Plastisapiens d’Édith Jorisch
et Miri Chekhanovich
Une expérience écosensible en réalité virtuelle à découvrir au Centre Phi dès le 6 octobre
28 septembre 2022
L’Office National du Film est heureux d’annoncer la présentation en première canadienne de Plastisapiens de Miri Chekhanovich et Édith Jorisch au Centre Phi, du 6 au 16 octobre prochain, dans le cadre de la section Explore du Festival du nouveau cinéma de Montréal. Cette expérience de réalité virtuelle surréaliste projette son utilisateur dans un univers où les corps et le plastique ne font plus qu’un. L’œuvre a connu sa première mondiale au Festival du film de Tribeca 2022.
Plastisapiens est une expérience de réalité virtuelle surréaliste qui nous projette dans un univers où les corps et le plastique ne font plus qu’un. Ce voyage d’une durée de 15 minutes se sert du casque de réalité virtuelle Oculus Quest et se tient en équilibre entre douceur et ironie, grâce aux bons soins de ces deux créatrices : la réalisatrice montréalaise Édith Jorisch, dont le documentaire L’héritier a gagné deux prix Gémeaux, et l’artiste montréalaise Miri Chekhanovich, dont les œuvres bioplastiques ont été présentées au Centre Pompidou à Paris, en plus d’avoir présenté l’installation vidéo Being With au Centre Phi et dans le cadre de la 58e Biennale de Venise.
Pour ce projet, les deux artistes se sont inspirées de la théoricienne Donna Haraway et du film Stalker de Tarkovsky, mais Plastisapiens a surtout été influencé par les travaux de l’autrice et chercheuse Heather Davis, qui interrogent les liens entre l’identité queer, le genre, la reproduction, la disparition d’espèces et l’industrie pétrolière.
Quel est le futur de l’identité humaine?
À la manière de son article Toxic Progeny: The Plastisphere and Other Queer Futures, la « plastisphère » de ce conte virtuel déploie un univers qui, au-delà du nihilisme, fait place à la beauté, invite à dialoguer, à passer de l’observation à l’interaction, et à réfléchir aux façon de transcender les oppositions binaires.
Plastisapiens vous entraîne dans une expérience de réalité virtuelle étrange et apaisante, où les corps et le plastique ne font plus qu’un.
Prenez une grande respiration. Expirez. Inspirez. Expirez. Détendez-vous et contemplez un monde où le plastique fait corps avec l’environnement. Plastisapiens est une expérience méditative de réalité virtuelle, un univers où plonger avec curiosité et où jouer avec l’inattendu.
Bande-annonce
Alors que nous interagissons avec les organismes autour de nous, puis que nous assistons à la fusion du plastique et de notre être virtuel et organique, l’expérience met en place une bulle de bienveillance où nous pouvons nous laisser bercer par cette matière. Prenant appui sur la science, le récit bifurque vers une fable écofuturiste d’une beauté étrange et ironique, un voyage à travers le temps et l’évolution, vers un avenir imaginé de toutes pièces.
‘Nous sommes des êtres perméables, des créatures de notre environnement.
Plus nous le saturons de plastique, plus nous devenons plastique.’
Doucement guidés à travers un univers stupéfiant de corps hybrides, nous sommes amenés à nous demander comment la relation de réciprocité entre les humains et l’environnement transforme notre identité, jusqu’au cœur de notre ADN.
Entrevue avec Édith et Miri
Vous présentez un sujet brûlant préoccupant, la pollution par le plastique, sur un ton habituellement réservé aux applications de méditation. Pourquoi avez-vous choisi une telle approche ?
Miri Chekhanovich : Il était important pour nous de faire en sorte que l’on affronte le problème plutôt que de créer une réaction dramatique et marquée par la peur. Ce type d’espace méditatif permettra peut-être une véritable réflexion, qui débouchera sur un vrai débat. Il faut au moins essayer.
