Réaménagement du sud-est:
patrimoine versus densité
Peter Trent, ancien maire de Westmount, durcit son opposition au plan proposé
Par Irwin Rapoport
Mis à jour 12 septembre 2025
L’opposition ne cesse de croître contre le projet de réaménagement d’une portion du secteur sud-est de Westmount, situé à proximité du centre-ville de Montréal, et en particulier autour de la station de métro Atwater.
Westmount Magazine a abordé cette problématique le 26 juillet, dans son article Le plan de réaménagement du sud-est divise les résidents de Westmount, dans lequel une entrevue est menée avec Kathleen Kez, conseillère du district 8, qui représente la partie sud-est de Westmount.
Les critiques les plus récentes à l’encontre du Programme spécial de planification du Sud-Est (PSP) ont été formulées par l’ancien maire Peter Trent, en poste de 1991 à 2001 puis de 2009 à 2017.

Peter Trent lors d’une présentation de Parcs Canada à l’Hôtel de Ville, 2016 • Image : courtoisie de Peter Trent.
Le premier coup d’éclat a eu lieu avec la chronique de Peter Trent dans la Gazette intitulée Trent: What does transit-oriented development really mean? Time for a TOD Talk (Trent : Que signifie vraiment le développement axé sur le transport ? Temps pour une discussion sur le DAT). Le 4 septembre, Trent s’est adressé à un public attentif à la Bibliothèque et Centre informatique Atwater, une institution historique située à la limite est du secteur soumis au projet de réaménagement, lors de la conférence How Transit-Oriented Development can impose high-rises while destroying our built heritage (Comment le développement axé sur le transport peut imposer des tours tout en détruisant notre patrimoine bâti.)
Son discours était stratégiquement programmé à l’approche de la séance du conseil municipal, prévue le 8 septembre, au cours de laquelle l’adoption finale du Programme spécial de planification (PSP) figurait à l’ordre du jour.
Sous la pression du public, la mairesse sortante Christina Smith, principale promotrice du PSP, a reporté le vote d’adoption du PSP au 18 septembre afin de permettre quelques ajustements au plan.
Pour les stationnements Tupper, propriété de Westmount situés du côté nord de Dorchester, la hauteur a été réduite de 7 à 6 étages, la portion privée de Dorchester demeurant inchangée, à 7 étages avec la possibilité d’ajouter un bonus de 5 étages supplémentaires.
La séance du conseil du 8 septembre peut être visionnée en suivant ce lien.
La mairesse Smith a annoncé la nouvelle en ouverture de la réunion, au cours de laquelle elle et les conseillers ont abordé diverses questions, dont le PSP. Les conseillers Matt Aronson (district 7), Mary Gallery (district 6), Conrad Peart (district 4) et Jeff Shamie (district 3) ont confirmé qu’ils voteraient en faveur du plan. La conseillère Kathleen Kez a réitéré sa position selon laquelle le plan devrait être reporté au prochain conseil, estimant qu’il doit mûrir davantage. Elle a été rejointe par Antonio D’Amico (district 1), qui partage une opinion similaire. Anitra Bostock (district 5) et Elisabeth Roux (district 2), cette dernière ayant annoncé qu’elle ne se représenterait pas, ne se sont pas exprimées sur le Programme spécial de planification (PSP).
Interrogé sur son opinion concernant ce report, Peter Trent a répondu : « Ce délai ne fait que renforcer mon observation : il est tout à fait inapproprié que le Conseil essaie de faire adopter ce dossier dans les derniers jours de leur mandat. »
Peter Trent, expert en transports en commun et urbanisme, qui a siégé deux fois au conseil d’administration de la Société de transport de Montréal (STM) et qui n’a pas possédé de voiture depuis 1977, aborde plusieurs sujets dans une entrevue qu’il nous a accordée avant la réunion du conseil du 8 septembre.
Entrevue avec Peter Trent
WM : Le maire et les conseillers en faveur du plan de réaménagement du sud-est affirment qu’ils sont obligés par le plan métropolitain de l’agglomération de Montréal (PMAD) de maximiser la densité des constructions dans les zones proches des stations de métro et de train. Cette affirmation est-elle correcte ?
Trent : Ils prétendent être tenus par la révision du PMAD, approuvée cette année mais qui n’entrera en vigueur qu’en 2026. Cette révision a augmenté le seuil minimum de densité d’habitat dans certaines zones proches des stations de métro et de train. Cependant, je maintiens que le plan d’urbanisme de l’agglomération, adopté en 2015, sera encore en vigueur pour au moins deux ans. C’est ce plan (et son remplacement éventuel) qui définit les modalités selon lesquelles Westmount peut revendiquer des exemptions basées sur son statut patrimonial, puisque presque toute la ville de Westmount est ainsi classée.
