Lieux de Westmount :
L’avenue Chesterfield
L’histoire derrière le familier : Anecdotes et intrigues de l’avenue Chesterfield
Par Michael Walsh
Précédemment publié dans WestmountMag.ca
Tout ce qui vaut la peine d’être fait mérite et exige d’être bien fait… Ne remettez pas à demain ce que vous pouvez faire aujourd’hui.
– Lord Chesterfield, Lettres à son fils sur l’art de devenir un homme du monde et un gentleman, 1752
Vous souvenez-vous de la première fois où vous avez entendu ces maximes ? Moi, oui, ayant grandi dans une famille sous l’influence d’un père marqué par l’esprit et les valeurs de l’époque coloniale britannique, elles étaient inculquées aux enfants pour forger ce qu’on appelait le « caractère ».

Philip Stanhope, comte de Chesterfield – Image : Jacques-Antoine Dassier (CC0 1.0)
Ce n’est que récemment que j’ai découvert que ces dictons, et bien d’autres, sont l’œuvre de Philip Stanhope, comte de Chesterfield, dont le nom est honoré dans Westmount par l’avenue Chesterfield.
Pour beaucoup de résidents et de visiteurs, la rue ne se révèle qu’aux rares occasions où le stationnement de l’épicerie du quartier affiche complet, et où l’on préfère éviter de s’acquitter des frais du terrain municipal voisin.
Cette observation étant faite, laissons nos véhicules à la maison et promenons-nous tranquillement le long de l’avenue Chesterfield à Westmount, en découvrant les nombreuses anecdotes que les immeubles ont à nous raconter.
Comme nous l’avons mentionné, la rue a été nommée en l’honneur de Philip Dormer Stanhope, 4e comte de Chesterfield (1694-1773), homme d’État et diplomate britannique. Son héritage se perpétue, à ce jour, dans deux livres : Lettres à son fils sur l’art de devenir un homme du monde et un gentleman (1774) et Lettres à son filleul. En résumé, il s’agit de lettres d’instruction qui couvrent de nombreux sujets, tels que la géographie, l’histoire et la littérature classique, ainsi que l’interprétation de la morale et des mœurs de la société.

Thorn Books, Tucson Arizona
Un autre acte peu connu de Philip Stanhope est le passage de la Grande-Bretagne du calendrier julien (utilisé dans tout l’empire romain et par diverses églises chrétiennes) au calendrier grégorien (connu sous le nom de calendrier occidental ou chrétien) en 1752 – une décision dont il est largement responsable.
Enfin, son héritage se perpétue également dans le terme « chesterfield » (terme essentiellement britannique) qui décrit un canapé en cuir à boutons profonds, un meuble qu’il a d’abord fait fabriquer sur commande.
L’origine de la rue peut être retracée à travers les procédures du conseil municipal, où elle apparaît pour la première fois en 1893, allant de l’avenue Victoria à l’avenue Prince Albert. Deux ans plus tard, la ville a macadamisé la rue et posé des conduites d’eau et des égouts.

32-36, avenue Chesterfield
En 1897, plusieurs citoyens ont présenté une pétition à la ville demandant que la rue soit prolongée jusqu’à l’avenue Victoria :
« Soumis et lu la pétition de Narcisse Nolin et de sept autres personnes demandant au Conseil d’engager une procédure d’expropriation des terrains nécessaires au prolongement de l’avenue Chesterfield jusqu’à l’avenue Victoria. Ladite pétition ayant été examinée, il a été décidé que la demande pouvait être prise en compte et elle a été déposée officiellement. »
– 2 novembre 1897
Le Conseil a approuvé la demande ; toutefois, une partie des coûts sera assumée par les propriétaires de façade :
« …que l’avenue Chesterfield soit prolongée de son terminus actuel jusqu’à l’avenue Victoria et que le coût de l’expropriation soit payé dans la proportion de soixante pour cent par la ville et le reste par les propriétaires de façade et qu’un règlement soit préparé à cet effet. »

42, avenue Chesterfield
Le terrain nécessaire a été acheté en 1898, et des parcelles supplémentaires ont été cédées en 1905 :
« Que l’offre de M. Hamelin pour le terrain nécessaire à l’extension de l’avenue Chesterfield soit acceptée pour la somme de 2500 $… que le maire et le secrétaire-trésorier soient par la présente autorisés à signer les actes nécessaires. »
– 29 avril 1898
« Une lettre datée du 5 juin 1905, provenant de la succession de John McDougall, a été lue, confirmant un accord conclu par les héritiers pour céder à la ville les terrains nécessaires à l’extension des avenues Windsor et Chesterfield à travers la propriété de la succession sur une largeur de 55 pieds… les terrains nécessaires à la prolongation vers l’ouest des avenues Windsor et Chesterfield… sous réserve de l’exclusion à l’usage public d’une bande de terrain de 2 pieds de large à l’extrémité ouest de chacune de ces rues. »
– 5 juin 1905

