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La course à CDN-NDG teste
l’humeur montréalaise

L’avenir politique de Montréal dépendra-t-il du réveil ou de l’apathie ?

Par Irwin Rapoport

30 octobre 2025

Les résultats de l’arrondissement Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce pourraient faire pencher la balance quant à la désignation du prochain maire de Montréal, à savoir Ferrada ou Rabouin, ainsi qu’à la composition du conseil municipal et à la gouvernance de l’arrondissement.

Si les récents sondages sont exacts, Soraya Martinez Ferrada, d’Ensemble Montréal, devrait être élue nouvelle mairesse de la Ville de Montréal, mettant fin à huit années de règne de Projet Montréal sous la direction de la mairesse sortante Valérie Plante et de sa majorité au conseil municipal, qui a permis à son parti de mettre en œuvre son programme progressiste défini par l’imposition de pistes cyclables sans processus de consultation publique, pour un coût de 500 millions de dollars.

Que l’on soutienne ou non cette initiative, Projet Montréal est devenu synonyme de pistes cyclables, ainsi que d’augmentations annuelles des taxes foncières et d’agglomération, d’irresponsabilité fiscale et de budgets municipaux records (6,9 milliards de dollars pour 2025), du projet de fermer la voie Camillien-Houde aux automobilistes malgré une opposition massive, et d’une politique délibérée de passage en force face à l’opposition locale dans plusieurs arrondissements afin de mettre en place des projets de transformation controversés, incluant des refuges pour sans-abri et des sites d’injection supervisée.

Si les récents sondages sont exacts, Soraya Martinez Ferrada, d’Ensemble Montréal, devrait être élue nouvelle mairesse de la Ville de Montréal.

Cependant, le chef de Projet Montréal et candidat à la mairie, Luc Rabouin, tente de se distinguer de Valérie Plante, de son programme législatif et de son héritage politique. Cette élection est perçue comme un appel au changement à l’Hôtel de Ville et constitue essentiellement un référendum sur Projet Montréal. Bien que j’accorde à Soraya Martinez Ferrada une chance minimale de 10 % de gagner, l’élection municipale du 2 novembre pourrait, une fois de plus, connaître un faible taux de participation, peut-être même inférieur aux 38,32 % enregistrés en 2021, ce qui représentait déjà une baisse de 4,15 % par rapport à 2017.

Élections Montréal a indiqué que seulement 9,3 % des électeurs admissibles ont voté dimanche dernier. La réduction du service de transport en commun le jour du scrutin pourrait encore réduire la participation. Projet Montréal dispose d’une base électorale dévouée et loyale à travers la ville, qu’il serait imprudent de négliger, et sa machine électorale est très efficace ; on ne peut donc écarter la possibilité d’une lutte serrée.

Chaque vote comptera, c’est pourquoi les équipes de campagne de Projet Montréal et d’Ensemble Montréal se préparent à un dimanche particulièrement intense. Trois partis mineurs sont également en lice : Transition Montréal, dirigé par l’ex-conseiller de Projet Montréal Craig Sauvé ; Futur Montréal, dirigé par Jean-François Kacou, un parti formé par des partisans du Mouvement Montréal de Balarama Holness ; et Action Montréal, dirigé par Gilbert ThibodeauLes sondages donnent à Transition Montréal un soutien maximal de 5 %, contre un soutien encore plus faible pour Futur Montréal. En 2021, le chef d’Action Montréal n’avait obtenu que 1,03 % des voix.

L’arrondissement de CDN–NDG est l’un des quatre arrondissements clés où l’un ou l’autre des deux principaux partis peut espérer obtenir le contrôle du conseil municipal et du siège de la mairie de Montréal. En 2021, Gracia Kasoki Katahwa, de Projet Montréal, l’avait emporté de justesse par 161 voix (37,56 %) sur Lionel Perez, d’Ensemble Montréal, pour devenir mairesse de district. Sonny Moroz, d’Ensemble Montréal, avait remporté le district de Snowdon avec 48,84 %, tandis que Stéphanie Valenzuela s’était imposée dans le district de Darlington avec 58,56 %. De son côté, Peter McQueen, de Projet Montréal, avait été réélu dans le district de NDG avec 58,16 %, et Magda Popeanu, aujourd’hui retraitée de la vie politique, avait remporté le district de CDN avec 55,29 %. La course dans le district de Loyola avait également été serrée, Despina Sourias, de Projet Montréal, y ayant battu Gabriel Retta, d’Ensemble Montréal, par 101 voix (30,23 %).

