Le Poinsettia et la
légende de Pépita
Comment la flore de nochebuena est devenue un symbole de Noël
Par Michael Walsh
Révisé le 14 décembre 2025
À l’approche de la période des Fêtes, plusieurs images s’imposent à l’esprit : les sapins de Noël illuminés de guirlandes multicolores, les cadeaux soigneusement emballés, les portes ornées de couronnes de petites baies rouges, les repas de famille traditionnels, ou encore les tables décorées des splendides nuances écarlates des poinsettias.
En novembre et en décembre, les poinsettias sont partout et on les considère souvent comme de simples décorations à être jetées une fois les Fêtes terminées.
En novembre et en décembre, les poinsettias sont partout. On en voit tapisser les allées de nos supermarchés et, en raison de leur prix abordable, on les considère souvent comme de simples décorations saisonnières, destinées à être jetées une fois les Fêtes terminées.

Image : Illustration du poinsettia pulcherrima (Euphorbia pulcherrima Willd. (Creative Commons)
Ce qui nous amène à poser la question suivante : que savons-nous réellement de cette plante ? En résumé, nos parents et grands-parents nous ont, à tort, fait croire que le poinsettia était toxique pour les jeunes enfants et les animaux domestiques.
Avant d’aborder ce point, prenons un peu de recul pour mieux comprendre comment cette plante a fait son entrée dans l’industrie florale, est devenue un produit commercial, puis un incontournable de nos foyers.
Le poinsettia, ou « fleur de Noël », porte le nom botanique d’Euphorbia pulcherrima — ce qui signifie « très belle » — et appartient à la famille des Euphorbiacées, qui comprend également l’hévéa, ou arbre à caoutchouc. À ce titre, ces deux plantes contiennent un latex laiteux similaire. Son habitat naturel se limite à une région du Mexique correspondant aujourd’hui à la ville de Taxco, où il pousse sous forme d’arbuste pouvant atteindre trois mètres de hauteur.
Au XIVᵉ siècle, les Aztèques appelaient cette plante « Cuetlaxochitl ». Ils utilisaient sa sève à des fins médicinales et ses feuilles colorées — en réalité des bractées — pour fabriquer des teintures pourpres et rouges. Très prisées des souverains aztèques, ces plantes étaient acheminées en grand nombre jusqu’à la capitale, Teotihuacan.
La nation aztèque prospéra jusqu’en 1531, année où Cortés, au nom de la couronne espagnole, envahit la capitale, provoquant la chute de la civilisation et la prise de contrôle espagnole du Nouveau Monde — l’actuel Mexique. (Fait à noter : à ce jour, la couronne d’Espagne ne s’est jamais excusée pour les atrocités commises lors de cette invasion.)
Peu après, les prêtres et missionnaires franciscains entreprirent d’effacer toute trace des anciens cultes religieux — à l’exception du poinsettia.
‘Les Aztèques utilisaient sa sève à des fins médicinales et ses feuilles colorées pour fabriquer des teintures pourpres et rouges.’
Ils intégrèrent la plante à leurs rituels de Noël sous le nom de flore de nochebuena (fleur de la Sainte Nuit), en raison de sa floraison annuelle pendant la période des Fêtes. (En réalité, ces plantes sont photopériodiques : elles fleurissent en réponse à la réduction de la durée du jour.)

Joel Roberts Poinsett • Image : Public domain, via Wikimedia CommonsJoel Roberts Poinsett — Image : Charles Fenderich (1805-1887 • domaine public, via Wikimedia Commons
À ce stade, notre histoire nous transporte dans les années 1820 avec l’arrivée de Joel Roberts Poinsett, envoyé spécial des États‑Unis au Mexique. Bien que sa carrière diplomatique ait été loin d’être brillante, on lui attribue (quoique certains en doutent) le mérite d’avoir été le premier à rapporter des spécimens vivants de poinsettia. Ceux‑ci furent expédiés à Philadelphie, où ils furent cultivés dans le jardin de la famille Bartram — un lieu qui existe encore aujourd’hui, à l’angle de la 54ᵉ Rue et du boulevard Lindbergh.
En 1836, le botaniste Robert Graham donna au genre la classification taxonomique « Poinsettia » en hommage à Joel Poinsett. Cependant, aux États‑Unis, la plante fut longtemps connue sous les noms de Mexican Flame Thrower (lance‑flammes mexicain) ou Painted Leaf (feuille peinte).
Il existe d’ailleurs un lien intéressant entre Poinsett et l’actuelle Smithsonian Institution de Washington, D.C. En tant que membre fondateur de la National Institution for the Promotion of Science, Poinsett milita pour la création d’un musée national. À sa mort, survenue le 12 décembre 1851, le Congrès américain proclama cette date comme Journée nationale du poinsettia .
Aujourd’hui, la production de poinsettias constitue une vaste industrie regroupant plus de trois cents variétés (ou cultivars). L’entreprise Dümmen Orange produit à elle seule environ 80 % des poinsettias mondiaux depuis son *Paul Ecke Ranch* situé à Encinitas, en Californie. Un grand nombre de ces cultivars sont protégés par un code de classification de brevet international — la mention « reproduction interdite » figurant souvent sur les étiquettes des plantes en témoigne.
‘Aujourd’hui, la production de poinsettias constitue une vaste industrie regroupant plus de trois cents variétés’
Cependant, les producteurs américains doivent faire face à un obstacle majeur : la réputation de la plante, jugée dangereuse pour les enfants et les animaux de compagnie. Cette croyance tenace a entraîné une baisse de 50 % des ventes entre 2005 et 2017. Tout comme la rumeur selon laquelle les chauves‑souris s’emmêlent dans les cheveux — parce que cela serait arrivé à un proche —, il est intéressant d’examiner comment le poinsettia a hérité de sa mauvaise réputation.
Tout semble remonter à un rapport mal interprété faisant état du décès d’un enfant de deux ans, fils d’un officier de l’armée américaine stationné à Hawaï. En 1919, l’enfant mourut d’un empoisonnement dont la cause fut, à tort, attribuée à l’ingestion de poinsettia.

