Black Lights,
une lumière inversée
Un ballet de danse contemporaine pour dire la violence faite aux femmes
Par Sophie Jama
23 octobre 2025
Elles sont sept, sur scène, cernées d’imposantes souches de bois brûlé, fumantes, odorantes. Les flammes ne sont plus là, mais leur empreinte, leur mémoire noire, subsiste. À tour de rôle, chacune prend la parole. Les voix se mêlent, dissonantes parfois, douloureusement humaines. Elles racontent — ou murmurent — l’histoire singulière d’une femme. Dramatique. Ironique. Tragique. Parfois presque drôle, à force d’être intolérable. Toujours humaine.
Rien n’est épargné, et pourtant, tout est tenu dans une forme de pudeur physique, une dignité obstinée.
Le spectacle naît d’une matière déjà brûlante : la série télévisée H24, née sur Arte en 2021, comme un cri. Black Lights en prolonge la vibration. Le titre lui-même, oxymore splendide, éclaire une lumière inversée, celle qu’on jette sur l’indicible — la distance perdue entre les hommes et les femmes, entre désir et pouvoir.
Ici, Mathilde Monnier choisit la danse documentaire, ce corps de voix apte à transcrire la mémoire collective. Tout y passe : les remarques idiotes qu’on croit inoffensives, le compliment empoisonné, l’humiliation publique, la prédation, la brutalité nue, le meurtre. Violence au travail, violence domestique, violence ordinaire. Rien n’est épargné, et pourtant, tout est tenu dans une forme de pudeur physique, une dignité obstinée.
Les musiques d’Olivier Renou et de Nicolas Houssin tissent un fil presque cinématographique. Chaque récit ouvre une porte sur une danse, comme un souffle qu’on ne peut plus retenir. Les corps se déforment, se plient au sol, se relèvent. On sent le poids du déséquilibre, cette fatigue sourde qu’engendrent l’attente, le refus, la peur, le doute. Ces femmes vacillent comme des ombres sous le vent, retombent puis renaissent. Leurs corps respirent la révolte, leur souffle devient un cri muet.
‘Black Lights n’est pas une condamnation ; c’est un rappel. Une mise à nu nécessaire. Une promesse de clarté.’
Parfois, elles semblent se regarder de l’extérieur — comme si la conscience de leur propre vulnérabilité les paralysait. On lit dans leurs gestes ce moment suspendu : faut-il crier, se taire, rire malgré soi ? La réponse n’existe pas. Le corps, lui, parle à leur place. La danse s’emballe. Des hommes sifflent, des gestes volent, les limites se brouillent. La musique devient battement. Elles marchent vite. Elles tournent. Elles s’emportent. La colère pulse dans chaque muscle. Une transe s’installe et contamine tout.
Mais au-delà de cette colère, une lueur s’obstine : celle de croire encore aux échanges possibles, au respect, à la tendresse. Black Lights n’est pas une condamnation ; c’est un rappel. Une mise à nu nécessaire. Une promesse de clarté.
Distribution
Chorégraphie : Mathilde Monnier
Musique : Olivier Renou, Nicolas Houssin
Scénographie : Annie Tolleter avec l’atelier Martine André et Paul Dubois
Dramaturgie : Stéphane Bouquet
Éclairages et direction technique : Emmanuel Fornes
Interprètes
Mathilde Monnier
Aïda Ben Hassine
Carolina Passos Sousa
Jone San Martin Astigarraga
Ophélie Segala, Sophia Seiss
Elithia Rabenjamina
À l’Agora de Danse
Jusqu’au 25 octobre 2025
Image d’entête courtoisie de l’Agora de Danse
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