‘L’arrondissement de CDN–NDG est l’un des quatre arrondissements clés où l’un ou l’autre des deux principaux partis peut espérer obtenir le contrôle du conseil et du siège de la mairie de Montréal.’

Avant de présenter mes prédictions, il convient de prendre en compte les facteurs suivants :

  • Selon des amis qui ont fait du porte-à-porte dans tout NDG (les districts de Loyola et de NDG), environ la moitié de l’électorat ignorait qu’une élection était en cours. En revanche, l’autre moitié connaît les politiques d’Ensemble Montréal et de Projet Montréal et prévoit de voter.
  • Lors des élections de 2017 et 2021, une forte apathie électorale s’est manifestée, particulièrement chez les propriétaires de maisons unifamiliales et de condos, les résidents de duplex et les locataires d’immeubles à logements multiples. Cette indifférence est attribuée à la croyance selon laquelle le vote ne change rien et à une méfiance à l’égard des partis et de leurs politiques.
  • Le soutien à Projet Montréal, surtout à NDG, est solide mais plutôt discret, même si le parti compte quelques partisans très vocaux. Ces électeurs fondent leurs convictions sur des valeurs libérales et communautaires sincères. D’ailleurs, Projet Montréal a commencé à mobiliser ces électeurs il y a plusieurs mois.
  • Le soutien à Ensemble Montréal provient principalement de propriétaires et de professionnels de la classe moyenne, de retraités à revenu fixe, d’entrepreneurs et de personnes alliant des valeurs libérales et conservatrices. La base d’Ensemble Montréal n’est pas idéologique ; elle est plutôt motivée par des préoccupations liées au coût de la vie et à d’autres facteurs. Mobiliser cet électorat exige davantage de persuasion.
  • L’arrondissement de CDN–NDG regroupe d’importantes communautés anglophones et francophones, ainsi que des populations multiculturelles, notamment philippines, sud-asiatiques, persanes et d’autres groupes de minorités visibles. Il abrite également une importante communauté juive dans les districts de Snowdon et de Darlington, ainsi qu’une communauté musulmane en pleine croissance.

Projet Montréal devrait conserver le district de NDG, où Peter McQueen brigue un cinquième mandat, après avoir obtenu 5 022 voix en 2021, dépassant largement les 1 601 voix du candidat d’Ensemble Montréal. Malgré l’opposition à la piste cyclable imposée sur la rue Terrebonne et les hausses impopulaires des taxes foncières, qui pourraient lui faire perdre environ 1 000 voix, il pourrait tout de même remporter la victoire avec une avance confortable. Bien que McQueen soit parti favori, Peter Shatilla, d’Ensemble Montréal, mène une campagne dynamique sur le terrain, allant de porte en porte pour rallier les électeurs. McQueen bénéficie d’un fort appui dans le secteur Saint‑Raymond et parmi les résidents des rues situées au sud de la rue Sherbrooke, alors que Shatilla espère mobiliser davantage dans le secteur du Village‑Vendôme et sur les rues au nord de Sherbrooke, entre Décarie et la limite de Westmount.

‘Malgré les nombreux éléments qui jouent en faveur d’Ensemble Montréal, je suis convaincu que la course sera serrée.’

Projet Montréal détient le district de CDN depuis 2013 grâce à la populaire Magda PopeanuSon parti présente cette année Émilie Brière, professeure de littérature française à l’Université de Montréal, qui, selon mes sources, se concentre sur les résidents francophones et les étudiants du quartier. Yvonne Nguyen, avocate en droit de l’immigration et vice‑présidente aux affaires externes de la Communauté vietnamienne du Canada, se présente sous la bannière d’Ensemble Montréal. Projet Montréal devrait vraisemblablement conserver ce siège, mais avec une majorité réduite.

