Hypocrisie écologique
et point de non-retour
Le monde que nous connaissons cessera d’exister et la plupart espèces auront disparu depuis longtemps
Par Georges Dupras
9 mars 2023
Les gouvernements s’empressent de participer aux réunions mondiales sur le climat afin de concrétiser leurs engagements environnementaux. Cependant, leurs programmes politiques sont rarement à l’image de ce qu’ils professent.
Qu’il s’agisse du changement climatique, du rôle central de notre pays dans l’industrie minière internationale, de l’abattage de forêts anciennes en Colombie-Britannique, des sables bitumineux ou de La Bay du Nord (Terre-Neuve-et-Labrador), le résultat sera le même. Il n’y a pas une seule région dans ce pays, ou ailleurs, qui ne fasse pas l’objet d’une forme ou d’une autre d’attaque environnementale.
Les gouvernements s’empressent de participer aux réunions mondiales sur le climat afin de concrétiser leurs engagements environnementaux.
Le projet Royalmount à ville Mont-Royal constitue notre plus récent exemple d’écoblanchiment*. Pour faire miroiter ce projet, on y ajoute un aquarium, comme si Montréal avec son piètre bilan au niveau des aquariums avait besoin d’une autre installation de ce genre. Les responsables de la faune éliminent systématiquement le cormoran de la Presqu’île du sud de l’Ontario dans l’intérêt de la pêche sportive. La destruction délibérée des champs de papillons derrière l’aéroport international Trudeau de Montréal ne fait qu’ajouter à notre liste croissante d’hypocrisie écologique.
Pourquoi mettre l’accent sur les espèces menacées ?
Depuis plus de quarante milliards d’années, les changements terrestres ont été constants, mais jamais au rythme actuel. Nous sommes devenus tellement obsédés par la croissance économique que nous avons commencé à redessiner les schémas génétiques mêmes des espèces.
Je soupçonne que nous protégeons les espèces en voie de disparition parce que nous aimons être identifiés à des exceptions plutôt qu’à des espèces communes. Un autre argument est que les espèces menacées sont un « secteur rentable ». Si nous devions procéder à un examen global de notre activité, je doute que nous pourrions survivre. Le Fonds mondial pour la nature a déclaré que nous avons perdu 60 % des espèces connues au cours des 50 dernières années. D’autres organismes internationaux ont avancé des pourcentages encore plus élevés.
Options et priorités
Il semble que la plupart des fonds destinés à la conservation de la faune sauvage soient destinés aux programmes relatifs aux espèces menacées, et malgré cette affectation prioritaire des fonds, les programmes continuent de ne pas répondre aux attentes.
‘Le Fonds mondial pour la nature a affirmé que nous avons perdu 60 % des espèces connues au cours des 50 dernières années. D’autres organismes internationaaux ont avancé des pourcentages encore plus élevés.’
Ces programmes sont confrontés à une multitude de problèmes, notamment la perte et la fragmentation croissantes de l’habitat, les activités militaires, les intérêts économiques, les manœuvres politiques, etc. Pendant ce temps, de plus en plus d’espèces communes se trouvent de plus en plus proches d’être désignées comme espèces menacées.
Cela dit, nous devrions reconsidérer notre approche en investissant davantage de ressources dans les espèces qui sont encore viables, dont les habitats peuvent encore être protégés, et qui peuvent s’adapter à des changements rapides. Nous devrions éviter de mettre l’accent sur des espèces prisées au détriment d’autres. Il ne s’agit là que de l’une des nombreuses étapes qui devraient accompagner la reclassification de la faune sauvage afin de lui conférer une désignation plus appropriée et d’introduire une approche différente dans la manière dont nous enseignons l’environnement naturel et la place de l’humanité dans ce continuum.
À noter que le 27 février 2023, le ministre fédéral de l’environnement, Steven Guilbeault, a formulé une recommandation visant à prendre un arrêté d’urgence pour protéger les trois dernières chouettes tachetées qui existent encore à l’état sauvage au Canada. L’habitat de la chouette tachetée comprend les forêts anciennes qui sont actuellement coupées par le gouvernement provincial de la Colombie-Britannique. Cette lenteur à agir des autorités fédérales n’est pas une surprise pour ceux et celles qui comprennent que les politiques de l’industrie du bois l’emportent de loin sur toute préoccupation concernant les chouettes, tachetées ou non.
On notera également que le chef du Parti conservateur du Canada a promis de ramener les Terre-Neuviens 500 ans en arrière en relançant la chasse commerciale aux phoques. Alors que d’autres vont de l’avant, l’honorable M. Pierre Polievre est coincé en marche arrière.
‘… nous devrions reconsidérer notre approche en investissant davantage de ressources dans les espèces qui sont encore viables, dont les habitats peuvent encore être protégés, et qui peuvent s’adapter à des changements rapides.’
Point de non-retour
Ceux d’entre nous qui se préoccupent réellement de la protection de notre environnement doivent prendre conscience que l’avenir nous réserve de nombreux changements dans les années à venir. Le monde que nous connaissons cessera d’exister tel que nous le connaissons alors que la plupart des espèces connues aujourd’hui auront disparu depuis longtemps. Le bison des bois ne manquera pas plus à la population générale de demain que le mastodonte ou le mammouth laineux. Quelques spécimens conservés dans des zoos, des aquariums, des musées ou d’autres modules d’exposition subsisteront, mais seulement en tant que vestiges de leurs cousins sauvages.
* L’écoblanchiment se produit lorsque l’on prend une espèce sauvage et qu’on la transpose dans un environnement captif.
Avis : Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles de WestmountMag.ca ou de ses éditeurs.
Image d’entête : UN Biodiversity, CC BY 2.0 – Wikimedia Commons
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Georges R. Dupras se fait le champion et le défenseur des animaux depuis plus de 50 ans. Il est membre de l’International Association for Bear Research and Management (IBA), un directeur de l’Alliance pour les animaux du Canada (AAC), le représentant du Québec de Zoocheck Canada, et un ancien directeur de la Société canadienne pour la prévention de la cruauté envers les animaux (CSPCA). En 1966, il s’est impliqué dans la campagne initiale pour sauver les phoques qui a mené à la fondation de l’International Fund for Animal Welfare (IFAW) en 1969. Il a publié deux livres : Values in Conflict et Ethics, A Human Condition. Georges demeure à Montréal, Québec, Canada.
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