Édith Jorisch : On voit et on entend beaucoup de choses comme « Le plastique c’est nuisible ! » ou « Il y a du plastique partout dans l’océan ! » et je pense qu’aujourd’hui, tout le monde le sait. Nous voulions donc adopter une approche plus positive, fondée sur l’acceptation de cette réalité, apporter de l’espoir et des idées et lancer une discussion sur la façon dont nous pourrions améliorer la situation. Parce que nous ne pouvons pas revenir en arrière, le plastique est là pour de bon. Il fait partie de notre réalité.
Miri : Nous ne pouvons pas changer les choses. Le plastique est déjà là. Il y a certes des recherches sur des bactéries et sur des champignons qui peuvent digérer les plastiques. Je trouve cela fascinant, mais je crois que la pureté n’existe pas ; il n’y a pas de point zéro auquel nous pouvons revenir.
Édith : Le plastique fait maintenant partie de l’évolution de l’espèce humaine. Il fait partie de notre écosystème. Alors que devons-nous faire maintenant ?
Qu’est-ce qui vous a d’abord amenées à vous intéresser au plastique ?
Miri : J’ai immigré au Canada il y a neuf ans, et je pense que la première chose que j’ai remarquée ici, c’est l’emballage des aliments. Je viens de Jérusalem où j’avais l’habitude de faire mes courses au marché, qui est très « sale » du point de vue canadien. Des pigeons et des chats s’y promènent librement, et les légumes et les fruits ne sont pas emballés.
C’est donc ici que j’ai commencé à m’intéresser aux déchets, aux emballages et aux plastiques. J’ai monté une série d’ateliers pour les enfants dans les écoles, en montrant qu’au lieu de jeter quelque chose à la poubelle, on peut vérifier si cette chose est utile ou si elle peut être transformée en œuvre d’art. J’ai également réalisé une œuvre dans laquelle je méditais dans la décharge locale et je documentais mon expérience. Par la suite, dans le cadre d’une résidence appelée le Museum for Future Fossils, j’ai rencontré Heather Davis et Kelly Jazvac du Synthetic Collective, qui travaillent beaucoup sur la pollution par les microplastiques, principalement dans les Grands Lacs, en Ontario.
Édith : Dans mon cas, je pense que c’est la collaboration avec Miri qui m’a sensibilisée à la pollution par le plastique. Elle m’a fait lire de nombreux articles scientifiques et je suis devenue aussi obsédée qu’elle par ce sujet.
Comment en êtes-vous arrivées à travailler ensemble ?
Édith : Le projet a démarré avec Nouvelles identités. L’ONF a lancé un appel à six artistes du Canada travaillant dans différents domaines, et à six artistes d’Israël. Nous avons été invités au Festival du film de Haïfa, en Israël, où Miri et moi nous sommes rencontrées. Nous travaillions toutes les deux sur différentes idées à des étapes très précoces, et nous avons constaté que nous avions des goûts et des sujets d’intérêt très semblables. Mon travail porte sur la migration et la transformation, et l’univers de certains de mes projets est surréaliste aussi. Nous nous sommes vraiment rejointes là-dessus.
Quelles ont été vos inspirations pour l’esthétique de Plastisapiens ?
Édith : Nous aimons toutes les deux l’art qui exprime un peu d’humour ou d’ironie. Anicka Yi, par exemple. C’est une artiste formidable.
Miri : J’ai écrit dans le générique que j’aime beaucoup (la psychologue et autrice) Tara Brach. C’est une personne extraordinaire qui propose ces méditations, et je me sens toujours mieux et plus optimiste quant à la vie en général après l’avoir écoutée.
Par ailleurs, nous étions à la Biennale de Venise en 2019 et nous avons toutes deux adoré le pavillon scandinave. C’était une sorte d’installation dystopique, que les matériaux et les palettes de couleurs utilisés rendaient vraiment belle. Je pense cependant que dans l’ensemble, la plus grande inspiration a été le texte de Heather Davis : « Toxic Progeny: The Plastisphere and Other Queer Futures ».