La vive opposition à la piste cyclable de la rue Terrebonne, les hausses de taxes, les dommages causés par les inondations touchant plusieurs centaines de maisons en raison d’infrastructures souterraines inadéquates, ainsi que la dégradation des services, comme le déneigement des rues et des trottoirs, devraient permettre à Ensemble Montréal de remporter le district de Loyola. Celui-ci borde les municipalités de Montréal‑Ouest et de Côte‑Saint‑Luc et compte une importante communauté anglophone et multiculturelle, de nombreux propriétaires de maisons unifamiliales, des occupants de duplex et de condos, ainsi que plusieurs grands immeubles locatifs situés sur Fielding, Somerled et Sherbrooke.

Malgré les nombreux éléments qui jouent en faveur d’Ensemble Montréal, je suis convaincu que la course sera serrée. Despina Sourias mène une campagne soutenue pour obtenir un nouveau mandat, mais elle fait face à des réactions négatives lors de son porte-à-porte. Son vote en faveur de la piste cyclable de la rue Terrebonne – sujet explosif pour les électeurs des districts de Loyola et de NDG – profite à sa rivale d’Ensemble Montréal et alimente le mécontentement général envers Projet Montréal.

Sourias avait remporté l’élection de 2021 avec 2 205 voix, tandis que Gabriel Rhetta arrivait deuxième avec 2 104 voix. Ce scrutin avait été très disputé : Annalisa Harris, candidate du parti Courage fondé par l’ex‑mairesse d’arrondissement Sue Montgomery, avait obtenu 700 voix (9 %); Mouvement Montréal, 1 123 voix (15,4 %); Team CDN‑NDG, 370 voix (5,08 %); Joe Ortona, président de la CSEM et candidat indépendant, 708 voix (9,71 %); et Action Montréal, 84 voix (1,15 %).

‘Une hausse de 10 à 12% de la participation électorale garantirait une victoire d’Ensemble Montréal.’

Sourias est confrontée à Alexandre Teodorescu, candidat d’Ensemble Montréal, qui fait campagne de porte-à-porte, met de l’avant des propositions pour les districts de Loyola et de NDG, et est actif sur les réseaux sociaux. Je doute que Transition Montréal parvienne à diviser le vote de Projet Montréal dans ces deux districts, et Futur Montréal ne dispose pas de la même notoriété que celle acquise par le parti de Holness. Les partisans d’Ortona voteront probablement pour Ensemble Montréal, tandis que ceux du parti Courage devraient se rallier à Projet Montréal. Malgré la colère viscérale dirigée contre Projet Montréal, le parti Ensemble Montréal devra redoubler d’efforts pour faire sortir ses électeurs s’il veut remporter la victoire avec une avance d’au moins 10 %.

Pour la mairie d’arrondissement, je prévois une victoire de Valenzuela avec une avance de 12 à 15%. En 2021, Gracia Kasoki Katahwa, de Projet Montréal, avait remporté la victoire avec 11 964 voix. En deuxième place figurait Lionel Perez, d’Ensemble Montréal, avec 11 803 voix. Sue Montgomery avait obtenu 3 115 voix, qui devraient, cette fois, se reporter à Projet Montréal. Mouvement Montréal avait recueilli 3 569 voix, dont la majorité devrait aller à Ensemble Montréal plutôt qu’à Futur MontréalLe parti Action n’avait récolté que 263 voix, un nombre susceptible de diminuer. Alex Montagano, ancien chef du parti aujourd’hui dissous CDN‑NDG, avait obtenu 1 135 voix ; ses partisans devraient, logiquement, se ranger derrière Ensemble Montréal. Si le taux de participation global demeure inchangé ou diminue légèrement, chaque vote comptera. Une hausse de la participation électorale de 10 à 12 % garantirait la victoire d’Ensemble Montréal.

