Jeunesse interrompue :
la leucémie à 7 ans

Par Caroline Arbour

Dans la moiteur d’un après-midi lourd de septembre, on entend de la cour de la famille Potvin à Montréal-Nord une cigale, tout près, chanter quelques notes. L’aînée, Léa, produit alors un spécimen de cette bestiole parfaitement préservée au fond du congélateur dans une fiole qui contenait, avant de servir de capsule funèbre, l’un de ses nombreux médicaments. « Les cigales meurent toutes à la fin de l’été, » affirme savamment la fillette sur le même ton banal qu’elle employait quelques minutes plus tôt pour décrire ce qu’est la leucémie aiguë lymphoblastique (LAL). À 9 ans, elle en sait beaucoup sur cette maladie. Trop.

Novembre 2013, Léa est prise de douleurs aux jambes. Ses parents croient tout naturellement à une poussée de croissance, mais après une semaine les élancements sont tels qu’ils se rendent à l’Hôpital Sainte-Justine. Diagnostic : un rhume de hanche, soit une crise d’arthrite passagère. Les anti-inflammatoires prescrits ont peu d’effet. Quelques jours plus tard à l’école, de son pupitre dans la section réservée à l’arrière aux premiers de classe, Léa fait discrètement signe à son enseignante. « J’avais tellement mal que j’avais des larmes qui coulaient, » dit-elle.

L’enfant est admise à Sainte-Justine pour des tests plus poussés, dont une ponction de la moelle osseuse. Moins de 24 heures plus tard, deux médecins rencontrent ses parents. On leur annonce que Léa a le cancer et qu’elle ne rentrera pas à la maison ce soir-là. Caroline Duclos pense immédiatement, « c’est la mort, là ». D’un moment à l’autre, « tu perds le contrôle de ta vie, tu perds le contrôle de ce qui arrive à ton enfant, » raconte-t-elle. « Ils t’ont fait signer la déclaration comme quoi tu les autorises à donner des soins et ils sont partis avec ça, » ajoute Claude Potvin. « C’est tout ce qu’on a fait. Pour le reste, ce sont eux qui décident. »

La guerre est déclarée

La LAL se caractérise par la prolifération anormale de globules blancs immatures dans la moelle osseuse et le sang. Ce dérèglement, de cause inconnue, perturbe la production de « soldats immunitaires » sains censés combattre les infections. Pour stopper les cellules tumorales, Léa est traitée selon le protocole de Boston, un régime de chimiothérapie hautement efficace développé dans la capitale de l’état du Massachusetts au début des années 1980. On lui administre de fortes doses quotidiennement pendant 31 jours, durant lesquels elle demeure hospitalisée.

Au fil des ponctions et des injections, malgré la fatigue et les nausées, Léa garde le sourire, n’émet aucune plainte. Si les heures de visite sont très restreintes, la patiente ne se sent jamais tout à fait seule. « Il y a des clowns, des éducatrices, tu peux te faire des amis, » explique-t-elle gaiement. Le deuxième enfant des Potvin, lui, est troublé par l’absence de sa complice. Alexandre, sept ans, lance, l’air espiègle, « ensemble on s’amuse à créer des problèmes. Sans Léa, je ne savais plus quoi faire. » Plus sérieusement, il confie : « je n’ai pas été capable de dormir. »

Père et mère se relaient au chevet de leur fille malade et à la maison où, en plus d’Alexandre, il y a aussi la petite Andréanne qui n’est âgée que de deux ans. Caroline prend congé de son poste de technicienne en administration pendant six mois et Claude, un technicien en bâtiment, cesse de travailler pendant un mois. Les deux ne se voient plus. « On avait vingt minutes dans l’après-midi pour se parler, » se souvient-il.

Le plus beau des cadeaux de Noël

Au terme des 31 jours, le 23 décembre 2013, les médecins constatent que le cancer de Léa est en rémission. Ils l’autorisent à réveillonner à la maison et elle quitte définitivement l’hôpital quelques jours plus tard, mais l’épreuve n’est pas terminée. En vertu du protocole, la fillette doit continuer de recevoir des traitements de chimiothérapie plus faibles chaque semaine pendant deux ans

La vie reprend néanmoins, progressivement, un certain semblant de normalité. La baignade dans les lacs est interdite, flatter des animaux et manger des sushis aussi, son système immunitaire n’étant pas capable de la protéger contre les bactéries, mais Léa va à l’école, joue au soccer, apprend le crawl le samedi matin. « Il faut quand même que je fasse attention, » fait-elle remarquer, « parce que mes os sont plus fragiles. »

Pétillante et précoce, Léa parle de son cancer sans détour et avec humour, sauf lorsqu’il est question des longs cheveux lisses qu’elle a perdus par poignées. « J’étais gênée de me montrer au début, je portais des bandeaux » dit-elle d’une voix presque inaudible. Ses cheveux ont repoussé, bouclés, à son grand bonheur, mais les mois de calvitie ont manifestement été pénibles. « Il y a des gens à l’école qui ne comprennent pas c’est quoi. Un garçon m’a dit ‘toi t’es un gars, pourquoi tu portes une jupe?’ »

Leucan et l’avenir

C’est pourquoi Léa aime participer aux activités récréatives organisées par Leucan, qui soutient les enfants atteints de cancer et leurs proches. Elle y retrouve alors d’autres jeunes leucémiques et « c’est rare de te faire insulter. » Grâce à l’organisation, Léa et sa famille ont pu oublier la maladie momentanément avec, entre autres, la visite des joueurs du Canadien, des virées à la cabane à sucre, un séjour de répit au camp Le Saisonnier à Lac-Beauport, une sortie au spectacle de Cavalia.

Leucan occupe une place importante dans la vie des Potvin et continuera de jouer un rôle d’autant plus significatif qu’elle aide à financer la recherche. Car des questions sur l’avenir de Léa demeurent sans réponses. En ce moment, « ils font tout pour sauver les enfants, mais ce que cela va engendrer après, à ce que j’ai compris ils ne sont pas rendus là, » explique Caroline Duclos. « On nous a dit des choses » sur d’éventuelles séquelles de la chimiothérapie à l’âge adulte, « mais on n’en sait pas plus. »

Pour l’instant, les Potvin préfèrent ne pas y penser. Tout ce qui compte, c’est la fin des traitements, le 23 décembre prochain. Ce que Léa souhaite faire après? « Flatter des animaux. »

Participez au défi, le 17 septembre au centre commercial Alexis Nihon

Le Défi têtes rasées au profit de Leucan aura lieu le 17 septembre, de 12 h à 15 h, au centre commercial Alexis Nihon. Un don minimal de 50 $ est requis pour y participer et il est recommandé de s’inscrire en ligne au tetesrasees.com.

Alexis Nihon est détenu et géré par le Fonds de placement immobilier Cominar. Un haut dirigeant de l’entreprise s’est engagé à recueillir plus de 5 000 $ en dons et d’être de ceux qui sacrifieront leurs cheveux lors de l’événement. Découvrez son identité et ses motivations la semaine prochaine.

Lire la première partie — Répit et espoir dans le sillon d’un rasoir

Images: Caroline Arbour



1 commentaire trouvé

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  1. Annie Fillion

    Bravo à vous les Potvin. Maintemant, la tempête est derrière vous. Souvent, ces tristes évènements font que l’on ressort plus fort et solidifient les liens qui nous unissent. Vous êtes un exemple de courage. Bravo Bravo Bravo xxxxx


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