L’élection fédérale
façonnera notre avenir
Les progressistes doivent s’unir pour empêcher une vague conservatrice
Par Irwin Rapoport
30 janvier 2025
Il y a peu de temps, un ami de Westmount a lancé sur Facebook une question provocante : « Qui dépenserait 350 000 dollars pour diriger le Parti libéral canadien et prendre la relève de Justin Trudeau, pour être renversé trois jours plus tard par un vote de non confiance ? » Cette réflexion d’un partisan conservateur traduit l’impatience face à un gouvernement Trudeau jugé désorienté et source de nombreux problèmes.
Il est vrai que le Canada fait face à des défis majeurs : une dette nationale qui augmente, des déficits annuels conséquents et une pression fiscale accrue. Le mécontentement s’étend également à la politique d’immigration, à l’application de la taxe carbone et aux incohérences apparentes en matière environnementale, où le soutien aux énergies fossiles coexiste avec la négligence de la protection forestière et de la biodiversité.
Il est clair que la course se joue entre l’ancienne ministre des Finances Chrystia Freeland et Mark Carney, l’ex-gouverneur de la Banque du Canada.
Concernant la question de mon ami, il est tentant de penser que les candidats à la direction sont uniquement motivés par le désir de devenir premier ministre, malgré une possible défaite électorale. Cependant, je crois que la plupart se soucient sincèrement de l’avenir du Canada et visent à restaurer la réputation ternie du Parti libéral. Certains voient la situation comme critique, rappelant les difficultés du parti sous l’ère Harper, qui ont conduit au choix de Justin Trudeau pour diriger le parti Libéral.
À ce jour, la course s’est essentiellement resserrée autour de l’ancienne ministre des Finances Chrystia Freeland et de Mark Carney, ex-gouverneur de la Banque du Canada. Carney, avec un soutien important des députés et ministres, est considéré comme favori. Son statut d’outsider et son absence d’implication dans le cabinet Trudeau lui donnent un avantage sur Freeland, étroitement associée aux politiques de Trudeau.
La possibilité d’un bref mandat de trois jours comme premier ministre n’est pas farfelue, étant donné les appels de l’opposition pour une élection immédiate. Cependant, un facteur crucial entre en jeu : l’admissibilité des députés à leur pension. Les libéraux ont récemment adopté une loi déplaçant la date fixe des élections du 20 au 27 octobre 2025, garantissant aux députés élus en 2019 d’atteindre les six ans requis pour la qualification à la pension.
Curieusement, ce changement bénéficie principalement aux députés conservateurs, avec 32 membres, élus pour la première fois en 2019, qui se qualifieraient. Les libéraux, ayant perdu des sièges en 2019, ont moins de députés concernés par ce changement. Cette considération de pension ajoute une couche de complexité au paysage politique et au timing d’une éventuelle élection, car le changement de date proposé profiterait à 22 députés libéraux, 6 députés NPD et 20 députés du Bloc québécois, en plus des députés conservateurs.
Il est peu probable que les députés du NPD et du Bloc compromettent leur admissibilité à la pension. Le NPD fait face à des contraintes financières, limitant sa capacité à mener une campagne nationale complète, et malgré les appels de Jagmeet Singh pour une élection immédiate et ses affirmations de victoire potentielle, le parti manque de ressources nécessaires. Quant au Bloc québécois, ses députés sont également désireux d’assurer leurs pensions. Le parti a probablement suffisamment de fonds pour maintenir ses sièges au Québec, se concentrant sur la défense des intérêts de la province et la maximisation des avantages fédéraux.
‘Les sondages récents suggèrent que les Conservateurs sous Pierre Poilievre pourraient obtenir une majorité substantielle, potentiellement dévastatrice pour les Libéraux et le NPD.‘
La présence du Bloc a considérablement modifié le paysage politique canadien, détournant des sièges des partis nationaux traditionnels. Son influence a poussé les autres partis à faire de nombreuses promesses aux électeurs québécois, perçus comme ayant des penchants nationalistes. Cette dynamique a eu un effet diviseur sur la politique nationale et les affaires québécoises, potentiellement affaiblissant les Québécois fédéralistes et renforçant les stéréotypes envers les Canadiens français.
Les sondages récents suggèrent que les Conservateurs sous Pierre Poilievre pourraient obtenir une majorité substantielle, potentiellement dévastatrice pour les Libéraux et le NPD. Dans ces circonstances, il est improbable que le NPD veuille déclencher des élections. Ils continueront probablement à soutenir le gouvernement libéral pour faire avancer une législation progressiste, comme le démontre l’Accord de soutien et de confiance.
L’opposition conservatrice a adopté une approche conflictuelle, Pierre Poilievre employant une rhétorique rappelant le style de Donald Trump, utilise des surnoms désobligeants pour ses adversaires politiques. Cette tactique de s’appuyer sur des phrases accrocheuses et des formules chocs est considérée par beaucoup, y compris moi-même, comme rebutante et faisant appel à des instincts primaires. Et bien qu’il fasse de grandes promesses, monsieur Poilievre manque souvent de spécificité dans ses plans.
