La Guerre de la Planète des Singes : la montée de l’intolérance américaine ?

Un film à mi-chemin entre un blockbuster et une épopée biblique

Par Luc Archambault

J’ai pris mon temps pour bien digérer La Guerre de la Planète des Singes, le troisième film du redémarrage de la série La Planète des Singes, mais le positionnement moral qui y est véhiculé me semble suspect et m’a laissé un arrière goût amer dans la gorge.

Si vous avez vu les films pécédents, vous connaissez probablement déjà le fond de l’histoire : les singes, sous la gouverne de César, vivent et prospèrent depuis la mésaventure avec Koba (L’Aube de la Planète des Singes, 2014). Mais les survivants humains de la communauté paramilitaire Alpha-Oméga (en référence à la bombe du Jugement Dernier tirée du film Le Secret de la Planète des Singes, 1969) vivant dans les ruines de San Francisco, sous le commandement du violent Colonel (Woody Harrelson), sont sur le sentier de la guerre et planifient d’exterminer la communauté florissante des singes. Ils attaquent leur village et tuent bon nombre d’entre eux, y compris la femme et un des fils de César.

War for the Planet of the Apes - WestmountMag.ca

Pendant que le clan des singes se met en route pour se relocaliser ailleurs, au delà du désert, César décide de confronter le Colonel en s’engageant dans une mission de représailles, accompagné par un petit groupe de ses fidèles acolytes, Maurice, Luca et Rocket. En chemin, ils rencontrent un soldat humain isolé vivant dans un village abandonné. Celui-ci est aussitôt tué par César lorsque qu’il tente de dégainer son arme, et les singes découvrent alors qu’il tentait de protéger sa fille muette, que Maurice adopte et baptise Nova (encore une fois, en référence au premier film de la série originale, La Planète des Singes, 1967).

Ce qui me trouble dans toute cette référence à peine voilée est la composition homogène du peuple élu.

Après avoir rencontré Méchant Singe, un chimpanzé très intelligent vivant dans les ruines d’un zoo qui accepte de les mener jusqu’au Colonel, le groupe simien parvient au campement fortifié d’Alpha-Oméga, où il trouve le reste de la communauté simienne captive et en état d’esclavage, assujettie à la construction d’un mur, sans eau ni nourriture. Le Colonel, ayant été capturé César et reconnaissant son intelligence tactique, lui explique qu’après avoir décimé la race humaine, le virus de la grippe simienne a subi une mutation, produisant une dévolution chez les survivants qui les rend muets et dégénérés. La communauté Alpha-Oméga, en pleine guerre sainte et luttant pour la survie de l’humanité, à pour ordre d’éliminer tout humain qui est infecté, dont le fils même du Colonel. César rejoint le Colonel, gisant sur sa couchette, victime du virus et devenu muet. César baisse alors son arme, mais le Colonel s’en empare et l’utilise pour se suicider.

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Bien sûr, ce ne sont pas tous les humains qui partagent le point de vue d’Alpha-Oméga. Une armée rebelle venant du nord se met en marche pour attaquer le fort et lance l’assaut au moment où les singes sont délivrés par César et ses complices. Pendant la bataille, César parvient à faire sauter les réserves de pétrole, provoquant une avalanche qui ensevelit les deux armées adverses alors que les singes se réfugient dans les arbres environnants.

La communauté simiesque traverse ensuite le désert qui la sépare de sa terre d’accueil, et, alors que tous contemplent la vallée verdoyante devant eux, César décède des blessures qu’il a subies lors de la bataille. Ici, les références bibliques sont évidentes. César est la nouvelle incarnation d’un Moïse simiesque, ayant libéré son peuple des griffes des Égyptiens, et les ayant conduits à la Terre Promise, devant laquelle il décède, n’y mettant jamais les pieds.

Est-ce là une rechute philosophique vers une mentalité faschisante, même si celle-ci émane de cerveaux Hollywoodiens traditionnellement gauchistes?

Ce qui me trouble dans toute cette référence à peine voilée est la composition homogène du peuple élu. Alors que dans la série originale de La Planète des Singes, notamment dans La Bataille de la Planète des Singes, 1973, une projection dans le futur montre qu’en 2670, soit quelques siècles après cette bataille épique entre humains et singes, les deux espèces vivent en harmonie. Alors que dans La Guerre de la Planète des Singes, il y a des humains qui vivent paisiblement au sein de la communauté des singes. Seuls les humains mutants sont les agresseurs dans cette guerre.

De plus, la conclusion modifie le parcours des films précédents car à la fin, il ne reste plus qu’une seule humaine vivante, Nova, elle-même atteinte du virus de la grippe simienne. La communauté des élus est donc exclusivement constituée de singes, une communauté avec une pureté de race et de religion. Est-ce là une rechute philosophique vers une mentalité faschisante, même si celle-ci émane de cerveaux Hollywoodiens traditionnellement gauchistes? Je dois avouer que ce film me trouble profondément, spécialement en cette ère d’émergence de conflits idéologiques, économiques et politiques tous azimuts.

Button Sign up to newsletter – WestmountMag.caEn plus de tout ceci, il semble qu’un quatrième film soit sur les planches pour cette série. Où nous transportera le scénario ? L’histoire semble pourtant close avec la mort de César à la toute fin. Oh, bien sûr, on nous sert Nova et Cornelius (le fils de César) pour raviver les cendres et nous resservir un nouveau chapitre. J’espère seulement que l’on nous épargnera l’arrivée de Taylor, revenant sur Terre suite à un voyage dans l’espace-temps. Mais qui sait, compte tenu des choix souvent de mauvais goûts qui se prennent dans la capitale cinématographique américaine?

Au final, ce film reste un incontournable parmi la sélection offerte cet été. Les rebondissements du scénario sont suffisamment surprenants pour satisfaire les plus ardents enthousiastes de science-fiction. La seule pierre d’achoppement réside dans la modification et la modernisation du snénario des films originaux. Mais si vous êtes un amateur de communautés racialement homogènes, alors vous devriez courir pour voir ce film car vous l’apprécierez. Sinon, l’histoire risque de vous faire frémir dans votre siège dans l’attente anxieuse de l’apocalypse.

Images : courtoisie de Twentieth Century Fox Film Corporation

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Luc Archambault WestmountMag.ca

Luc Archambault
Écrivain et journaliste, globe-trotter invétéré, passionné de cinéma, de musique, de littérature et de danse contemporaine, il revient s’installer dans la métropole pour y poursuivre sa quête de sens au niveau artistique.

RW&CO.



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