Le combat de Peter Trent pour
l’autonomie de Westmount
La campagne « Ne touchez pas à ma ville » a été un épisode rassembleur
Par Wayne Larsen
Traduit de l’anglais
Une génération entière a grandi à Westmount avec le maire Peter Trent occupant la grande chaise à la mairie.
Au cours des 26 dernières années, les courriels et les messages texto ont remplacé la plupart des communications postales et téléphoniques, et les sites Web sont en bonne voie de remplacer les journaux, la publicité et les magasins de détail. « Nous n’avons plus autant de réunions d’information publique », a déclaré Trent la semaine dernière, peu après avoir annoncé sa démission suite à cinq mandats. Maintenant, a-t-il ajouté, les résidents peuvent généralement s’exprimer sur des questions d’intérêt public via Internet au lieu de se précipiter au Victoria Hall à date fixe. « Ils peuvent se connecter au milieu de la nuit s’ils veulent, c’est beaucoup plus pratique ».
La technologie ultra fonctionnelle d’aujourd’hui aurait été d’une grande utilité pendant ce qui fut certainement la période la plus tumultueuse de Westmount, entre 1998 et 2006, alors qu’elle passait du statut de ville indépendante au sein du grand Montréal à celui de simple arrondissement de la méga-ville de Montréal, pour enfin redevenir une ville indépendante, quoiqu’avec une autonomie réduite.
Durant tous ces revirements, la longue tradition locale de non-capitulation est toujours restée fermement tenace et a été un signe de ralliement soutenu tout au long du mandat de Trent.
À la fin des années 80, contre toute attente, la prédécesseure immédiate de Trent, May Cutler, a campé sur ses positions et a remporté deux victoires sur le gouvernement provincial concernant un enjeu fiscal important et le changement de nom du boulevard Dorchester pour René Lévesque. Pour sa part, l’administration Trent a poursuivi dans cette voie avec succès en complétant des projets de grande envergure malgré les protestations initiales de résidents dont les craintes allaient de la congestion du trafic routier à l’incertitude fiscale.
En conséquence, Westmount dispose aujourd’hui d’une bibliothèque publique agrandie et rénovée, d’un Victoria Hall restauré, avec l’addition d’une galerie d’art attenante, et plus récemment la construction d’un nouveau centre récréatif partiellement souterrain dont le coût est resté conforme aux prévisions budgétaires, contrairement aux craintes des sceptiques. La réalisation de ce projet a fait l’objet d’une controverse acerbe provoquée par un petit groupe de résidents essayant de bloquer toutes les étapes de son développement. Cet antagonisme a conduit à plusieurs séances mouvementées lors des réunions mensuelles du conseil municipal, mais le vieil esprit de non-capitulation a primé, et aujourd’hui le centre des loisirs de Westmount est une source de fierté pour toute la communauté. En outre, beaucoup de ceux qui avaient protesté contre le projet ont depuis cessé leur contestation.
Mais le véritable combat de Trent a eu moins à voir avec les patinoires de hockey et le bruit relié à la construction. Il a toujours soutenu que l’exploit dont il est le plus fier était la restauration de l’autonomie de Westmount suite à la fusion forcée des municipalités environnantes de Montréal, au début des années 2000. À partir de 1998, lorsque les premières discussions de « Une île, une ville » ont débuté par des chuchotements circulant parmi les maires de la région de Montréal, Trent a rapporté la nouvelle aux Westmountais dans ses rapports mensuels lors des réunions du conseil et dans sa chronique satirique, et souvent ironique, publiée dans l’Examiner, le journal régional de Westmount aujourd’hui disparu.
Il a toujours soutenu que l’exploit dont il est le plus fier était la restauration de l’autonomie de Westmount suite à la fusion forcée des municipalités environnantes de Montréal…
Ses craintes étaient fondées, bien sûr, et les années qui ont suivi ont vu une lutte politique sans précédent qui a rassemblé les citoyens derrière Trent et les conseillers municipaux pour s’opposer au fait accompli de l’administration provinciale qui a effectivement supprimé la ville de Westmount et augmenté les taxes tout en réduisant les services municipaux. La campagne « Ne touchez pas à ma ville » qui a suivi a été une initiative rassembleuse qui a envoyé un message clair à Québec, quoique le gouvernement ait fait la sourde oreille.
En tant que rédacteur en chef du Westmount Examiner – le seul journal de la collectivité à l’époque, et donc le seul conduit entre la ville de Westmount et ses résidents – je me suis retrouvé à l’avant-garde de toute la saga fusion-défusion qui a duré des années.
