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Charles III fait sensation
lors de la visite royale

Le Parti Québécois demande que le Québec coupe les liens avec la monarchie

Par Irwin Rapoport

29 mai 2025

La visite éclair du roi Charles III au Canada les 27 et 28 mai, marquée par la lecture du discours du trône pour ouvrir la nouvelle session du Parlement, a été selon moi un succès à plusieurs niveaux.

Le roi du Canada, qui est aussi chef d’État du Royaume-Uni, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande et d’autres pays du Commonwealth, a envoyé un message clair au président américain Donald Trump et à ses alliés : notre pays n’est pas à vendre, on ne se laissera pas intimider, et on peut compter sur d’autres solides amis et alliés pour nous empêcher de devenir le 51e État.

La présence du monarque a, dans l’ensemble, rassemblé les Canadiens, qui ont apprécié que Charles — qui se remet d’un cancer — ait renforcé la volonté nationale de résister aux attaques incessantes de Trump contre notre souveraineté. Malheureusement, le nationalisme québécois est venu jeter une ombre au tableau tout de suite après la visite, mais on y reviendra plus tard.

La présence du monarque a rassemblé les Canadiens qui ont apprécié que Charles ait renforcé la volonté nationale de résister aux attaques incessantes de Trump contre notre souveraineté.

Trump a toujours eu un faible pour la famille royale, et le premier ministre Mark Carney le sait très bien. Le Premier Ministre britannique, Sir Keith Starmer, connaissait bien son homme quand il a invité le président américain pour une visite d’État au Royaume-Uni, avec tout le décorum et une rencontre avec le roi, laissant même miroiter la possibilité que l’Amérique puisse joindre le Commonwealth. Trump rêve de ça encore plus que du 747 à 400 millions « offert » aux États-Unis pour remplacer Air Force One.

Cinq heures à peine après le départ de Charles, Trump a de nouveau supplié le Canada de devenir un partenaire junior dans son projet non testé — et probablement irréaliste — de bouclier antimissile Golden Dome, dont la réalisation est estimée a 175 milliards de dollars.

Dans une publication sur Truth Social mercredi après-midi, Trump a écrit : « J’ai dit au Canada, qui veut vraiment faire partie de notre fabuleux système Golden Dome, que ça coûtera 61 milliards de dollars s’il reste une nation à part, mais pas sur un pied d’égalité avec nous, mais que ça coûtera zéro dollard s’il devient notre précieux 51e État. Ils y pensent ! »

Celui qui a lancé « la guerre commerciale la plus stupide », selon le Wall Street Journal, n’a pas pu s’empêcher de répondre à l’affirmation du roi sur un Canada fort et indépendant, mais sa réplique faible et usée n’a eu aucun effet.

Le député de Winnipeg Doug Eyolfson a résumé la pensée de bien des Canadiens en disant : « Un pot-de-vin, c’est un pot-de-vin. Ce n’est tout simplement pas acceptable. On ne va pas acheter les Canadiens pour qu’ils deviennent un 51e État. On est Canadiens. Ici, c’est le Canada, on est un pays souverain et devenir une partie des États-Unis, ce n’est pas une option. »

Au Québec, le jour même du discours du Trône, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité une résolution du chef du Parti Québécois, Paul St-Pierre Plamondon, demandant au Québec de couper tous les liens avec la monarchie.

La motion insistait sur le fait que le Québec est le seul gardien de l’expression démocratique du peuple québécois, que la majorité des Québécois n’a aucun attachement à la monarchie, et que « l’Assemblée nationale s’entend pour abolir le lien entre l’État québécois et la monarchie britannique ».

‘Au Québec, le jour même du discours du Trône, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité une résolution du chef du Parti Québécois, demandant au Québec de couper tous les liens avec la monarchie.’

La résolution a fait vibrer la base péquiste et nationaliste, et la CAQ comme Québec solidaire, voulant montrer qu’ils sont eux aussi de vrais nationalistes et souverainistes, ont appuyé la motion sans hésiter. En fait, il n’y a eu aucun débat.

Les députés du Parti libéral du Québec faisaient partie des 106 élus qui ont voté pour la résolution, même ceux qui représentent des circonscriptions majoritairement anglophones ou multiculturelles. Ce n’est pas la première fois que les libéraux appuient des motions du PQ à saveur nationaliste.

Les libéraux peinent encore à regagner la confiance et l’appui de la majorité francophone, un défi avec lequel ils se débattent tous les jours. Un sondage a d’ailleurs révélé que seulement 4 % des électeurs francophones appuyaient le parti, ce qui explique pourquoi la plupart des députés libéraux représentent des circonscriptions du Grand Montréal.

Le chef intérimaire du Parti libéral, Marc Tanguay, qui s’est déjà prononcé contre la monarchie, a justifié que le parti suive le courrant d’opinion à l’assemblée, en disant que la motion n’a aucune portée réelle et qu’il faudrait de toute façon un amendement constitutionnel pour couper les liens avec la Couronne.

« Quand je me lève le matin, je ne pense pas au roi Charles III », a dit Tanguay. « Mon allégeance va au peuple du Québec. »

Clairement, Tanguay fait partie de ceux qui pensent que les paroles ne compte pas. On peut se demander jusqu’où il est prêt à aller pour suivre la tendance. Appuierait-t-il, par exemple, l’abolition de l’habeas corpus sous prétexte de « protéger la nation québécoise » ?

La stratégie des libéraux d’être « nationalistes à moitié » n’a jamais vraiment fonctionné, et le parti s’est souvent fait reprocher de suivre la foule au lieu de défendre ses principes et de proposer un message clair, sans s’excuser d’être fédéraliste et en mettant de l’avant des politiques et des valeurs de gros bon sens. Presque à chaque occasion, les libéraux ont échoué ce test.