Valenzuela, qui a représenté le district de Darlington de 2021 à 2025, mène une campagne solide. Calme et assurée, Valenzuela se montre passionnée, bien informée, à l’écoute et pleine d’empathie ; elle défend avec détermination ses positions et ses priorités, notamment les effets des hausses excessives de loyers sur les locataires de l’arrondissement. Elle et Katahwa se sont affrontées à plusieurs reprises lors de débats au conseil d’arrondissement, Valenzuela défendant habilement ses points de vue et ceux de ses électeurs. Les relations entre Katahwa et les deux conseillers d’Ensemble Montréal demeurent tendues et polarisées, Moroz n’hésitant pas à contester fréquemment la mairesse et Sourias sur des questions de procédure et de politique lors des séances du conseil. Assistant régulièrement aux réunions du conseil d’arrondissement depuis l’automne 2023, j’ai pu observer de près la rancune et l’hostilité qui règnent au sein du conseil.

‘Les résultats de l’arrondissement pourraient faire pencher la balance quant à la désignation du prochain maire de Montréal.’

Katahwa, qui siège au comité exécutif de la Ville, se passionne également pour les dossiers qu’elle défend, notamment celui portant sur le racisme et les questions connexes. Ancienne infirmière et militante syndicale, elle a participé à la course à la direction de Projet Montréal pour succéder à Valérie Plante, terminant deuxième derrière Rabouin. Katahwa est une membre dévouée de Projet Montréal. Pendant sa campagne à la direction, elle a défendu le bilan de Plante et prôné une taxe supplémentaire sur les propriétaires de maisons unifamiliales. Rabouin a déclaré que, s’il est élu, il la nommera présidente du comité exécutif. Son tempérament est tel que plus on remet en question l’une de ses décisions impopulaires, plus elle se montre déterminée à la voir appliquer. Cela s’est illustré lors du combat contre le projet d’arrondissement visant à remplacer un terrain de soccer naturel par un terrain en gazon synthétique contenant des substances chimiques toxiques persistantes au parc Mackenzie‑King, auquel se sont opposés des milliers de résidents de Côte‑des‑Neiges.

Un scénario similaire s’est reproduit dans la controverse entourant la piste cyclable de la rue Terrebonne, que des milliers de résidents continuent de rejeter. Le rapport d’ingénierie, jugé biaisé et erroné, a été rendu public le 30 octobre 2023. Trente jours plus tard, lors d’une séance d’information publique et non d’une consultation publique, Katahwa a indiqué à son auditoire, majoritairement opposé au projet, que seules des questions techniques pourraient être posées aux ingénieurs de l’arrondissement. Le lendemain matin, soit le 1er décembre 2023, Katahwa déclarait à CBC Radio que la piste cyclable serait adoptée par le conseil d’arrondissement avec quelques modifications mineures, ce qui fut approuvé lors de la séance du conseil de février 2024. Depuis, malgré de nombreuses plaintes des résidents de NDG, Katahwa a défendu l’installation, implantée à la fin de juin et au début de juillet 2024, tout en écartant les préoccupations et les problèmes soulevés.

Ce n’est là qu’un aperçu de la politique fracturée et des divisions qui marquent l’arrondissement de CDN–NDG et qui devraient se refléter dans le vote du 2 novembre.

Je réside dans le district de Loyola et ai voté par anticipation. J’espère une hausse globale du taux de participation dans l’arrondissement. Si Projet Montréal l’emporte, ce sera la continuité. Si Ensemble Montréal gagne, d’importantes réformes sont à prévoir. Les électeurs détermineront l’avenir et l’apathie n’est pas une option. Si vous vivez dans cet arrondissement, prenez le temps d’aller voter et encouragez vos amis et vos voisins à en faire autant.


Note : Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteure et ne reflètent pas nécessairement celles de WestmountMag.ca ni celles de ses éditeurs.


Image d’entête : Elections Québec

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Irwin RapoportIrwin Rapoport est un journaliste indépendant et un militant communautaire de Westmount, titulaire d’un baccalauréat en histoire et en science politique de l’Université Concordia. Il écrit abondamment sur la politique locale, l’éducation et les enjeux environnementaux, et promeut un discours public éclairé ainsi que la démocratie locale à travers ses écrits et son activisme.

 



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