Début de la campagne électorale
municipale à Montréal
L’accent est mis sur les politiques des deux partis en tête et sur l’image de leurs chefs
Par Irwin Rapoport
18 septembre 2025
Les deux principaux partis municipaux de Montréal, Ensemble Montréal et Projet Montréal, disposent désormais de 46 jours pour convaincre les électeurs en vue des élections du 2 novembre pour la mairie et le conseil municipal.
Un sondage Léger publié le 8 septembre, commandé par la Fraternité des policiers de Montréal, indique que les deux formations doivent encore gagner en élan. Ensemble Montréal a lancé sa campagne dimanche dernier, comme l’a rapporté CityNews, et a annoncé mardi la candidature du journaliste Leslie Roberts dans le district Peter-McGill au centre-ville.
Selon les résultats du sondage, Soraya Martinez Ferrada d’Ensemble Montréal est en tête avec 18 % des intentions de vote. Luc Rabouin de Projet Montréal suit avec 15 %, Craig Sauvé de Transition Montréal récolte 7 %, et 10 % des voix se partagent entre Jean-François Kacou de Futur Montréal, et Gilbert Thibodeau d’Action Montréal.
Alors que 41 % des personnes interrogées se disent indécises ou préfèrent ne pas se prononcer, l’enquête révèle aussi que 61 % des électeurs souhaitent un changement d’administration. Ce contexte pourrait s’avérer délicat pour Projet Montréal, qui brigue un troisième mandat consécutif. Luc Rabouin, qui cherche à se démarquer de la mairesse sortante Valérie Plante, a été soumis à un examen plus approfondi lors d’une entrevue le 11 septembre avec Aaron Rand de CJAD.
Alors que 41 % des personnes interrogées se disent indécises ou préfèrent ne pas se prononcer, l’enquête révèle aussi que 61 % des électeurs souhaitent un changement d’administration.
Durant l’entrevue, Rabouin s’est engagé à maintenir tous les aménagements cyclables réalisés depuis 2017 sans consultation publique dans des quartiers comme Notre-Dame-de-Grâce (avenue Terrebonne), Parc-Extension (rue Querbes et autres), Ahuntsic et la Petite Italie. Il a critiqué la proposition de son adversaire, Soraya Martinez Ferrada, qui souhaite réévaluer la pertinence de ces pistes cyclables, jugeant que ce type d’examen n’est pas nécessaire pour le moment.
Il a par ailleurs confirmé que, sous son administration, le boulevard Cavendish ne serait pas prolongé jusqu’à Saint-Laurent et au site vacant de l’Hippodrome. Ce terrain, cédé par le gouvernement du Québec à la Ville de Montréal en 2015 pour la somme de 1 $, devait accueillir des logements, mais aucun n’a été construit à ce jour. Luc Rabouin prévoit que la construction des premiers 10 000 logements hors marché commencera dans les prochaines années.
Ces dernières semaines, Projet Montréal a aussi détaillé d’autres engagements, notamment l’installation de caméras devant chaque école pour sanctionner les automobilistes en excès de vitesse, la création d’un nouvel organisme municipal chargé de la congestion liée aux chantiers, et le développement du réseau d’autobus pour améliorer le transport collectif.
Lors d’une entrevue le 5 septembre avec Elias Makos sur CJAD, Luc Rabouin a présenté sa proposition visant à rendre les abonnements mensuels aux transports en commun plus accessibles pour les Montréalais à faible revenu, en particulier ceux gagnant 30 000 $ ou moins, en alignant leur tarif sur celui des étudiants. Interrogé sur l’impact de cette mesure sur le budget de la STM, Rabouin a précisé que la Ville – et non la société de transport – en assumerait le surcoût, ce qui nécessiterait une augmentation de la taxe d’agglomération dans Montréal et les municipalités voisines. « Cela n’affecte pas le budget de la STM car c’est la Ville de Montréal qui assume cette dépense », a-t-il expliqué.
Rabouin a également évoqué le budget municipal de l’année dernière, reconnaissant la hausse marquée des taxes, tout en soulignant le souci d’économies et l’utilisation maximale des fonds publics. Il a cité notamment : 33 millions consacrés à la crise du logement, et 5 millions pour des organismes communautaires qui soutiennent les personnes en situation d’itinérance. Rabouin a insisté sur les efforts continus pour revoir et rationaliser les services municipaux : « Nous avons travaillé très fort pour économiser, et nous avons lancé un vaste processus de révision de tous les services : on fait de bonnes choses, et comment peut-on mieux les faire à moindre coût ? Ce travail a commencé il y a deux ans et il se poursuit… »
‘Reconnaissant la hausse marquée des taxes, Luc Raboin a souligné le souci d’économies et d’utilisation optimale des fonds publics.’
