« L’état, c’est moi »:
Pouvoir personnel absolu
Une phrase qui exprime l’État soumis à la volonté d’un seul
Par Andrew Burlone
Révisé 29,avril 2025
La phrase « L’État, c’est moi » n’est pas qu’une curiosité historique : c’est une formule d’avertissement qui rappelle à quel point l’État peut facilement être accaparé par la volonté d’un seul lorsque les garde-fous démocratiques s’affaiblissent. La phrase, longtemps considérée comme résumant l’essence de la monarchie absolue, exprime la conviction que toute l’autorité et le pouvoir de l’État sont concentrés dans une seule personne, le souverain, qui est seul responsable du gouvernement.
Cette doctrine politique se manifeste par la centralisation du pouvoir, le contrôle strict des vassaux et la suppression des groupes dissidents ainsi que des corps législatifs. Elle affirme que la volonté du souverain fait loi et que l’État doit être perçu comme une extension de la personne du monarque.
La santé de la démocratie dépend de la résilience des institutions, d’une société civile vigilante et d’un engagement envers la séparation des pouvoirs.
Aujourd’hui, le monde assiste à une vague croissante d’autocratisation, la démocratie reculant sur tous les continents, et le nombre d’autocraties dépassant désormais celui des démocraties pour la première fois depuis plus de vingt ans. Le niveau de démocratie dont profite aujourd’hui le citoyen moyen dans le monde est revenu à celui du milieu des années 1980, et cette baisse continue sans montrer de signe d’arrêt. Cette érosion ne concerne pas seulement les États fragiles ou les jeunes démocraties : même les démocraties libérales bien établies voient leurs mécanismes de contrôle affaiblis, la polarisation augmenter et les libertés civiles menacées.
La fragilité de nos démocraties apparaît avec une acuité particulière face à ces évolutions. La centralisation du pouvoir, l’affaiblissement du contrôle judiciaire et législatif, ainsi que la tendance croissante des dirigeants à contourner ou à saper les garde-fous institutionnels rappellent tous l’esprit du « L’État, c’est moi ». Ces dernières années, on a vu émerger des leaders qui, sans se proclamer ouvertement incarnation de l’État, concentrent l’autorité et réduisent le rôle des institutions indépendantes. Ce n’est pas une menace théorique : près des trois quarts de la population mondiale vivent désormais sous un régime autocratique, et la perte de la liberté d’expression s’accélère dans des dizaines de pays.
L’Europe, souvent perçue comme un bastion de stabilité démocratique, n’est pas épargnée. Si l’Europe de l’Ouest maintient des standards relativement élevés, le mécontentement populaire et la montée des forces anti-système ont entraîné des turbulences politiques et la dégradation de certaines démocraties au rang de « démocraties défaillantes », y compris en France. Le tableau mondial est celui d’une fragmentation, d’une montée des conflits et d’un recul des principes de pluralisme, de responsabilité et d’État de droit.
Dans ce contexte, la leçon à retenir est claire : la santé de la démocratie dépend de la résilience des institutions, d’une société civile vigilante et d’un engagement sans faille en faveur de la séparation des pouvoirs. Sans ces éléments, le spectre du pouvoir personnel absolu – que l’on croyait relégué au passé – peut ressurgir, sapant la liberté et l’égalité pour les générations à venir.
‘Bien que l’esprit de “L’État, c’est moi” puisse parfois se retrouver dans certaines autocraties modernes, il demeure le symbole d’une époque révolue de monarchie absolue.’
Louis XIV a incarné l’absolutisme royal en France au XVIIe siècle et exerça un pouvoir personnel, centralisé et sans partage, devenant ainsi le modèle du monarque absolu en Europe. Il choisit de gouverner sans premier ministre, concentrant tous les pouvoirs entre ses mains : il faisait les lois, les appliquait, contrôlait la justice et nommait ses représentants dans les provinces. Il justifiait cette concentration du pouvoir en invoquant le droit divin, affirmant que son autorité venait de Dieu et que s’opposer au roi revenait à s’opposer à Dieu lui-même.
Louis XIV a choisi de dire « L’État, c’est moi » au lieu de « Je suis l’État » parce que cette formule change complètement l’impact et l’accent de la phrase. En mettant « l’État » au début, il attire l’attention sur l’idée de l’État d’abord, qu’il l’identifie ensuite directement et sans détour à sa propre personne. C’est tournure beaucoup plus forte et théâtrale souligne que le roi et l’État sont inséparables, et que rien ne peut se faire sans son autorité.
Dans les systèmes politiques modernes, surtout dans les démocraties et les États de droit, une telle affirmation serait largement rejetée, car elle va à l’encontre de la séparation des pouvoirs, du respect des lois et du fonctionnement des institutions. Aujourd’hui, on utilise souvent cette phrase pour critiquer ou décrire des situations où un dirigeant cherche à concentrer tous les pouvoirs ou à confondre son intérêt personnel avec celui de l’État, comme un avertissement contre les dérives autoritaires et la disparition des contre-pouvoirs.