48, avenue Chesterfield
Dès 1910, le prolongement de l’avenue Chesterfield est doté d’une conduite d’eau et de trottoirs en ciment.
À ce stade, le récit de la genèse de la rue n’est guère captivant. Cependant, chaque rue a une histoire sous-jacente, et Chesterfield ne fait pas exception à cette règle.
L’avenue Chesterfield a acquis une certaine notoriété en mai 1903. La Gazette de Montréal titrait : « Prisonnier d’un jour – M. D. C. Brousseau a été privé de vêtements et enfermé, et sa vie menacée. »
L’histoire continue ainsi :
« M. Brosseau a dit qu’il avait fait la connaissance d’une femme venue à son bureau pour examiner un coffre-fort qu’il avait mis en vente. Elle lui a suggéré qu’elle pourrait vendre le coffre-fort pour lui s’il lui versait une commission. M. Brosseau a accepté sa proposition, puis a accepté une invitation de cette femme à venir la rencontrer à sa résidence de Westmount… Il lui a d’abord rendu visite au 5 Thornhill et là, il a pris rendez-vous avec elle pour aller au 21 Chesterfield Avenue… quand la femme a dit qu’ils y rencontreraient une personne qui voulait acheter le coffre-fort. »

50, avenue Chesterfield
« Lorsqu’ils arrivèrent à la maison de l’avenue Chesterfield, la porte d’une armoire située dans la pièce s’ouvrit et un homme de haute stature, armé d’un revolver et d’un couteau, leur fit face.
« Maintenant, je te tiens », cria-t-il. « Je t’apprendrai à agir de la sorte avec ma femme — j’aurai ta peau. » Il a finalement consenti à épargner la vie de M. Brosseau à condition que celui-ci lui verse 50 000 dollars et signe une confession reconnaissant qu’il avait eu des relations inappropriées avec la femme. »
« M. Brosseau est resté enfermé dans la maison jusqu’au mardi matin, son ravisseur ayant mis tous ses vêtements sous clé. Laissé seul dans la maison, il est parvenu à récupérer la plupart de ses vêtements, et après avoir accédé au balcon par une fenêtre, a réussi à s’échapper en sautant au sol. »
– Montreal Gazette, 1er mai 1903

56, avenue Chesterfield
Il est intéressant de noter que quarante-cinq ans plus tard, le 21, avenue Chesterfield est à nouveau apparu dans les journaux lorsqu’un incendie est survenu :
« Quatre familles ont été contraintes d’évacuer leur logement à Westmount la nuit dernière lorsqu’un incendie d’origine inconnue s’est déclaré dans le plafond entre le troisième et le quatrième étage d’un immeuble de quatre étages au 21 de l’avenue Chesterfield. Personne n’a subit de blessures, mais les dégâts seraient assez importants dans les deux étages supérieurs de l’immeuble. »
– Montreal Gazette, 11 octobre 1948

63-65, avenue Chesterfield
Maintenant que ces anecdotes sont derrière nous, allons nous promener tranquillement le long de l’avenue Chesterfield et faisons connaissance avec quelques-uns des premiers habitants de la rue.

Facture de James Coristine & Co. 9 septembre 1926 • Image : Domaine public
25, avenue Chesterfield
David Cowan, directeur, James Coristine & Company (1901)
James Coristine & Co. Limited, fabricants et importateurs de fourrures, chapeaux et casquettes, fournisseur de bûcherons.
27, avenue Chesterfield
James R. Greig, directeur, Greig Manufacturing Company (1901)
« Nous confectionnons toute la gamme de réglisse offerte en épicerie, en pharmacie et chez les confiseurs. Nous pouvons mentionner les bâtonnets de réglisse Y & S, toutes tailles ; les pastilles de réglisse Acme ; les pastilles de réglisse Y & S, en boîtes ou en bocaux de verre ; les bâtonnets d’un cent Purity & Dulce Brand ; les racines de réglisse en paquets, etc. Réglisse souple, en tubes à triple tunnel, Puff-Straps et Navy Plugs. Écrivez-nous pour obtenir un catalogue illustré. Young & Sylle, fondée en 1845 à Brooklyn, N.Y. De la réglisse inégalée pour sa pureté et son élasticité. »
– Canadian grocer, juillet à décembre 1898