Des rapports récents de la vérificatrice générale de Montréal font état de lacunes importantes dans l’entretien des routes et la gestion financière de la ville, citant des inefficacités, un manque de planification et des défaillances d’équipement qui ont aggravé l’état des chaussées, notamment sur les principaux axes routiers. Les responsables municipaux reconnaissent certains de ces enjeux et se sont engagés à apporter des améliorations. Dans le même temps, les partis d’opposition dénoncent la gestion financière actuelle et considèrent les mesures sur les infrastructures comme insuffisantes.
Soraya Martinez Ferrada est également active, et présente ses propositions aux médias et aux Montréalais. Un contraste net se dessine entre les candidats, Ferrada adoptant une approche collaborative et privilégiant la recherche d’un consensus public large pour toute nouvelle législation ou politique.
Présentant des objectifs mesurés, dont une réduction d’au moins 1 000 postes dans la fonction publique municipale, principalement par attrition et restructuration administrative, et sans affecter les services de première ligne. C’est un bon début. Cela devrait être renforcé par un audit judiciaire approfondi de chaque service municipal et d’arrondissement afin de contrôler les dépenses, éliminer le gaspillage, mettre fin aux programmes inefficaces et rationaliser les services et les dépenses.
Ensemble Montréal s’est engagé à plafonner les hausses de taxes au niveau de l’inflation dans son premier budget. Toutefois, certains observateurs jugent que cet engagement pourrait être insuffisant pour répondre aux inquiétudes sur le fardeau fiscal croissant à Montréal. Ils citent en exemple les politiques de réduction des coûts adoptées à d’autres niveaux de gouvernement, notamment l’ordre du Premier ministre Mark Carney demandant aux ministres de son cabinet de diminuer les dépenses de leur ministère de 15 %, comme modèle potentiel pour une gestion plus rigoureuse des finances publiques. Selon les partisans de telles mesures, leur adoption à l’hôtel de ville pourrait permettre de geler les taxes pour les Montréalais dans les années à venir.
Depuis l’arrivée au pouvoir de Projet Montréal en 2017, le budget de fonctionnement de la Ville est passé d’environ 5,2 milliards à 6,9 milliards de dollars en 2024, la majeure partie de cette augmentation étant consacrée aux infrastructures, aux services publics et au service de la dette. Les maires précédents ont eux aussi supervisé des dépenses importantes ; le mandat de Denis Coderre a notamment été marqué par des projets coûteux comme le 375e anniversaire de Montréal et la course de Formule E, ainsi que par des investissements médiatisés dans les infrastructures, dont les fameux blocs de granit au mont Royal, évalués à près de 250 000 dollars chacun.
‘Soraya Martinez Ferrada s’est engagée à réduire d’un millier le nombre de postes à la Ville de Montréal, principalement par attrition et restructuration administrative.’
Un élément clé de la victoire électorale de Valérie Plante en 2017 a été le mécontentement des électeurs envers l’administration de Denis Coderre, qui a poussé de nombreux Montréalais à soutenir Projet Montréal malgré des incertitudes sur sa plateforme. Plante a considéré ce soutien comme un appui à la vision et aux priorités de Projet Montréal.
En 2021, Denis Coderre a de nouveau mené Ensemble Montréal faute de remplacement, mais sa campagne a été marquée par les mêmes traits qui avaient auparavant rebuté l’électorat. Plante a remporté une victoire nette avec 52,14 % des voix, contre 37,97 % pour Coderre, élargissant l’écart par rapport à 2017, où elle avait obtenu 51,42 % face à 45,66 % pour Coderre. Ce second mandat a renforcé la légitimité de Plante pour mettre en œuvre les politiques de Projet Montréal.
Si le sondage Léger reflète bien le désir de changement des Montréalais, Ensemble Montréal pourrait prendre le contrôle de la mairie et du conseil municipal. En tant que prochaine maire, si elle implique directement les citoyens dans ses décisions, Soraya Martinez Ferrada pourrait instaurer un nouveau style de gouvernance à Montréal.
Si c’est Projet Montréal qui obtenait un troisième mandat, ce serait une première historique : aucun parti n’a dirigé Montréal durant trois mandats consécutifs dans l’histoire récente. La participation des électeurs sera déterminante pour l’issue à l’hôtel de ville et dans les 19 arrondissements. En 2021, le taux de participation était de 38,32 %, en baisse par rapport à 42,47 % en 2017 — ce recul souligne l’importance de l’engagement civique pour ceux qui aspirent au changement.
L’avenir est entre nos mains collectives. Il est rassurant de voir les médias montréalais prendre cette élection au sérieux et informer les citoyens sur leurs choix.
Avertissement : Les opinions exprimées dans cet article sont celles de son auteur et ne reflètent pas celles de WestmountMag.ca, de ses éditeurs ou de sa rédaction.
Image d’entête : Jean gagnon, via Wikimedia Commons
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Irwin Rapoport, journaliste indépendant, a obtenu une maîtrise en histoire et en sciences politiques à l’Université Concordia.




