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Quel avenir pour les
anciens terrains de golf ?

La ville de Montréal reconnaît leur excellent potentiel de renaturalisation

Par Louise Legault

Précédemment publié le 9 juin 2021

Depuis plusieurs années, la pratique du golf est en perte de vitesse. En témoignent les nombreuses fermetures – 12 depuis 2010 – dans la région métropolitaine de Montréal. Ces terrains sont le plus souvent voués à la construction résidentielle ou au secteur industriel. Sur l’ile de Montréal, on retrouve actuellement le terrain de golf Meadowbrook, qui chevauche l’arrondissement de Lachine et la ville de Côte-Saint-Luc, et dont la saga s’étire depuis plus de trente ans, et aussi le golf d’Anjou, voué à un développement industriel, ou encore le golf Dorval, qui est dans la mire d’Aéroports de Montréal.

Montréal est en fait bonne dernière parmi les villes canadiennes pour l’espace dévolu aux espaces verts par 100 000 habitants.

Golf Candiac

Golf Candiac – Image : gracieuseté de Louise Legault

Et si on envisageait les choses sous un autre angle? De nombreux groupes de la région métropolitaine préconisent la transformation d’anciens terrains de golf en parcs naturels à l’usage de la population locale. Sachant que les terrains de golf représentent une superficie de 5 677 hectares, soit 1,5 % de la région montréalaise, la reconversion des anciens terrains de golf en espaces naturels permettrait d’atteindre la cible du Plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD) de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) qui vise la protection de 17 % du territoire d’ici 2031, un pourcentage qui stagne à 10 % depuis l’adoption du PMAD en 2011. Montréal est en fait bonne dernière parmi les villes canadiennes pour l’espace dévolu aux espaces verts par 100 000 habitants.

‘De nombreux groupes de la région métropolitaine préconisent la transformation d’anciens terrains de golf en parcs naturels à l’usage de la population locale.’

Tous ces anciens golfs offrent un excellent potentiel de renaturalisation, comme le soulignait la Ville de Montréal dans une déclaration d’avril dernier qui reconnaissait « l’importance de préserver la vocation d’espaces verts des terrains de golf situés sur son territoire ». La renaturalisation permettrait à la CMM d’atteindre une autre cible environnementale, soit un couvert forestier de 30 %. (Nous avons perdu 85 % du couvert forestier dans le sud du Québec à la faveur de l’étalement urbain, et le couvert forestier n’a augmenté que d’un pour cent en dix ans pour atteindre 21,4 %). Selon les données de l’Observatoire du Grand Montréal pour 2019, plusieurs terrains de golf de la CMM sont d’ailleurs situés dans les municipalités possédant les plus faibles superficies de couvert forestier du territoire de la CMM, soit Beloeil, Côte-Saint-Luc, Dorval, Candiac, Montréal, Chambly et Laval.

Mieux encore, plusieurs de ces golfs abritent des milieux humides. Le sud du Québec a perdu 90 % de ces milieux humides pour faire place au développement résidentiel. Plusieurs espèces qui dépendent des milieux humides sont aujourd’hui considérées comme étant menacées d’extinction. Les anciens terrains de golf pourraient donc être utilisés pour recréer les milieux humides perdus dans le cadre de mesures compensatoires ; le MELCC a accumulé un fond à cet effet.

‘… la reconversion des anciens terrains de golf en espaces naturels permettrait d’atteindre la cible du Plan métropolitain d’aménagement et de développement…’

Les milieux naturels ont un rôle fondamental à jouer, non seulement dans la captation du carbone, mais aussi sur le climat et la qualité de l’air au niveau local. Par exemple, en plus de produire de l’oxygène, les arbres captent les particules en suspension dans l’air et absorbent des polluants comme le plomb. Ils diminuent aussi les dommages causés par les événements climatiques extrêmes comme les sécheresses et les inondations. Ils régularisent le cycle de l’eau tout en l’épurant. Ils offrent des habitats aux pollinisateurs qui, en retour, multiplient la production végétale. Les espaces naturels contribuent à l’atténuation des îlots de chaleur, à la gestion des eaux de surface et à l’augmentation de la biodiversité, autant de phénomènes non négligeables à l’heure des changements climatiques, des événements météorologiques extrêmes et des épisodes de chaleur intense que subissent nos villes.

Golf Candiac

Golf Candiac – Image : gracieuseté de Louise Legault

Le fait que ces terrains de golf soient bien situés présente un avantage supplémentaire : des études démontrent que la proximité à un parc encourage la pratique d’activités de plein air et contribue à la santé mentale.

