Hippocampe, un dialogue
entre deux générations

Un tendre et fragile voyage entre mémoire, deuil et amour paternel

Par Sophie Jama

24 septembre 2025

Porter un bébé, voilà ce que ressent Marc-André Charron dans Hippocampe, une aventure bouleversante qu’il nous convie à vivre avec lui en ouverture de saison au Théâtre Aux Écuries. Nous sommes en 2020, alors que la pandémie bouleverse tout. Tandis que la compagne de Marc-André continue son travail, lui, artiste de théâtre, voit ses projets s’effondrer les uns après les autres. Face à cette frustration, il se retrouve seul avec leur fillette de six ans, Juliette, embarquant avec elle pour un long road trip du sud-est du Nouveau-Brunswick jusqu’aux montagnes des Laurentides.

Un voyage autant extérieur qu’intérieur, une exploration douce-amère qui remet les souvenirs à leur place.

Ce tête-à-tête n’est pas simple. Être un bon père, avaler ses propres contrariétés, répondre aux attentes légitimes de sa fille sans se fâcher, sans bouder comme quand il était enfant — autant d’épreuves pour Marc-André, dont l’enfance traverse ce voyage, avec ses souvenirs flous et amers des disputes parentales et du divorce. Avant même ce périple, des cadeaux de la grand-mère de Juliette — des poupées japonaises en bois — réveillent des deuils intérieurs qu’il n’a peut-être pas encore faits. Ce voyage se fait alors autant extérieur qu’intérieur, une exploration douce-amère qui remet les souvenirs à leur place.

Hippocampe est un récit émouvant, richement tissé, où l’humour et l’autodérision rencontrent une sensibilité profonde. La pièce, portée par Marc-André lui-même, est un quasi-monologue vibrant, rythmé par des moments où le rire côtoie la nostalgie, évoquant à la fois la pandémie, l’enfance et les rapports familiaux complexes. On y ressent la psychologie de l’auteur décliner avec pudeur et intelligence, à travers des formes théâtrales multiples, du classique au monologue, en passant par la farce et l’imaginaire.

Sur scène, quatre artistes accompagnent Marc-André dans cette performance habitée, soutenue par la musique live envoûtante de Maggie Savoie et Sylvie Boulianne. La scénographie mise sur la simplicité – un pouf rose bonbon, quelques accessoires – pour révéler la tendresse bourrue, le jeu physique et la délicatesse du texte. Un hippocampe, petit animal fragile où le mâle porte les petits, et aussi une région du cerveau, servent de symboles forts à cette œuvre qui parle de mémoire, de fragilité, du lien entre amour et deuil.

‘Hippocampe est une plongée poétique et souvent drôle dans les territoires intérieurs d’un homme qui porte le poids et la lumière de sa propre histoire’

Au bout d’une heure et demie, ce spectacle lumineux s’est imposé comme un précieux antidote aux tumultes du monde, une lettre d’amour à une fille, une réflexion sur la vie, et la place de l’artiste et du père dans un monde en changement. Hippocampe est une plongée poétique et souvent drôle dans les territoires intérieurs d’un homme qui porte le poids et la lumière de sa propre histoire, tout en accompagnant celle de sa petite Juliette.

Hippocampe
Théâtre et musique

Texte Marc-André Charron
Mise en scène Caroline Bélisle et Ludger Beaulieu
Distribution Sylvie Boulianne, Marc-André Charron, Lionel Lehouillier et Maggie Savoie
Production Satellite Théâtre

Hippocampe a été présenté du 16 au 18 septembre 2025 au théâtre aux Écuries à Montréal

Image d’entête : Matthew Lewis

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Sophie Jama est titulaire d’un doctorat en anthropologie et d’une maîtrise en littérature comparée. Elle a publié plusieurs ouvrages au Québec et en France. Depuis une quinzaine d’années, elle couvre la scène culturelle montréalaise en matière de théâtre, de danse, de cirque et autres arts vivants.