser hors de l’abîme si les salles doivent se soumettre à de telles règles sanitaires? Car je ne suis pas un adepte des retransmissions sur internet. Les gens de ma race sont-ils menacés d’extinction, comme les dinosaures d’outre-tombe?
Image d’entête : Jon Cleveland
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Luc Archambault, écrivain et journaliste, globe-trotter invétéré, passionné de cinéma, de musique, de littérature et de danse contemporaine, est revenu s’installer dans la métropole pour y poursuivre sa quête de sens au niveau artistique.
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