Qu’est-ce qui empêche donc la reconversion des anciens terrains de golf en parcs nature ? Certaines municipalités avancent qu’elles ont besoin des revenus que procurent de nouveaux résidents. Mais Peter Trent, maire de Westmount pendant 18 ans, souligne au contraire que dans certains cas, une municipalité pourrait en fait encourir des pertes même si le promoteur paie les infrastructures comme les routes, les aqueducs et les égouts. « Les demandes des nouveaux résidents en services municipaux peuvent dépasser les revenus qu’ils génèrent. Avec l’augmentation de la note des services régionaux comme la police, les transports publics et l’eau, l’apport d’un nouveau projet résidentiel peut en fait s’avérer négatif. Ces services sont facturés selon l’évaluation et non la consommation, et lorsque l’évaluation d’une municipalité augmente, notamment avec la réalisation de projets immobiliers luxueux, la facture de services grimpe en conséquence ». Trent ajoute que dans bien des municipalités, c’est le secteur commercial qui subventionne le secteur résidentiel.

‘Les anciens terrains de golf pourraient être utilisés pour recréer les milieux humides perdus dans le cadre de mesures compensatoires…’

Dans certains cas, les municipalités et leurs citoyens sont confrontés à un inconvénient majeur, à savoir l’évaluation de la valeur des terrains. Les terrains de golf sont souvent protégés par un zonage qui empêche le développement et accorde aux propriétaires un taux de taxation moins élevé. Lorsque ces propriétés sont proposées à la revente, ce n’est pas l’évaluation réduite liée au zonage protégé qui prévaut mais plutôt la valeur que le propriétaire estime pour son terrain s’il pouvait être développé. Et si le projet d’un promoteur est refusé, il accusera la municipalité d’expropriation déguisée et de coûteuses manœuvres juridiques pourront s’étendre sur de nombreuses années.

Les propriétaires jouent ainsi sur les deux tableaux : ils profitent d’une fiscalité réduite pendant des années mais entendent profiter de la pleine valeur de leur propriété au moment de la revente. C’est ainsi que les propriétaires du terrain de golf de Meadowbrook, par exemple, ont pu exiger 60 millions de dollars il y a quelques années pour un terrain acheté 3 millions de dollars en 2006, et qui était évalué à 11 millions.

‘Des études démontrent que la proximité à un parc encourage la pratique d’activités de plein air et contribue à la santé mentale.’

Golf Candiac

Golf Candiac – Image : gracieuseté de Louise Legault

Dans sa forme actuelle, la loi provinciale sur l’expropriation rend extrêmement difficile pour les municipalités l’acquisition de terrains auprès de promoteurs immobiliers. La CMM se penche sur la question dans le cadre de son Agora. Plusieurs municipalités ont d’ailleurs adopté des résolutions demandant des modifications à la Loi sur les expropriations, modifications semblables à celles adoptées par d’autres provinces canadiennes. Une pétition a aussi été déposée à l’Assemblée nationale par la Coalition Terrains de Golf en Transition demandant que l’indemnité d’expropriation soit calculée sur la juste valeur marchande la plus raisonnable d’une propriété, en tenant compte des contraintes réelles de son développement et du zonage en vigueur. Cette pétition a recueilli plus de 2100 signatures en moins d’un mois.

Au moment où le gouvernement du Québec entame une grande conversation nationale sur l’urbanisme et l’aménagement du territoire, l’avenir des anciens terrains de golf présente un potentiel pour redonner au Québec ses lettres vertes.

Image d’entête : Golf Candiac, gracieuseté de Louise Legault
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Louise Legault - WestmountMag.ca

Louise Legault est membre du comité d’orientation de Les Amis du Parc Meadowbrook. Le groupe  défend la rivière Saint-Pierre et le terrain de golf Meadowbrook du développement résidentiel depuis trente ans afin d’en faire un parc nature relié à la falaise Saint-Jacques et au Sud-Ouest par la dalle-parc. lesamisdemeadowbrook.org

logo Coalition Terrains de Golf en Transition

La Coalition Terrains de Golf en Transition réunit : Regroupement des résidents de Candiac, Dernier espace vert de Chambly, Les amis du parc Meadowbrook, Mouvement citoyen parc nature Beloeil, Green Rosemère Vert, Sauvons le golf Le Boisé – Terrebonne, Coalition citoyenne pour le parc-nature du Bois-d’Anjou, La Coalition Verte – Green Coalition, TechnoparcOiseaux et Parc Sentiers des bois de Laval.


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1 commentaire trouvé

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  1. Patricia Dumais

    C’est une excellente idée qui permettrait de résoudre un certain nombre de problèmes : manque d’espaces verts, protection des espèces et de la biodiversité, etc. La modification de la loi sur l’expropriation est la clé de la réussite. Espérons que le gouvernement prenne la bonne décision !


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