Ce report ne fait que renforcer mon observation selon laquelle il est tout à fait déplacé que le Conseil tente de faire passer ce dossier dans les derniers jours de leur mandat.
– Peter Trent
La mairesse Smith a déclaré aux médias locaux en juin dernier : « (…) La densité proposée est-elle un choix local ou une exigence imposée ? Le Plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD) révisé, adopté le 9 juin par la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), impose un seuil minimal de 480 logements par hectare pour les zones de développement axé sur le transport en commun (DAT), comme la zone de la station de métro Atwater. Ce ne sont pas des suggestions, mais des exigences formelles que l’agglomération de Montréal doit intégrer dans son plan d’aménagement du territoire. »
Cependant, le plan d’aménagement territorial de l’agglomération (Agglo) indique le contraire. À la page 142 (version en ligne, page 140 dans l’imprimé), on peut lire : « Peuvent être exclus de l’application des densités minimales… un secteur de valeur exceptionnelle, ou un secteur de valeur significative, comme indiqué sur la carte 12 – Carte du patrimoine 12, page 72. » À l’exception de deux petits secteurs de valeur significative, la quasi-totalité de Westmount au nord de la voie ferrée est composée de secteurs de valeur exceptionnelle.
‘Cependant, je maintiens que le plan d’urbanisme de l’agglomération, adopté en 2015, sera encore en vigueur pour au moins deux ans.’
Le Plan d’aménagement territorial de l’Agglomération, entré en vigueur en 2015, date à laquelle j’étais président de l’Association des maires de banlieue, sera remplacé possiblement d’ici 2028, en concordance avec le PMAD révisé. Le plan de l’Agglomération est le seul document détaillant et cartographiant les secteurs patrimoniaux spécifiques qui peuvent être exclus des seuils de densité.
Le Plan métropolitain, quant à lui, identifie les zones patrimoniales de façon très large. L’ancien comme le nouveau PMAD recensent 24 grands ensembles patrimoniaux identiques (par exemple, le centre-ville, Westmount/NDG). En réalité, le PMAD confie à l’Agglomération la responsabilité de la désignation patrimoniale et lui demande d’intégrer ces secteurs dans son plan d’aménagement pour qu’ils soient protégés et valorisés.
WM : Vous parlez de la dictature de l’uniformité. Quelles en sont les conséquences ?
Trent : L’application doctrinaire et généralisée d’une bonne idée entraîne des conséquences inattendues. Les urbanistes de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) veulent imposer une concentration inédite de nouveaux logements près des nœuds de transport. La CMM couvre un territoire d’environ 4 000 km², bien plus vaste que celui des communautés représentées par l’Agglomération, qui n’en fait que 500 km².
La CMM a décrété des zones « hyper-centres » DAT (développement axé sur le transport) autour des stations de métro du centre-ville. Pour citer le linguiste Eric Partridge, « tous les mots commençant par hyper transmettent l’idée de l’excès ». Dans ces hyper-centres, le DAT impose une densité minimale nette de 480 logements par hectare (environ 200 par acre).
‘En 1995, Westmount a adopté un règlement pour protéger son patrimoine bâti. Le règlement 1305 stipule que « toute rénovation ou nouvelle construction doit s’harmoniser avec les bâtiments existants, respecter les caractéristiques architecturales clés des 39 secteurs homogènes, ainsi que les lignes directrices obligatoires en matière de design.’
– Peter Trent
Une densité uniforme de X logements par hectare peut convenir à un terrain vierge, mais pas à la ville de Westmount, riche en histoire et en patrimoine bâti. Peu d’exemptions permettent une certaine flexibilité, à l’exception d’une importante : l’invocation d’exclusions dans un secteur désigné comme patrimonial.
La densité minimale de 480 logements par hectare est difficile à atteindre sans recourir à des tours de grande hauteur. Pour illustrer, citons deux exemples à Westmount : le 4998 de Maisonneuve/St. Catherine, avec ses 18 étages, atteint environ 440 logements par hectare, tandis que le 4300 de Maisonneuve devrait presque doubler sa hauteur actuelle de 12 étages pour atteindre 480 logements par hectare.
WM : Pouvez-vous expliquer la genèse de la désignation patrimoniale de Westmount et votre rôle dans la protection du patrimoine ?
Trent : Le conseil municipal actuel aime me considérer comme un homme du passé. Laissez-moi les satisfaire. En tant que conseiller municipal et commissaire à la planification et au réaménagement, en 1983, j’ai rejoint l’architecte du patrimoine Mark London à la Commission d’architecture et d’urbanisme de la ville, aujourd’hui connue sous le nom de PAC.
