Bon voyage, une épopée
dans l’espace temps

Le Cirque Éloize fait vibrer la gare Dalhousie au rythme du passé

Par Sophie Jama

9 juillet 2025

Bon voyage, le dernier spectacle du Cirque Éloize, mis en scène par Fernand Rainville, propose une plongée immersive dans le Montréal de la fin du XIXe siècle, époque charnière où la ville, à l’image d’un chapiteau en pleine effervescence, s’ouvre à la modernité et aux grandes découvertes. Sur les lieux mêmes où tant d’histoires ont pris racine, l’ancienne gare Dalhousie devient le théâtre d’une fresque historique ambitieuse, où le public est invité à déambuler librement, abolissant la frontière traditionnelle entre la scène et la salle.

Une magnifique fresque historique sur les lieux mêmes des événements.

Dès l’entrée, l’atmosphère est posée : pas de sièges alignés, mais un espace vivant où les spectateurs côtoient valises et souvenirs de voyageurs d’un autre temps. Ce dispositif scénique favorise une proximité rare avec les artistes, renforçant l’immersion et la complicité.

Le spectacle s’articule autour de l’histoire de Charles et Élyse, deux jeunes amoureux séparés par la distance – lui à Montréal, elle à Boston – et réunis par la magie épistolaire. Leur romance, simple mais touchante, sert de fil conducteur à une succession de tableaux évoquant les bouleversements sociaux et technologiques de l’époque : l’essor de la presse écrite, l’arrivée du télégraphe sous-marin, l’inauguration du chemin de fer du Canadian Pacific. Autant de symboles d’un monde en pleine mutation, habilement intégrés au récit.

‘La magie du Cirque Éloize vous convie à un saut périlleux dans le temps, là où Montréal, à l’aube du XXe siècle.’

Sur le plan artistique, la mise en scène se distingue par sa fluidité et son inventivité. Les numéros acrobatiques – roue Cyr, cerceau aérien, trapèze, contorsions – s’enchaînent avec virtuosité, portés par des artistes d’un talent indéniable. Les projections vidéo monumentales, les costumes d’époque soignés et la bande sonore mêlant chansons, discours historiques et musiques originales, créent un environnement visuel et sonore particulièrement riche.

L’univers circassien est ici magnifié : mas chinois, jongleries, diabolos, artifices et effets spéciaux (neige, feux d’artifice, ciels étoilés) s’entrelacent pour composer un tableau féérique, où la prouesse technique ne l’emporte jamais sur l’émotion. Les clowns apportent des respirations comiques bienvenues, tandis que le public, régulièrement sollicité, participe avec enthousiasme à ce voyage sensoriel et temporel.

‘Sur le plan artistique, la mise en scène se distingue par sa fluidité et son inventivité.’

Au final, le spectacle du Cirque Éloize se révèle comme une ode à la mémoire collective, à la poésie du quotidien et à la magie du cirque. Poétique, romantique, parfois drôle, il séduit par sa générosité et sa capacité à faire revivre, le temps d’une soirée, l’âme vibrante du Montréal d’autrefois. Une réussite qui confirme, une fois de plus, la place singulière du Cirque Éloize dans le paysage des arts vivants.

Bon Voyage, par le Cirque Éloize

Mis en scène par Fernand Rainville
Avec Ilse Baryschnikov, Alexis Bernatchez, Yan Imbault, Rose Munger, Kaity Mussio
Jusqu’au 27 juillet à la gare Dalhousie à Montréal

Image : Benoit Leroux

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Sophie Jama est titulaire d’un doctorat en anthropologie et d’une maîtrise en littérature comparée. Elle a publié plusieurs ouvrages au Québec et en France. Depuis une quinzaine d’années, elle couvre la scène culturelle montréalaise en matière de théâtre, de danse, de cirque et autres arts vivants.