Image : Chronologie de Montréal et du Canada de 1752 à 1893, 1893
39, avenue Chesterfield
Antoine Blancheri, tailleur pour dames (1901)
42, avenue Chesterfield
John A. Tees, John A. Tees & Company (1901)
48, avenue Chesterfield
Thomas Brady, Compagnie Wells & Richardson (1901)

Publicité pour un composé à base de céleri • Image : peachridgeglass.com
« Fondée en 1872, la firme pharmaceutique produisait des médicaments, des préparations pour nourrissons, des colorants pour tissus et d’autres produits ménagers. En 1894, Wells, Richardson avait un chiffre d’affaires annuel de 2 millions de dollars (environ 51 millions en dollars d’aujourd’hui), employait plus de 200 personnes dans son usine et ses bureaux de Burlington, et possédait des succursales à Londres, Montréal et Sydney, en Australie. »
– Bibliothèque du Collège Champlain
50, avenue Chesterfield
William F. Graham, R. Graham & Company (1901)
54, avenue Chesterfield
David M. Johnson, Johnson & Copping (1901)
La galerie Johnson & Copping était située sur la rue Sainte-Catherine Ouest.
56, avenue Chesterfield
Frank Percy Jones, Dominion Iron & Steel Company (1901)
57, avenue Chesterfield
(Transformé en habitation bifamiliale en 1945)
A. Milne, voyageur de commerce (1901)

Publicité de Dominion Iron & Steel
59, avenue Chesterfield
John B. Delorimier, contractor (1901)
61, avenue Chesterfield
John B. Delorimier, entrepreneur (1901)
Eben Dowie, ingénieur en construction (1901)
Eben Dowie et James Oxley ont été les premiers à breveter l’utilisation de la poudre de piment, en 1899, comme ingrédient d’extermination. Cette substance est encore utilisée aujourd’hui.
« À savoir que nous, Eben Dowie, ingénieur-conseil, et James Macdonald Oxley, directeur des assurances, de la ville de Montréal, dans le comté d’Hochelaga, dans la province de Québec, Canada, avons inventé une matière nouvelle et facile à utiliser pour expulser les rats et autres vermines, dont voici les spécifications : notre produit se compose des ingrédients suivants, combinés dans les proportions indiquées, à savoir : piment (20 %), hellébore (5 %), sulfate de chaux (8 %), phosphate de chaux (8 %), carbonate de chaux (54 %), oxyde de fer (5 %). Ce mélange est bien mélangé et procure une fine poudre. »
– USPO, 22 août 1899, numéro de publication US631738 A
63, avenue Chesterfield
William Percival, Percival Brothers (cordonniers) (1901)
65, avenue Chesterfield
James Beckham, Beckham & Scott (1901)

68-70-72 Chesterfield
70, avenue Chesterfield
George McBean, Oliver Gilmour Grain & Milling Company (1903)
72, avenue Chesterfield
A. H. Mason, Mason & Risch Piano Company (1903)

Annonce pour Mason, Risch, Newcombe • antiquepianoshop.com
« Thomas G. Mason, Vincent Risch et Octavius Newcombe ont conclu un partenariat en 1871 pour former le cabinet Mason, Risch & Newcombe, à Toronto. La société a commencé par vendre des pianos, des orgues et des articles de musique, en important d’abord ses instruments des États-Unis. »
« Mason, Risch et Newcombe commencent à construire leurs propres instruments à Toronto vers 1877, et ces instruments connaissent un grand succès. En 1878, l’entreprise est réorganisée sous le nom de Mason & Risch lorsque Newcombe quitte le partenariat pour lancer sa propre entreprise. Mason & Risch est rapidement devenu l’une des plus grandes chaînes de magasins de musique au Canada. L’entreprise a construit des pianos de haute qualité pendant des décennies et a longtemps joui d’une très bonne réputation. »
« En 1900, Mason & Risch a conclu un contrat avec Eaton’s, la plus importante chaîne de grands magasins du Canada, pour la construction de pianos sous la marque T. Eaton. Les instruments portant cette marque ont été vendus dans les grands magasins Eaton pendant des décennies, donnant à Mason & Risch les revenus nécessaires pour survivre aux ralentissements économiques du XXe siècle. La firme a également produit une ligne d’orgues à succès sous la marque Vocalian. »
« Dans les années 1950, la firme a été rachetée par l’entreprise Winter Piano Company de New York et a été intégrée à la grande Aeolian-American Corporation. La marque Mason & Risch a été discontinuée en 1972. »
– antiquepianoshop.com
Images : Andrew Burlone, sauf indication contraire
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