En 2019, Mark London disait : « Nous sommes devenus une équipe patrimoniale pendant près de deux décennies… Lorsque Peter est devenu maire en 1991, Karin Marks l’a remplacé comme représentante du conseil à la commission. Elle soutenait la commission et les efforts de conservation du patrimoine autant que Peter (…) Nous avions non seulement une responsabilité locale, mais aussi nationale, pour mieux protéger ce patrimoine. »
L’étude patrimoniale de Beaupré et Michaud a été achevée en février 1988. En 1991, Westmount: A heritage to preserve (Westmount : un patrimoine à préserver) a été publiée. En 1995, Westmount a adopté un règlement pour protéger son patrimoine bâti. Le règlement 1305 stipule : « Toute rénovation ou construction nouvelle doit s’harmoniser avec les bâtiments existants, respecter les caractéristiques architecturales clés des 39 secteurs homogènes, ainsi que les lignes directrices obligatoires en matière de design. »
Lorsque Parcs Canada a déclaré Westmount district d’importance historique nationale en 2016, le règlement 1305 a joué un rôle déterminant. Ainsi, lorsque le Plan d’urbanisme de l’Agglomération a été approuvé en 2015, seule Westmount a été désignée comme conforme aux secteurs patrimoniaux. Ceci est le fruit de trente années de travail.
Le conseil municipal actuel témoigne d’un intérêt limité pour notre patrimoine bâti et notre histoire. Pour planifier l’avenir, il faut connaître le passé. Au lieu de cela, nous assistons à une forme de nombrilisme temporisant, peu curieux quant aux origines de notre situation actuelle. Pourtant, le conseil a une responsabilité fiduciaire en matière de protection du patrimoine bâti.
‘Le conseil municipal actuel témoigne d’un intérêt limité pour notre patrimoine bâti et notre histoire.’
– Peter Trent
WM : Une opinion répandue veut que le développement résidentiel, particulièrement les projets d’envergure, génère des revenus indispensables pour les municipalités. Vous avez régulièrement remis en question ce postulat dans vos articles et conférences. Comment cela se reflète-t-il dans le plan de développement ?
Trent : Ce projet, présenté comme une manne financière, nécessitera en fait des investissements initiaux très importants avant de générer le moindre retour. Les Westmounters vivant loin du secteur sud-est et pensant être à l’abri de cet énorme projet doivent y réfléchir à deux fois, car personne ne connaît le coût de l’infrastructure nouvelle (alimentation électrique, égouts, conduites d’eau) nécessaire à cette amplitude de construction.
Et à long terme, la demande de services augmentera proportionnellement à la croissance démographique, entraînant une hausse des dépenses municipales. Le Conseil croit naïvement que les futurs revenus fonciers compenseront les coûts initiaux des infrastructures. Or, la moitié des recettes additionnelles sera réacheminée pour combler la part accrue de l’agglomération découlant de la valeur des propriétés.
En matière de taxes foncières, seuls les condos de plusieurs millions de dollars et les développements non résidentiels produisent un gain net après prise en compte des nouveaux besoins en services. À Montréal, par exemple, la moitié des recettes fiscales provient du secteur commercial, peu demandeur de services. Tant à Montréal qu’à Westmount, c’est le secteur commercial qui subventionne le secteur résidentiel.
WM : La Ville de Montréal, ces dix dernières années, a permis la transformation de Griffintown en un vaste ensemble de tours résidentielles sans véritable planification. En quoi cela se rapproche-t-il du projet de développement pour le sud-est de Westmount ?
Trent : La Ville de Westmount a mis deux ans à élaborer ce projet ambitieux pour la revitalisation tant attendue de la zone située entre Sainte-Catherine et Dorchester. Pour le secteur sud-est, le Conseil a choisi, de façon étonnante, la firme Lemay, dont les collaborateurs ont conçu la tour de 40 étages au 1111 Atwater.
Sans surprise, Lemay a recommandé d’imiter Montréal : construire une forêt de grands immeubles. À l’instar de Griffintown, issu d’un laxisme ou d’une absence de planification urbaine, Le Square Children’s est apparu comme une juxtaposition confuse de boîtes de verre battues par les vents, allant jusqu’à 40 étages. Ce n’est pas ainsi que l’on crée une communauté. Aucun projet directeur n’a été établi. Il n’y a ni école, ni aréna, ni piscine, ni terrain de jeux.
‘La plupart des urbanistes et architectes de Westmount sont favorables à un développement dense dans le sud-est, mais privilégient des constructions de moindre hauteur, adaptées aux familles et respectueuses du patrimoine bâti local.’