Des élections au mois d’octobre pourraient offrir une précieuse opportunité au nouveau chef libéral et à Pierre Poilievre de s’engager dans des débats de fond sur leurs visions et leurs plans pour l’avenir du Canada. Les Canadiens méritent une compréhension approfondie de l’agenda législatif de chaque parti, y compris les stratégies de mise en œuvre et leurs impacts potentiels.
Il y a un besoin urgent pour les médias nationaux et locaux de remplir leur rôle de scrutateurs critiques plutôt que de simplement relayer l’information. Les journalistes et commentateurs ont la responsabilité de poser des questions incisives qui suscitent des réponses significatives, allant au-delà des phrases accrocheuses superficielles. Face à des réponses évasives, ils devraient persister à exiger des explications réfléchies.
‘Des élections au mois d’octobre pourraient offrir une précieuse opportunité au nouveau chef libéral et à Pierre Poilievre de s’engager dans des débats de fond sur leurs visions et leurs plans pour l’avenir.’
Les élections fédérales précédentes ont souvent manqué de profondeur dans la couverture des enjeux fondamentaux affectant les Canadiens. De nombreux électeurs sont las des discours génériques et cherchent à mieux comprendre les motivations derrière les politiques, leurs plans de mise en œuvre et leurs conséquences potentielles.
Ce sentiment reflète un désir plus large des Canadiens de reprendre le contrôle de l’agenda politique. Il y a une frustration croissante envers un système où les partis présentent des candidats et candidates qui semblent souvent privilégier la loyauté au parti plutôt que la représentation des électeurs, les députés d’arrière-banc s’en remettant fréquemment à la direction du parti une fois élus.
En supposant que le NPD maintienne le gouvernement libéral jusqu’en octobre, trois possibilités principales se dégagent :
- Malgré les efforts des Libéraux pour se recentrer, les Conservateurs pourraient obtenir une majorité substantielle. Ce résultat réduirait probablement considérablement le caucus libéral et décimerait le NPD. La performance du Bloc Québécois resterait incertaine, avec un potentiel de maintien ou même de gains de sièges.
. - Un gouvernement conservateur minoritaire dirigé par Pierre Poilievre pourrait faire face à divers degrés d’influence de l’opposition. Si les Libéraux et le NPD détiennent collectivement plus de sièges, ils pourraient utiliser leur position pour contraindre certaines initiatives conservatrices. Alternativement, si le Bloc maintient ou élargit sa présence, il pourrait soutenir les Conservateurs en échange de concessions, notamment vu la réticence de monsieur Poilievre à intervenir dans les affaires provinciales comme les projets de loi 21 et 96.
. - Le scénario d’un autre gouvernement libéral minoritaire soutenu par le NPD dépend de l’union des partisans libéraux et néo-démocrates pour empêcher l’implantation d’un agenda perçu comme extrêmiste sous Poilievre. Une telle alliance viserait à protéger des institutions clés telles que Radio Canada, préserver des réglementations essentielles et maintenir les protections environnementales. Cette coalition pourrait se former en réponse aux inquiétudes concernant des politiques conservatrices potentiellement menant au démantèlement institutionnel, à la dérégulation, au développement incontrôlé d’énergies fossiles et à la dégradation environnementale.
La perspective que les opposants aux Conservateurs trouvent un terrain d’entente et collaborent dans les mois précédant octobre offre une lueur d’espoir. Cependant, le temps presse, et sans une coopération efficace, le Canada pourrait faire face à un changement dramatique sous un gouvernement conservateur majoritaire.
Le résultat de cette élection reflétera notre vision collective de l’avenir du pays, rendant essentiel que chaque voix soit entendue et que chaque vote soit exprimé avec une réflexion approfondie.
L’élection fédérale imminente a le potentiel d’être véritablement transformatrice, avec des conséquences à la fois immédiates et de grande portée. Cela souligne le besoin crucial d’une forte participation électorale et d’un électorat bien informé qui saisit pleinement les complexités des enjeux en jeu.
Plus qu’un simple changement de garde routinier, cette élection représente un moment décisif qui pourrait modifier le cours de la politique et des politiques canadiennes pour les années à venir. L’urgence de la situation appelle à un engagement civique accru et à un engagement collectif à faire des choix éclairés dans l’isoloir.
À l’approche de ce carrefour, il est impératif que tous les Canadiens, indépendamment de leurs tendances politiques, reconnaissent l’importance de leur participation à ce processus démocratique. Le résultat de cette élection reflétera notre vision collective de l’avenir du pays, rendant essentiel que chaque voix soit entendue et que chaque vote soit exprimé avec une réflexion approfondie.
Note : Les opinions exprimées dans cet article sont celles de son auteur et ne reflètent pas les opinions de WestmountMag.ca ou de ses éditeurs.
Image d’entête : William John Gauthier – StockPholio.netAutre articles par Irwin Rapoport
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Irwin Rapoport, journaliste indépendant, a obtenu une maîtrise en histoire et en sciences politiques à l’Université Concordia.
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