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Un regard critique sur
les promesses électorales

À l’approche des élections, les engagements pris illustrent des priorités variées

Par Irwin Rapoport

23 avril 2025 • Traduit de l’anglais

Alors que les Canadiens se préparent à se rendre aux urnes, les promesses formulées reflètent des priorités variées, allant du soutien économique à la durabilité environnementale, en passant par l’autonomie culturelle. En examinant les implications de ces engagements, les électeurs peuvent mieux comprendre comment la plateforme de chaque parti s’aligne sur leurs valeurs et répond aux défis nationaux. L’issue du scrutin déterminera en fin de compte quelle vision façonnera l’avenir du Canada.

L’issue de l’élection déterminera en fin de compte quelle vision façonnera l’avenir du Canada.

L’élection fédérale canadienne est prévue pour le 28 avril 2025. Les partis politiques rivalisent d’ardeur pour obtenir l’appui du public, en mettant de l’avant des promesses visant à répondre aux enjeux nationaux les plus pressants. Cet article analysera une promesse phare de chacun des principaux partis — le Parti libéral, le Parti conservateur, le Bloc québécois, le Nouveau Parti démocratique (NPD) et le Parti vert — afin d’évaluer leur impact potentiel et leur faisabilité.

Parti libéral

Suppression de la TPS sur les maisons neuves pour les acheteurs d’une première propriété

Le Parti libéral propose de supprimer la TPS sur l’achat de maisons neuves d’une valeur inférieure à un million de dollars pour les primo-accédants. Cette mesure pourrait rendre le logement plus abordable pour les jeunes acheteurs, mais certains s’interrogent sur son efficacité face aux défis plus larges du marché immobilier, comme la pénurie d’offres et la hausse des prix. Cette promesse allégera-t-elle vraiment les problèmes d’accessibilité ou profitera-t-elle surtout à une minorité ?

Analyse

La suppression de la TPS pourrait entraîner une perte de revenus, compensée par la construction de nouvelles maisons et immeubles. Cependant, cette hypothèse doit être étudiée en profondeur avant toute décision. Le risque d’augmentation des coûts des matériaux et de tensions sur la chaîne d’approvisionnement est réel. Une politique économique bien gérée peut toutefois porter ses fruits.

Avant de mettre en œuvre une telle mesure, il est important de définir une perte de revenus acceptable et d’estimer le point d’équilibre. Un déficit temporaire pourrait être compensé par les revenus fiscaux générés par l’activité liée à la construction.

Reste à savoir si ces nouvelles maisons seront réellement abordables, et comment cette accessibilité serait garantie. Qu’est-ce qui définit un prix abordable, sachant que le coût du terrain et de la construction varie ? De plus, la notion d’accessibilité diffère selon les régions du pays, les revenus et le coût de la vie.

Enfin, il faudra déterminer où ces logements seront construits : sur des friches industrielles réhabilitées, des terres agricoles, des espaces verts ? Les municipalités auront-elles la possibilité de fixer la taille des terrains pour maximiser le nombre de logements, ou d’imposer des projets en rangée pour loger plus de personnes ?

‘Une planification urbaine rigoureuse servira t-elle de base à l’augmentation du parc immobilier, ou est-ce que ce sera un laisser-aller ?’

Parti conservateur

Législation imposant des peines plus sévères aux personnes reconnues coupables d’infractions graves – Baisse d’impôts

Les conservateurs s’engagent à abroger la taxe carbone pour les industries, affirmant qu’elle représente un fardeau pour les entreprises et les consommateurs. Cette promesse séduit les conservateurs économiques et les provinces dépendantes des ressources, mais les groupes environnementaux avertissent qu’elle compromet les objectifs climatiques du Canada. L’analyse portera sur la question de savoir si ce recul pourrait entraîner des gains économiques à court terme au détriment de la durabilité environnementale à long terme.

Analyse

Les États-Unis ont déjà expérimenté la politique du « trois prises et vous êtes dehors », et cela s’est avéré désastreux. Elle a entraîné une forte augmentation de la population carcérale et la création d’un secteur privé des prisons dans de nombreux États, avec tous les problèmes qui en découlent. Certaines personnes souffrent de troubles neurologiques ou sont nées avec le syndrome d’alcoolisation fœtale, ce qui affecte leur jugement. D’autres commettent des crimes pour alimenter leur dépendance à la drogue. Le principe de cette politique est qu’après une troisième condamnation, la personne est emprisonnée à vie.

Il est évident que, comme société, nous ne souhaitons pas que les criminels aient carte blanche pour récidiver, mais l’adoption d’une version canadienne de la politique des trois prises aurait de lourdes conséquences. Le Parti conservateur fait campagne depuis longtemps sur une approche « dure contre le crime », souvent en jouant sur la peur. Nous valons mieux que cela.