– Peter Trent
WM : Vous avez posé la question : « La plupart des jeunes familles souhaitent-elles vraiment vivre en tours d’habitation ? » Pouvez-vous développer cet aspect, en particulier dans le contexte de Westmount ?
Trent : Westmount est historiquement une communauté familiale. Nous avons temporairement souffert du délire des immeubles de grande hauteur dans les années 1960, avec l’adoption du « concept de vallée » : les hauteurs des bâtiments aux extrémités est et ouest de Westmount ont été augmentées pour correspondre aux limites fixées par Montréal. Cela a mené à la construction du Château Maisonneuve à l’ouest, en 1965. À l’est, on retrouve aujourd’hui la Plaza Tower, résolument peu propice aux familles, avec ses 33 étages, construite en 1967. Certaines de ses 427 unités n’ont aucun résident permanent. Après mon allocution, un habitant m’a informé que la situation est en voie d’être rectifiée – « Selon Cominar, notre propriétaire, les 23 appartements restants en location corporative de courte durée sont en train d’être convertis en baux annuels réguliers. À une époque, il y avait 33 locations à court terme. Cominar dit répondre ainsi à une demande du marché. » Le zonage vertical des années 1960 a tout de même permis la réalisation du sobre et élégant Westmount Square.
WM : Quelle approche la ville de Westmount devrait-elle adopter pour la revitalisation du sud-est ?
Trent : La plupart des urbanistes et architectes de Westmount défendent un développement dense pour le sud-est, mais à échelle humaine, adapté aux familles et respectueux du patrimoine bâti.
En décembre 2024, nous avons publié une lettre ouverte dans la Gazette au sujet du projet pour le sud-est de Westmount.
Nous proposons une vision alternative qui crée un véritable sentiment d’appartenance et s’appuie sur les atouts de Westmount: son charme résidentiel, son échelle humaine, ses bâtiments emblématiques, ses couverts arborés et ses jardins. Celle-ci accommoderait les familles dans des immeubles de quatre à sept étages, comprenant trois ou quatre chambres, des terrasses et des aires de jeux à dimension humaine au niveau de la rue. Notre vision reconnecte ce secteur au tissu urbain de la ville.
Ce secteur doit effectivement accueillir une densité supérieure à celle des quartiers au sud ou à l’ouest, mais cela doit être calibré pour réparer la rupture avec le quartier résidentiel environnant. La densification ne doit jamais être une fin en soi, car elle aboutit rarement à des espaces accueillants.
En 1963, Westmount a exproprié et démoli quelque 135 maisons afin d’élargir le boulevard Dorchester et de construire des tours d’habitation. Aujourd’hui, le Conseil municipal souhaite ériger un immeuble de 20 étages directement contre la bibliothèque Atwater. N’avons-nous donc rien retenu des erreurs du passé ? Le Conseil ambitionne-t-il de faire de la « Griffintownisation » de Westmount son héritage ? Espérons que non.
‘Le Conseil a choisi d’adopter un Programme particulier d’urbanisme (PPU)… Ce pouvoir extraordinaire demande une grande prudence dans son application. Il requiert une flexibilité pour s’adapter à la nécessité de réparer la cicatrice créée en 1963… Seule une exemption au seuil de densité peut offrir cette flexibilité… Malheureusement, le conseil ne l’a pas demandée… Et les citoyens n’ont pas été informés lors des rencontres publiques que cette exemption existait.’
– Peter Trent
WM : Croyez-vous que la mairesse et les conseillers favorables au programme spécial de planification (PSP) écoutent les préoccupations des citoyens ?
Trent : Nous avons un Conseil inflexible. Le Conseil a choisi d’adopter un Programme particulier d’urbanisme (PPU), qui protège leur projet de l’approbation des citoyens par référendum. Ce pouvoir extraordinaire demande une grande prudence dans son application. Il exige une flexibilité pour répondre au besoin de réparer la cicatrice créée en 1963 et pour attirer les familles vers des logements denses mais de faible hauteur. Seule une exemption au seuil de densité peut offrir cette souplesse.
Malheureusement, le Conseil ne l’a pas demandée. Les citoyens n’ont pas été informés de l’existence de cette exemption lors des réunions d’information. À la fin de leur mandat, avec le départ annoncé de la mairesse, ils poussent le projet coûte que coûte.
Image d’entête : Côté sud de Dorchester, Westmount © Andrew Burlone
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Irwin Rapoport, journaliste indépendant, a obtenu une maîtrise en histoire et en sciences politiques à l’Université Concordia.




