Askîwan invoque
le cercle sacré de la vie
Une performance multidisciplinaire de l’artiste Cri Ryson Houseman
Par Sophie Jama
29 novembre 2025
Imaginez-vous entrer au Théâtre La Chapelle à Montréal le 25 novembre 2025. La scène ressemble à un bric-à-brac de magicien fou : pieds de caméra qui montent la garde, un grand seau métallique qui brille comme un trésor, une carafe d’eau près d’un bol en verre rond, des ordis qui ronronnent, une couverture de survie argentée et bien d’autres objets insolites éparpillés partout. À côté, trois musiciens s’installent avec micros, consoles, guitare et viole de gambe. On sent déjà que la magie va opérer !
Projections, vidéo en direct, objets manipulés dans des mini-décors géants : tout est fait en direct.
Au centre, Tyson Houseman, l’artiste cri des Plaines – nêhiyaw des Premières Nations Paul et Ermineskin – s’agenouille comme un chamane prêt à invoquer les montagnes. Il crée et met en scène Askîwan ᐊᐢᑮᐊᐧᐣ, un spectacle lyrique multimédia. Avec lui, Devon Bate à la guitare et sons électroacoustiques, Jonathon Adams, baryton cri-métis qui chante en nehiyawewin, et Leah Weitzner à la viole de gambe, cet ancêtre du violoncelle du XVe siècle.
Askîwan veut dire, en cri : « C’est un an, c’est l’été ; c’est la terre, c’est le sol. » Parfait pour ce voyage humble dans l’infini. Tyson, avec ses aventures chez Bread & Puppet, maîtrise l’éphémère. Vu du 25 au 28 novembre à La Chapelle, après OFFTA et avant PuSh 2026, c’est un bijou montréalais.
Le spectacle commence dans un silence qui vrombit doucement – vents lointains, animaux discrets. Les caméras zooment sur les objets du sol, les transforment en titans sur l’écran : l’eau coule infinie, la terre forme des montagnes, des contreforts aux Rocheuses, le vent hurle, le feu crépite. Quelques humains minuscules se faufilent, perdus dans l’immense. Tyson sculpte ces rêves à partir d’objets du quotidien : une carafe devient un océan, une couverture, une tempête de neige. Mais c’est magique !
Thèmes et écologie néhiyaw
Askîwan est un clin d’œil rêveur à notre planète en panique. Ces montagnes projetées, si belles et fragiles, crient : « Attention, la crise climatique arrive ! » Inspiré des savoirs autochtones millénaires, le spectacle mélange observation de la nature et spiritualité. Pas de leçons chiantes, juste une invitation à rêver d’un monde où on vit en harmonie, comme les Cris avec leur terre sacrée. Humour inside : si on écoutait davantage ces cycles, on n’aurait pas besoin de Netflix pour s’évader !
Chez les Nêhiyaw, le temps n’est pas une ligne droite barbante, mais un grand cercle où tout se reconnecte : passé, présent, futur et surtout la terre, askîw. Tyson puise chez les aînés ces idées cosmologiques – on fait partie de la nature, pas plus, pas moins. L’eau, la terre, le vent, le feu tournent en boucle, comme un doux rappel : « Hé, humain, tu n’es qu’un grain de sable sur la montagne ! »
‘C’est du théâtre sans un mot superflu, une performance cri qui enchante, avec musique et ambiance en mode simple.’
La musique ? Parfaite pour le voyage. Des sons électroniques qui battent comme un cœur de planète, des chants doux et profonds en nehiyawewin, Tyson Houseman comme un conteur d’histoires anciennes, et Leah Weitzner à la viole de gambe. Pas de paroles inutiles. On regarde grand, on écoute bien, on rêve fort. La salle reste silencieuse comme une église, mais heureuse et émerveillée. Tout le monde est captivé, comme des enfants devant un feu de camp.
Askîwan n’est pas un simple spectacle : c’est un geste d’amour cosmique. Objets minuscules qui deviennent géants, des voix qui parlent des ancêtres, des sons qui éveillent la planète. On sort léger, rêveur, conscient du cercle sacré de la vie.
Askîwan ᐊᐢᑮᐊᐧᐣ
Réalisateur et interprète : Tyson Houseman
Compositeur/Conception sonore : Devon Bate
Chanteur baryton : Jonathon Adams
Viole de gambe : Leah Weitzner
Présenté du 25 au 28 novembre 2025 au Théâtre La Chapelle Scènes Contemporaines, Montréal.
Image d’entête : Josepf O’Malley
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