Mon estimé prédécesseur, feu John Sancton, avait toujours un attachement sentimental envers l’Examiner malgré l’avoir vendu à une société près d’une décennie plus tôt. Il passait parfois à notre bureau et m’a à plusieurs reprises souligné l’importance vitale de l’affaire. « C’est de loin la nouvelle la plus cruciale que Westmount ait jamais vue », disait-il, et il a approuvé avec enthousiasme lorsque nous avons immédiatement arrêté de publier des histoires sur les parties de hockey Atome et les photos mignonnes d’enfants et de chiots afin de consacrer plus d’espace pour couvrir la lutte sans relâche de Trent contre les fusions. En conséquence, chaque semaine pour ce qui s’est avéré être des années, au moins un article concernant les fusions apparaissait en première page, avec souvent plus de couverture médiatique à l’intérieur du journal. Très peu de lecteurs s’en sont plaints.
Tout au cours des nombreux rassemblements de citoyens opposés aux fusions jusqu’au référendum décisif de Westmount où près de la totalité de ceux qui ont voté l’ont fait contre la fusion, Trent a continué à se battre alors que beaucoup de ses pairs eurent finalement abandonné et changé leur fusil d’épaule – essayant de sauver leur carrière politique en se présentant comme maires d’arrondissement dans la nouvelle ville restructurée de Montréal.
Trent est cependant resté ferme. « Comment pourrais-je faire partie d’un système auquel je ne crois pas? », a-t-il répondu à plusieurs reprises lorsqu’on lui demandait pourquoi il refusait de se présenter comme maire d’arrondissement pour Westmount.
‘… Trent a continué à se battre alors que beaucoup de ses pairs eurent finalement abandonné et changé leur fusil d’épaule…’
Le résultat fut que Trent se retira officiellement de la vie politique au milieu des années 2000. Mais il n’est pas resté sans rien faire. Au lieu de représenter Westmount au sein de la mega-ville de Montréal, il a œuvré à défusionner les anciennes villes à travers une série de discours publics lors d’évènements et en enjoignant de façon formelle les libéraux du gouvernement Charest à honorer leur promesse électorale permettant aux villes qui le désiraient de défusionner. Ce ne fut pas facile. En fait, le gouvernement provincial a mis plein de bâtons dans les roues, en particulier en exigeant qu’un pourcentage excessivement élevé d’électeurs se prononce en faveur de la défusion pour parvenir à un consensus acceptable.
Mais les électeurs de Westmount ont surpassé ces chiffres exhorbitants et, le 23 juin 2004, l’hôtel de ville de Westmount s’est transformé en lieu de célébration lors de la victoire des partisans de la défusion. Ce fut l’occasion de réjouissances débridées dans la chambre du conseil, et je me souviens d’avoir porté une chaise à travers la foule pour permettre au photographe du journal, Martin Barry, de prendre le cliché maintenant emblématique de Trent étreignant la conseillère Cynthia Lulham, avec en arrière-plan la mairesse de l’arrondissement, Karin Marks, qui avait pris la relève sur une base intérimaire tandis que Trent travaillait en coulisses dans le rôle qu’il a souvent qualifié de « maire en exil ».
Le combat de Trent pour redonner à Westmount son autonomie est une chronique racontée en détail dans son livre The Merger Delusion qui dévoile non seulement l’histoire de ce qui s’est passé, du point de vue de l’initié, mais qui illustre également pourquoi le modèle de la méga-ville ne fonctionne pas.
Tout au long de la longue lutte de la fusion-défusion, Trent a toujours conservé son sens de l’humour caractéristique, même si les circonstances semblaient des plus sombres. Que ce soit durant les débats avec les défenseurs de la méga-cité, ou lorsqu’il prêchait à ses partisans lors de rassemblements, ou discutait simplement d’affaires locales lors des réunions mensuelle du conseil municipal, il avait toujours quelques phrases amusantes ou même un jeu de mots improvisé dans sa manche.
‘… il avait toujours quelques phrases amusantes ou même un jeu de mots improvisé dans sa manche.’
Le choix de Trent de démissionner a mis un terme au chapitre le plus pittoresque de l’histoire de Westmount, un épisode où l’esprit de la longue tradition locale de non-capitulation a imprégné la ville et a rassemblé ses habitants pour mener une longue bataille difficile – un combat qu’ils ont finalement gagné.
Image d’entête : courtoisie de la ville de Westmount
Autres images (sauf si indiqué) : courtoisie de Wayne Larsen
Peter Trent sera le conférencier invité à l’assemblée générale annuelle de l’Association municipale de Westmount le mercredi 10 mai à 18h30 dans la salle de concert du Victoria Hall, 4626 Sherbrooke O.
Réception : 18h30
Réunion : 19h
Tous sont les bienvenus.
Plus d’informations à wma-amw.org
wlarsen@westmountmag.ca
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