Depuis l’ère Stephen Harper, le Parti conservateur a souvent nié la réalité des changements climatiques. Même s’ils affirment reconnaître la nécessité d’agir, il ne faut pas s’y tromper. Pierre Poilievre est prêt à autoriser des projets énergétiques, forestiers et miniers qui pourraient gravement nuire à l’environnement et à la biodiversité, jusqu’à provoquer des extinctions locales ou totales.

Pierre Poilievre propose d’établir des corridors énergétiques pour développer les projets pétroliers, gaziers et hydroélectriques, avec peu ou pas d’évaluations environnementales. On peut s’attendre à ce que les dommages causés à l’environnement ne soient jamais réparés. Il veut également accélérer l’approbation des projets « prêts à démarrer ».

Justin Trudeau et son gouvernement libéral ont aussi contribué à la dégradation de l’environnement en approuvant et en construisant l’oléoduc Trans Mountain, en autorisant davantage de forages au large de Terre-Neuve, en n’empêchant pas la disparition des forêts anciennes en Colombie-Britannique, en approuvant de nombreux projets miniers et en refusant d’agir pour protéger les milieux naturels du Technoparc de Montréal.

Justin Trudeau a déclaré vouloir exploiter chaque parcelle des sables bitumineux de l’Alberta et de la Saskatchewan pour financer la transition verte du Canada, oubliant que l’extraction et la transformation de ce pétrole génèrent une pollution considérable, nécessitent d’énormes quantités d’eau et créent des bassins de résidus toxiques dangereux pour la faune. Le raffinage et la combustion de ce pétrole produisent également des gaz à effet de serre qui affectent la planète entière.

La politique tarifaire de Donald Trump a ravivé les appels à la construction du pipeline Énergie Est pour exporter le pétrole des sables bitumineux vers l’Europe, et à l’augmentation du gaz naturel liquéfié (GNL) pour l’exportation, notamment via un port sur le Saguenay. Cela menacerait la population isolée de bélugas du golfe du Saint-Laurent, en raison du trafic maritime et de la pollution. On pourrait aussi voir des pressions pour autoriser la fracturation hydraulique et le forage pétrolier au Québec et dans le golfe du Saint-Laurent.

‘Soyons clairs : une exploitation sans limites des ressources naturelles serait un désastre environnemental.’

Bloc Québécois

Un plus grand contrôle sur l’immigration pour le Québec

Le Bloc Québécois milite pour que le Québec obtienne davantage de pouvoirs afin de sélectionner les immigrants temporaires dans le cadre du Programme de mobilité internationale. Cette proposition s’inscrit dans la volonté constante du Québec de protéger son identité culturelle et linguistique, tout en soulevant des questions importantes sur la compatibilité de ces changements avec les politiques fédérales d’immigration, ainsi que sur leurs impacts potentiels sur le marché du travail et l’unité nationale.

Analyse

La demande du Québec pour élargir ses pouvoirs en matière d’immigration reflète son désir de répondre à ses besoins démographiques locaux et de préserver la langue française. La province joue déjà un rôle central dans la sélection d’une grande partie de ses immigrants, notamment dans les catégories économiques, tandis que le gouvernement fédéral conserve la responsabilité de la sécurité, de la citoyenneté et du regroupement familial. Cette répartition des compétences nécessite une collaboration continue entre les deux paliers de gouvernement.

Les discussions récentes sur l’augmentation du contrôle du Québec, notamment sur l’immigration temporaire, sont motivées par des préoccupations liées à l’intégration, au logement et à la préservation du français. Parallèlement, le milieu des affaires québécois souligne l’importance de l’immigration pour combler les pénuries de main-d’œuvre et soutenir la croissance économique, mettant en garde contre les conséquences négatives de mesures trop restrictives.

Si certains Canadiens débattent de l’opportunité d’accorder plus de pouvoirs au Québec dans ce domaine, d’autres reconnaissent le contexte culturel particulier de la province et la nécessité d’adapter les politiques aux réalités régionales. Le défi consiste à trouver un équilibre entre l’autonomie provinciale et la cohésion nationale, afin de garantir des politiques d’immigration efficaces et équitables pour toutes les régions. Tout transfert de pouvoirs au Québec exigerait une coordination réfléchie pour soutenir à la fois l’identité distincte de la province et les intérêts plus larges du Canada.

‘Il sera essentiel de trouver un équilibre entre les aspirations du Québec et les intérêts plus larges du Canada afin de garantir une politique d’immigration efficace et équitable.’