On retrouve parfois cet esprit dans le discours ou le comportement de certains dirigeants autoritaires ou populistes, qui concentrent le pouvoir et brouillent la frontière entre leur autorité personnelle et les institutions de l’État. Même s’ils n’emploient pas exactement la même phrase, des déclarations ou des actes qui signifient « l’État, c’est moi » apparaissent dans des régimes où le chef veut tout contrôler et se présenter comme l’unique incarnation de la nation. Mais aujourd’hui, ces attitudes sont généralement critiquées et perçues comme inquiétantes, ce qui montre à quel point notre conception du pouvoir a évolué depuis l’absolutisme de Louis XIV.
‘Dans les systèmes politiques modernes, surtout dans les démocraties et les États de droit, une telle affirmation serait largement rejetée, car elle va à l’encontre de la séparation des pouvoirs, du respect des lois et du fonctionnement des institutions.’
Cependant, les actions et le discours récents du président Trump lors de son second mandat montrent une affirmation moderne de la primauté du pouvoir exécutif, qui rappelle, dans l’esprit, le fameux « L’état, c’est moi ». Dès le début de son mandat, Trump a multiplié les décrets présidentiels et proclamations pour imposer son agenda, souvent en contournant ou en défiant directement l’autorité du Congrès et les lois déjà en place. Son administration a cherché à centraliser le pouvoir à la Maison-Blanche, en essayant aussi de contrôler des agences indépendantes et de suspendre ou contourner les lois qui freinaient ses projets.
Des experts et observateurs politiques soulignent que cette façon de gouverner repousse les limites du pouvoir présidentiel comme on ne l’avait pas vu depuis longtemps, Trump affirmant qu’il a le droit d’agir seul, même contre les lois établies. Même si le système américain prévoit encore des contre-pouvoirs, comme la justice ou le Congrès, l’ampleur et la manière de ces actions rappellent des modèles historiques de pouvoir personnel.
L’absolutisme, en tant que système politique, concentre tout le pouvoir entre les mains d’un seul dirigeant, sans contrôles réguliers d’autres institutions. Cette centralisation mène souvent à un manque de responsabilité et ouvre la porte à la corruption et aux abus. Sans mécanismes de contrôle, le chef peut gouverner de façon arbitraire, favoriser ses proches et négliger ou opprimer la majorité. Avec le temps, cette absence de limites crée des inégalités sociales et économiques, les puissants s’enrichissent tandis que le peuple perd droits et libertés.
Quand ces écarts et ces abus deviennent visibles, le mécontentement grandit. L’histoire, comme sous Louis XIV, montre que les monarques absolus pouvaient exiger luxe et obéissance pendant que la majorité subissait impôts et privations. Ce ressentiment, surtout quand il s’ajoute à la crise économique et à la répression, finit par provoquer une crise de légitimité pour le régime en place.
‘Les actions et le discours récents du président Trump lors de son second mandat montrent une affirmation moderne de la primauté du pouvoir exécutif, qui rappelle, dans l’esprit, le fameux « L’état, c’est moi ».’
Au final, quand l’écart entre les dirigeants et les gouvernés devient trop grand et que les moyens pacifiques de changer les choses sont bloqués, la société finit par rejeter l’autorité en place, que ce soit par la révolution ou par des réformes. La Révolution française en est un exemple frappant : après des années de pouvoir absolu, de corruption et d’inégalités, la monarchie a été renversée de façon spectaculaire et l’ordre politique a été complètement repensé. Cela montre bien que l’absolutisme, en concentrant tous les pouvoirs sans contrôle, finit souvent par provoquer sa propre chute à cause de la corruption, des inégalités et du rejet populaire.
Ainsi, même si la phrase « L’état, c’est moi » appartient à l’époque de la monarchie absolue, son esprit – celui d’un chef qui confond son pouvoir personnel avec celui de l’État – se retrouve parfois encore aujourd’hui, surtout quand des dirigeants veulent un pouvoir exclusif et sans limites. Les actions de l’administration Trump en donnent un exemple moderne : elles montrent comment cette dynamique peut réapparaître même dans des systèmes démocratiques, et pourquoi cette expression reste une référence pertinente pour analyser le pouvoir politique actuel.
Avis : Les opinions exprimées dans cet article sont celles de son auteur et ne reflètent pas nécessairement les opinions de WestmountMag.ca ou de ses éditeurs.
Image d’entête : Andrew Burlone

Andrew Burlone, cofondateur de WestmountMag.ca, a commencé sa carrière dans les médias au magazine NOUS. Par la suite, il a lancé Visionnaires, où il a occupé le poste de directeur de création pendant plus de 30 ans. Andrew est passionné de culture et de politique, avec un vif intérêt pour les arts visuels et l’architecture.
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