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«Parfois, la nuit, je ris tout seul»

Une pièce déambulatoire au Théâtre de Quat’Sous pour visiter l’univers déjanté de Jean-Paul Dubois

Par Luc Archambault

Parfois, la nuit, je ris tout seulLes spectateurs dans le café/bar, à l’entrée du Théâtre de Quat’Sous attendent que l’heure du début du spectacle sonne. Une voiture s’arrête en face du théâtre, avenue des Pins. En débarquent, les bras chargés de sacs, deux individus vêtus de manteaux de fourrure. Ils pénètrent dans le théâtre et commence alors une chevauchée dans les antres de cette institution nouvellement rénovée. Un parcours qui nous entraîne du rez-de-chaussée aux salles de répétitions, et jusqu’aux bureaux de la direction du théâtre. Chevauchée folle dirigée par les deux compères, Michel-Maxime Legault et Marcel Pomerlo, qui nous livrent un texte inspiré des écrits de Jean-Paul DuboisTous les matins je me lève, Vous aurez de mes nouvelles, Parfois je ris tout seul et La succession.

Un parcours qui nous entraîne du rez-de-chaussée aux salles de répétitions, et jusqu’aux bureaux de la direction du théâtre

« Bonsoir… Il n’y a pas d’histoire… ». Ainsi présente-t-on cette pièce en amorce dans le programme comme une visite / performance. En effet, la trame narrative est fort mince. On parle plus ici d’une performance que d’une pièce à proprement parler. Les particularités et effets de chaque lieu sont habilement exploités, tirant profit de l’architecture en hauteur du Quat’Sous. On passe de la salle principale aux diverses salles de répétition, on joue avec les silences, on suit le guide au travers des méandres de l’institution.

Parfois, la nuit, je ris tout seulMais que reste-t-il de cette soirée, une fois le trajet terminé ? On sent un mélange de style, comme si le Quat’Sous voulait imiter et suivre l’Espace Libre où pareille pièce aurait été de mise. Surtout que le texte en prend pour son rhume dans les étroits escaliers nous menant au septième ciel – ou à la salle de répétition du troisième étage. Cette ‘expérimentation‘ théâtrale dans le lieu même où, autrefois, les œuvres de Gauvreau, Ducharme, Tremblay et autres grands nous ont fait vibrer, a de quoi nous laisser perplexes. Pas que je sois réfractaire à pareille expérience, mais je cherche à comprendre pourquoi, en dépit de toutes ses qualités disons ‘contemporaines’, cette pièce détonne au Quat’Sous.

Cette ‘expérimentation‘ théâtrale dans le lieu même où, autrefois, les œuvres de Gauvreau, Ducharme, Tremblay et autres grands nous ont fait vibrer, a de quoi nous laisser perplexes.

Les deux comédiens sont excellents et le texte est d’une profondeur vertigineuse, allant d’une planante surréalité à du concret béton. Mais là n’est pas la faiblesse principale de cette déambulation chaotique, mais plutôt dans le sentiment de troupeau, de meute que nous inspire ce parcours. Une fois arrivés dans la salle principale, nous pouvons finalement respirer, la course pour être près des artistes cesse et un jeu plus théâtral commence… pour nous laisser sur notre faim, puisque près de la moitié de la soirée est déjà passée.

En conclusion, pareille visite guidée au travers des intestins d’un théâtre est fort intéressante en soit, mais encore faut-il l’animer avec soin et justifier pareille déambulation, car cette ‘performance’ ne suscite guère de frais au Quat’Sous. Mise en scène minimale, décor inexistant, je peux comprendre la logique de la chose, mais la pertinence théâtrale ?

Button Sign up to newsletter – WestmountMag.caAu Festival Fringe, peut-être, où cette pièce serait fort à propos, mais dans le cadre d’une saison théâtrale, à l’aube du FTA – Festival de Théâtre des Amériques, c’est un peu mince. On sent que l’on étire la soupe, au détriment de ravitaillements plus substantifs. Un beau pari, peut-être. Mais une légèreté mal localisée, dans ce théâtre qui nous a par le passé convié à des agapes plus charnues.

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Images : Cath Langlois


Luc Archambault WestmountMag.ca

Luc Archambault
Écrivain et journaliste, globe-trotter invétéré, passionné de cinéma, de musique, de littérature et de danse contemporaine, il revient s’installer dans la métropole pour y poursuivre sa quête de sens au niveau artistique.


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