À La Porte De L’éternité :
dans la tête de Vincent
L’âme de l’artiste dévoilée face à l’immensité de la nature
Par Andrew Burlone
17 novembre 2018
Avec À La Porte De L’éternité (At Eternity’s Gate), Julian Schnabel nous offre un voyage dans l’univers et l’esprit de Vincent van Gogh, un artiste qui, en dépit du scepticisme, du ridicule et de la maladie, a créé certaines des œuvres d’art les plus magnifiques et aimées du monde.
Peintre lui-même, le cinéaste s’intéresse moins à un récit factuel de la vie de Van Gogh qu’à une expérience subjective, telle une toile de fond pour son brillant protagoniste profondément troublé. Les paysages qu’il nous invite à observer semblent parfois vraiment éternels, et plus d’une scène est consacrée à la simple observation de Van Gogh et à la beauté accablante qu’il regarde.
Un artiste qui, en dépit du scepticisme, du ridicule et de la maladie, a créé certaines des œuvres d’art les plus magnifiques et aimées du monde.
Le cinéaste transcende la notion éculée d’un lien inextricable entre folie et génie, si souvent exploitée dans ce genre de films. Il offre plutôt une vision novatrice de la création artistique, la dépeignant non comme une simple action, mais comme un état d’être à part entière. Dans cette perspective, l’art devient un courant ininterrompu, une force que ni le pinceau ni l’artiste ne peuvent véritablement maîtriser ou interrompre. Cette approche révèle la création comme un phénomène qui dépasse l’individu, le transformant en un canal par lequel s’exprime une énergie créatrice plus vaste et insaisissable.
Le film, gagnant du prix du meilleur acteur à la Mostra de Venise, met en vedette Willem Dafoe, Rupert Friend, Mads Mikkelsen, Mathieu Amalric, Emmanuelle Seigner, et Oscar Isaac.
Malgré la différence d’âge considérable entre Vincent Van Gogh, décédé à 37 ans, et Willem Dafoe, sexagénaire au moment du tournage, l’acteur parvient à incarner le peintre avec une intensité physique et spirituelle remarquable. Cette performance rappelle la puissance de son interprétation dans « La dernière tentation du Christ ». Le réalisateur, ami de longue date de Dafoe, balaie les critiques sur l’âge de l’acteur, soulignant que sa condition physique surpasse même celle de Van Gogh à la fin de sa vie. Ainsi, Dafoe transcende les barrières de l’âge pour offrir une interprétation saisissante et authentique du célèbre artiste.

Dafoe a cherché à s’immerger totalement dans l’univers de Van Gogh, jusqu’à devenir lui-même peintre. Il s’est imprégné des paysages d’Arles, les mêmes qui ont inspiré le maître, tout en étant suivi de près par Benoît Delhomme, directeur de la photographie. Cette démarche, à la fois physique et spirituelle, reflète une volonté de communion avec l’artiste et son environnement, capturant ainsi l’essence de sa création.
‘Le cinéaste dépeint l’acte de la création artistique comme étant moins une action et plus un état d’être, un flux continu que le pinceau est impuissant à arrêter ou même à contrôler.’
«Nous nous trouvons dans une situation où vous vous oubliez et entrez dans cet autre territoire, guidés par ce que vous savez et imaginez», a-t-il déclaré. «Le film est une expression, un enregistrement ordonné de cette expérience. Quand vous le faites avec quelqu’un comme Julian, qui a eu un lien avec Van Gogh et qui a peint toute sa vie, c’est une expérience intense. Les enjeux sont très élevés. Vous vous impliquez de manière profonde et transformatrice. »

« Tous les rôles ne sont pas comme ça, tous les films ne sont pas comme ça. Celui-ci avait ce pouvoir, c’est pourquoi ce fut un plaisir de le faire et que c’est un film puissant. ». Dafoe ressent un lien entre ses interprétations de Van Gogh et de Jésus-Christ dans La dernière tentation du Christ. « Les deux hommes tentaient de concilier l’extase qu’ils ont vécue avec leurs responsabilités mondaines », ajoutant que la vie quotidienne d’isolement de Van Gogh était difficile à concilier avec cette joie et cette extase… Van Gogh sentait qu’il avait une forte impulsion spirituelle. Il voulait trouver cette union et il l’a trouvée par la peinture. Et cela l’a réconcilié avec sa mort.
‘Dafoe voulait être aussi proche que possible du peintre, devenir un peintre lui-même. Il a communié avec la nature dans les mêmes paysages d’Arles, peints par Van Gogh’
À la porte de l’éternité est une œuvre emblématique de Vincent van Gogh, peinte en 1890 lors de son séjour à Saint-Rémy-de-Provence. L’artiste a achevé cette toile au début du mois de mai, alors qu’il se remettait d’une grave rechute de santé. Cette période de convalescence précédait de peu sa mort tragique, survenue environ deux mois plus tard. Bien que son décès soit généralement considéré comme un suicide, van Gogh lui-même a laissé des écrits qui nuancent cette interprétation. Dans l’un de ces témoignages poignants, il exprimait : « Je ne souhaite pas ma mort, mais si cela se produit, j’en prends bonne note. » Cette déclaration révèle la complexité de son état d’esprit, oscillant entre résignation et désir de vivre, et ajoute une dimension profondément humaine à la création de cette œuvre marquante.
À la porte de l’éternité
2018
Titre original : At Eternity’s Gate
Langues d’orig. : Anglais / français
Pays : Royaume-Uni, France, États-Unis
Durée 1h50m
Genre : Drame
Réalisé par Julian Schnabel
Écrit par Jean-Claude Carrière et Julian Schnabel
Compagnie : CBS Films
Images : Courtoisie de Entract films

Il n'y a aucun commentaire
Ajouter le vôtre