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Dunkerque, un film
sans vision ni perspective

Quand l’Histoire se cache derrière le subjectif sous la lorgnette des réseaux sociaux

Par Luc Archambault

Loué quasi-unanimement par la critique, Dunkerque , le film de guerre écrit et réalisé par Christopher Nolan, m’a laissé un bien vilain goût dans la gorge et j’ai éprouvé un tel malaise lors du visionnement que j’ai pris mon temps avant d’en écrire ce compte-rendu, tant l’indigestion fut flagrante.

Dunkerque – Westmount Mag.ca

L’histoire ? Nous sommes en 1940. Suite au coup de faucille de Sedan, le fameux plan Jaune ou Fall Gelb, de von Manstein, l’armée allemande vient de compléter sa fulgurante percée à travers la ligne de défense française, mettant en déroute les armées franco-britanniques et les encerclant dans une poche à Dunkerque, sur le bord de la Manche.

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La Royal Navy met alors en branle l’opération Dynamo visant à rapatrier le corps expéditionnaire britannique sur l’Île de sa Majesté. Mais, étant en crise et ne pouvant dépêcher que 39 destroyers, le gouvernement britannique fait appel à toute embarcation susceptible de transporter des soldats. Chalutiers, traversiers, remorqueurs, péniches et yachts, en tout plus de 370 embarcations de fortune répondent à l’appel. En neuf jours, près de 340 000 combattants français et britanniques ont pu être évacués des plages de Dunkerque alors que la primauté de la Wehrmacht et de la Luftwaffe était évidente.

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Mais rien de ceci n’apparaît dans ce film. L’Histoire se cache derrière le subjectif, derrière une guerre personnalisée, comme si celle-ci était vécue via un réseau social. Et ce n’est pas faute de moyens car il faut voir la reconstitution de cette flotte impressionnante et de ces milliers de soldats évacués. Et que dire des erreurs factuelles de ce film ? Lorsque trois à quatre Stukas, des bombardiers en piquée allemands, attaquent les navires britanniques, une pluie de bombes s’abat sur les pauvres embarcations… sauf que les Stukas n’emportaient qu’une seule bombe.

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De plus, il faut noter le petit nombreux de scènes montrant l’aviation en action au dessus de Dunkerque, tant du côté allemand que britannique, beaucoup moins présente dans le film que lors de la bataille réelle, hormis la scène (beaucoup trop longue et superflue) où le personnage de Farrier, joué par Tom Hardy, vole indéfiniment le long des plages à bord de son Spitfire alors qu’il n’a plus d’essence.

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Bref, Dunkerque ne présente pas la guerre comme une entreprise horrible, avec ses morts, ses sacrifices, sa violence. Ici tout y est propre et net, tout est beau à voir, et ce à l’échelle la plus individuelle possible, celle de simples soldats. Et pourtant, ce n’est pas le talent qui manque à Christopher Nolan, mais un manque de vision, un manque de perspective qui fausse la vision du film. En comparaison, il faut voir la profondeur de thème, de traitement et de dépassement que les cinéastes russes Elem Klimov et Ales Adamovich ont su insuffler au magistral Va et regarde, un autre film subjectif tourné en 1985.

Pareil ratage est désolant pour quiconque connaît les circonstances de ces événements tragiques, et ce soufflet aux excès de facilité narrative est un gaspillage éhonté de moyens, d’une tiédeur et d’une faiblesse de détails alors qu’on nous submerge, qu’on nous noie dans le spectaculaire visuel qui nous nivèle le cerveau et obnubile tout visionnement critique. De la part du réalisateur de The Dark Knight, quelle déception.Button Sign up to newsletter – WestmountMag.ca

Images gracieuseté de Warner Bros.

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Luc Archambault WestmountMag.ca

Luc Archambault
Écrivain et journaliste, globe-trotter invétéré, passionné de cinéma, de musique, de littérature et de danse contemporaine, il revient s’installer dans la métropole pour y poursuivre sa quête de sens au niveau artistique.

RW&CO.



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