Le parti approche de la fin de sa course à la chefferie. Avec des élections provinciales prévues en 2026, on verra jusqu’à quel point les libéraux réussiront à se trouver une nouvelle niche et à se forger un message pour espérer former un gouvernement minoritaire ou majoritaire.

Les sondages continuent de montrer que le Parti Québécois remporterait une élection générale, mais ça pourrait changer rapidement s’il maintient sa promesse de tenir un référendum sur la souveraineté dès un premier mandat. La campagne de tarifs menée par Trump contre le Canada a renforcé l’appui à la nation chez les francophones du Québec. Reste à voir si cette tendance aura un impact lors des élections provinciales prévues pour l’an prochain.

‘La visite du roi aura donné une autre occasion malgré tout aux opposants à la monarchie de promouvoir l’idée d’une république canadienne.’

Notre système de gouvernement est une monarchie constitutionnelle. C’est un modèle qu’on partage avec le Royaume-Uni, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et d’autres pays du Commonwealth, ainsi qu’avec plusieurs pays d’Europe où les monarchies absolues se sont transformées en formes actuelles.

La monarchie constitutionnelle a fait ses preuves. La France en est un bon exemple. Depuis la Révolution française de 1789, le pays a connu plusieurs restaurations monarchiques, deux empereurs – Napoléon Ier et Napoléon III – et en est maintenant à sa cinquième république.

L’Allemagne aurait pu établir une monarchie constitutionnelle en 1871. Le président Ulysses S. Grant, dans une lettre au Kaiser, l’a d’ailleurs encouragé à mettre en place une vraie démocratie où le pouvoir serait partagé entre le législatif, l’exécutif (le chancelier) et le judiciaire. Otto von Bismarck n’a pas vu les choses du même œil et a rédigé une constitution qui avait l’air démocratique, mais qui donnait en réalité tout le pouvoir au monarque, via un chancelier tout-puissant (lui-même et son successeur choisi). Le Kaiser Guillaume II a mal exercé ce pouvoir, écartant Bismarck et perdant son trône en 1918. L’Allemagne a par la suite réformé son système démocratique, défaillant et récupéré par les nazis en 1933, pour arriver au modèle qu’on connaît aujourd’hui.

Le système politique du Japon s’inspirait du modèle allemand, mais il a été remplacé en 1945 après la défaite du pays pendant la Seconde Guerre mondiale. Le général Douglas MacArthur, qui a dirigé l’occupation du Japon de 1945 à 1952, a transformé le gouvernement en monarchie constitutionnelle.

Dans notre système, le monarque constitutionnel a des pouvoirs très limités. Le roi ou la reine permet au premier ministre et au parti au pouvoir d’exercer le pouvoir en son nom pendant cinq ans. Ensuite, le premier ministre remet temporairement cette autorité au monarque lors de la tenue d’une élection. Ce pouvoir est ensuite rendu au nouveau premier ministre et au parti gagnant. Le premier ministre n’est pas un dictateur : il ou elle doit respecter les coutumes, la constitution et la loi. Le vrai pouvoir appartient au peuple, qui élit son gouvernement.

‘La majorité des républiques dans le monde occidental ont un chef d’État dont le rôle est surtout symbolique et qui n’a pas de véritable pouvoir décisionnel.’

Au niveau des républiques démocratiques, les États-Unis font figure d’exception. Le président y cumule les rôles de premier ministre et de chef d’État, avec beaucoup d’autorité. On le voit en ce moment avec Trump, qui ne respecte carrément pas l’État de droit. Le système américain repose sur de puissants freins et contrepoids entre les branches législative, exécutive et judiciaire. Les présidents français et les chanceliers allemands ont aussi beaucoup de pouvoir en tant qu’élus, mais ils doivent composer avec un système de contrepoids efficace.

Les opposants à notre système répètent sans arrêt que la famille royale n’a aucun lien avec le Canada. C’est faux. Le Canada est un pays multiculturel, mais en même temps, beaucoup de gens ici ont des racines qui remontent aux îles britanniques ou à la France. Charles III a des origines anglaises, écossaises, galloises, irlandaises et françaises, mais aussi allemandes, danoises, autrichiennes et d’autres pays européens. Lui, ses enfants, et même sa mère, la défunte Élisabeth II, sont très liés au Canada.

La monarchie apporte de la stabilité, peu importe qui est sur le trône. Le Canada a un système judiciaire solide, une armée professionnelle et des institutions bien établies. On n’a jamais connu de coup d’État militaire ni de dictateur en devenir, et la primauté du droit est respectée. Le pouvoir appartient au peuple, qui élit ses gouvernements et ses représentants.

Le gouverneur général, nommé par le gouvernement canadien, est notre chef d’État de facto. Il représente le monarque, signe les lois et représente le pays lors de missions diplomatiques. On ne se casse pas la tête à savoir qui sera le prochain chef d’État, parce que la monarchie est une constante. Comme on dit : « Le roi est mort, vive le roi ! »

La monarchie constitutionnelle protège notre démocratie, et pour ça, bien des Canadiens lui sont reconnaissants.


Note : Les opinions exprimées dans cet article sont celles de son auteur et ne reflètent pas les opinions de WestmountMag.ca ou de ses éditeurs.

Image d’entête : Jake ParkinsonPixabay

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Irwin RapoportIrwin Rapoport, journaliste indépendant, a obtenu une maîtrise en histoire et en sciences politiques à l’Université Concordia.

 



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