Image : Timbre du Commonwealth
Par la suite, de nombreuses études ont cherché à corriger ces conclusions erronées. Plus précisément, une recherche de l’Université d’État de l’Ohio a révélé qu’un enfant en bonne santé pesant environ vingt‑deux kilos pourrait ingérer jusqu’à cinq cents bractées (feuilles) de poinsettia sans autre effet qu’un léger mal de ventre. Ce qui, bien entendu, n’est pas une expérience à tenter !
D’autres études plus rigoureuses se sont intéressées aux terpènes — des composés aromatiques présents également dans le latex du caoutchouc. Il en ressort que 40 % des personnes allergiques au latex présentent une sensibilité croisée au poinsettia. Plus préoccupant encore, de rares cas de choc anaphylactique (une urgence médicale) ont été signalés chez des nourrissons souffrant à la fois d’eczéma atopique — caractérisé par une peau sèche, irritée et inflammée — et d’allergie au latex, après exposition à ces plantes.
L’American Journal of Emergency Medicine a analysé 22 793 cas d’exposition accidentelle au poinsettia et n’a relevé aucun cas de morbidité ; 96 % des patients n’ont même pas eu besoin de soins médicaux. Des résultats similaires ont d’ailleurs été publiés dans plusieurs revues vétérinaires.
Cependant, d’autres centres antipoison ont tout de même signalé des irritations buccales et des troubles gastro‑intestinaux chez de jeunes enfants ayant mâchonné les feuilles de la plante.
‘Mieux vaut voir ces plantes comme de simples allergènes potentiels et, avec un peu de bon sens, en apprécier sans risque la beauté durant les fêtes.’
En résumé, sans minimiser les rares cas de choc anaphylactique observés chez des nourrissons présentant des conditions préexistantes, il semble que le poinsettia fasse simplement partie de la (longue) liste des « allergènes de Noël ». Parmi ceux‑ci figurent notamment les sapins naturels, les cactus de Noël, les chandelles parfumées, certains aliments festifs et même des cadeaux tels que les téléphones portables ou les ordinateurs portables. Dans cet esprit, il convient donc de considérer le poinsettia comme un allergène potentiel plutôt qu’une plante toxique. Avec un peu de bon sens, on peut en apprécier toute la beauté au cœur de la période des Fêtes.
Sur ces mots, je vous souhaite à tous un joyeux temps des Fêtes, empreint de santé et de prospérité, et je vous laisse sur la touchante légende du poinsettia et la magie de Noël.

Serre de poinsettias • Image : Gordon Lambie – The Sherbrooke Record
La légende de Pepita
Il était une fois une jeune fille nommée Pepita. Elle était très pauvre, mais d’une grande bonté.
Un mois de décembre, tout le village se préparait pour la messe de la veille de Noël, une célébration joyeuse, colorée et somptueuse. Les habitants revêtaient leurs plus beaux habits et apportaient de précieux cadeaux destinés à l’Enfant Jésus.
Certains en profitaient pour exhiber la richesse de leurs vêtements et la valeur de leurs offrandes, tandis que d’autres — comme Pepita — faisaient preuve d’une piété sincère. Hélas, ceux qui arboraient des tenues luxueuses se montraient parfois bien sévères envers ceux qui n’avaient rien à offrir.
En chemin vers la chapelle, Pepita était triste. Elle marchait pieds nus, incapable même de s’offrir une paire de chaussures, encore moins un présent pour le petit Jésus. Son cousin Pedro tenta de la réconforter.

Image : Timbre américain
« Ce n’est pas la taille de ton cadeau qui compte, lui dit‑il : l’important, c’est l’amour que tu portes à l’Enfant Jésus. Il aimera tout ce qui est offert par quelqu’un qui l’aime, même le plus modeste. Et si tu n’as aucun cadeau matériel, ta présence peut être ton offrande. »
Mais Pepita n’arrivait pas à se résoudre à se présenter à la messe les mains vides. Elle se pencha donc pour cueillir quelques mauvaises herbes au bord du chemin. C’était l’hiver, elles n’avaient même plus de fleurs, seulement quelques feuilles, mais elle se dit : « C’est toujours mieux que rien. »
En arrivant à la chapelle, tous les notables, dans leurs beaux habits, se moquèrent de ses pieds nus, de ses vêtements en loques et de son maigre bouquet d’herbes sauvages. Pourtant, lorsqu’elle déposa son offrande devant la crèche, ces herbes humbles se transformèrent soudain. Les petites plantes ternes doublèrent de taille et prirent un rouge éclatant, bien vivant, qui surpassait tous les autres cadeaux. De minuscules fleurs blanches scintillaient en leur centre.
Tous les fidèles furent stupéfaits. Mais le prêtre comprit qu’ils venaient d’être témoins d’un miracle. En examinant la plante, il expliqua ce qu’ils avaient sous les yeux : les feuilles rouges, dit‑il à l’assemblée, représentaient le sang du Christ. Les petites fleurs blanches symbolisaient la pureté de la Vierge Marie. Et la forme des feuilles évoquait l’étoile de Bethléem. Ces fleurs, déclara‑t‑il, étaient les « Flores de Noche Buena » – les « fleurs de la Sainte Nuit ».
Image d’entête : Poinsettias de différentes variétés, par Andy Mabbett via Wikimedia Commons
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