Nouveau Parti Démocratique

Construire des logements à loyer contrôlé sur des terres fédérales

Le NPD propose d’utiliser des terres fédérales pour construire plus de 100 000 logements à loyer contrôlé en dix ans. Ce projet ambitieux vise à rendre le logement plus abordable tout en protégeant les locataires. Cependant, des questions sur le financement et la coopération avec les provinces pourraient compliquer sa réalisation. Cette promesse est-elle réaliste dans le contexte complexe du logement au Canada ?

Bien que louable, cette proposition présente des défis importants. Construire des logements sur des terres de la Couronne en milieu urbain est une chose, mais une grande partie de ces terres en dehors des villes sont des territoires non cédés revendiqués par de nombreuses Premières Nations. Des conflits ont déjà éclaté dans certaines régions où des projets de construction ont été contestés par des communautés autochtones. Avant tout développement, il est essentiel de reconnaître et de régler ces revendications territoriales.

Si le projet se concrétise, il est probable que les logements seront principalement des appartements. L’investissement initial sera important et nécessitera une planification minutieuse, notamment en matière d’architecture, de choix des matériaux, et d’aménagement pour éviter la création de quartiers défavorisés. Il faudra aussi trouver des méthodes efficaces pour accélérer la construction, à l’image des techniques industrielles utilisées pendant la Seconde Guerre mondiale.

La coopération des provinces et des municipalités sera indispensable pour adapter les règlements de zonage, intégrer harmonieusement ces logements aux quartiers existants, et financer les infrastructures nécessaires telles que les réseaux d’eau, d’égouts, de routes et d’électricité.

Une fois construits, il faudra déterminer qui sera propriétaire des bâtiments, qui en assurera la gestion et l’entretien, ainsi que les coûts annuels associés. Des modèles comme celui de la ville de Vienne, qui construit et gère elle-même des logements abordables, pourraient servir d’inspiration.

‘Avoir une vision est une chose, mais planifier et mettre en œuvre un programme efficace pour maximiser les ressources et les fonds disponibles en est une autre.’

Parti vert

Rénovation énergétique de 3,3 millions de logements à travers le Canada

Le Parti vert propose de rénover 3,3 millions de logements partout au pays afin d’améliorer leur efficacité énergétique. Cette politique vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à diminuer les coûts énergétiques pour les propriétaires, tout en favorisant la création d’emplois dans le secteur de la construction écologique. Cependant, la réussite d’un tel programme dépendra de l’ampleur des investissements nécessaires et de la capacité à surmonter les défis logistiques liés à la coordination de millions de rénovations à l’échelle nationale.

Analyse

Des programmes similaires ont été lancés par les gouvernements fédéral et provinciaux au cours des deux dernières décennies, ce qui a permis d’améliorer l’efficacité énergétique de nombreux immeubles résidentiels et de créer des milliers d’emplois. Ces initiatives ont aussi contribué à réduire le travail au noir et à générer des revenus fiscaux supplémentaires. Les technologies dans le domaine de l’efficacité énergétique évoluent rapidement, qu’il s’agisse de matériaux de construction, de panneaux solaires, de systèmes thermiques ou d’autres sources d’énergie renouvelable.

La portée et le coût d’un tel projet peuvent être évalués et encadrés par des lignes directrices claires. Les bénéfices d’une meilleure efficacité énergétique sont partagés par tous : économies sur les factures, réduction de la pollution et amélioration du confort des logements. Pour réussir, il faudra aussi assurer un accès équitable aux subventions, une formation adéquate de la main-d’œuvre et une planification rigoureuse pour éviter les retards et les dépassements de coûts.

Conclusion

Qu’il s’agisse de rendre le logement plus accessible, de repenser la politique environnementale, de protéger l’identité culturelle ou de répondre aux enjeux d’abordabilité, chaque proposition comporte des avantages potentiels et des défis majeurs. L’orientation que prendra le Canada dépendra non seulement des promesses électorales, mais aussi de la capacité des futurs dirigeants à conjuguer ambition et réalisme, collaboration et responsabilité, gains à court terme et viabilité à long terme. En évaluant ces facteurs avec soin, les électeurs auront l’occasion de façonner un avenir à la hauteur de leurs valeurs et des besoins changeants du pays.


Note : Les opinions exprimées dans cet article sont celles de son auteur et ne reflètent pas les opinions de WestmountMag.ca ou de ses éditeurs.


Image d’entête : Praveen Kumar NandagiriUnsplashButton Sign up to newsletter – WestmountMag.caAutres articles par Irwin Rapoport
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Irwin RapoportIrwin Rapoport, journaliste indépendant, a obtenu une maîtrise en histoire et en sciences politiques à l’Université Concordia.

 



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