Plastisapiens renvoie à ce texte universitaire et approfondit des notions complexes comme les corps hybrides et les hormones présents dans le plastique. Comment avez-vous fait pour rendre ces sujets accessibles ?
Miri : C’était vraiment difficile, car nous parlons de transformation en créatures pour lesquelles la reproduction biologique n’existera plus nécessairement. Mais alors, qu’en sera-t-il de la maternité, par exemple ? Comment prendrons-nous soin les uns des autres ? Nous explorons l’idée de la création des liens de parenté, une référence à Donna Haraway (théoricienne du manifeste cyborg et auteure de Staying with the Trouble: Making Kin in the Chthulucene).
L’idée derrière la narration est vraiment de montrer comment le plastique nous a rendus flexibles en ce qui a trait aux niveaux de conscience également. Alors, qu’est-ce que cela signifie ? Que nous sommes plus souples, mieux disposés à accepter d’autres êtres, à accepter que la vie ne soit pas hiérarchisée et que nous, les humains, ne soyons pas au centre de la Terre ?
Édith : Ce que nous voulions vraiment transposer, c’est l’idée selon laquelle l’humain et l’environnement ne font plus qu’un : c’est le principe de la « plastosphère », dans laquelle il n’y a pas de gravité, pas de fin, pas de temps ni d’espace. Vous ne savez pas si vous êtes un tout petit microbe ou si vous êtes dans la stratosphère. Rien n’est déterminé.
Comment la réalité virtuelle vous a-t-elle aidées à raconter cette histoire ?
Édith : Ce qui est amusant, c’est que nous n’avions jamais vu d’œuvre en réalité virtuelle lorsque nous avons commencé le projet. Nous avons donc découvert ce médium tout en créant. Je fais des documentaires, je réalise des films. Et il n’y avait là pour moi aucun intérêt à faire un documentaire en réalité virtuelle, parce que la technologie n’est pas encore assez avancée. Elle n’allait pas rendre le sujet plus réel, et ne susciterait pas le même sentiment d’empathie dans un documentaire.
Bref, nous nous sommes dit que si nous allions utiliser ce médium qui est un peu imparfait et qui donne toujours l’impression d’être un peu conçu par ordinateur, autant créer un univers entier sans trop se coller à la réalité. Ce que je n’aurais pas pu réussir dans un documentaire bidimensionnel, c’est la transcendance. [Dans Plastisapiens], on regarde nos mains, notre peau change, puis on a des tentacules.
Miri : Et cette participation active. On traverse le récit, non pas en tant qu’observateur, mais de l’intérieur. Je pense que le véritable pouvoir de la réalité virtuelle est qu’elle permet d’entrer dans un espace différent et d’éprouver le sentiment d’y être vraiment.
Comment aimeriez-vous que les gens se sentent après avoir vécu l’expérience de Plastisapiens ?
Édith : Quant à moi, j’aime le sentiment mitigé que cela me semble créer. Si c’est trop effrayant ou trop moralisateur, on se dit : « Ça suffit ! Ce monde est trop pourri ! On en a assez que des gens nous disent quoi faire. » Mais si c’est trop joyeux, ça ne va pas non plus. On parle quand même d’un sujet sérieux. Je pense que la façon dont nous abordons le sujet est un moyen de susciter un débat.
Miri : J’aime la complexité, aborder les sujets complexes, et pas nécessairement livrer un seul type de message. Penchons-nous d’abord sur cette question et, oui, avec un brin d’ironie. Ce genre de clin d’œil permet de faire naître autre chose qu’une simple réaction de peur.
Une production de Dpt., de l’Office national du film du Canada et de Lalibela Productions. Produit avec la participation financière de Fonds des médias du Canada, Makor Foundation for Israeli Films, Israel Film Council et le Israel Ministry for Culture and Sports
Centre Phi
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Image: courtoisie de Centre Phi
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