Plongée dans le Fringe
partie 2 : du 10 au 13 Juin

La cuvée 2017 est d’une richesse à couper le souffle

Par Luc Archambault

Voici donc la suite de ce fascinant festival que j’ai eu la chance de voir :

L’imprévisible forme des corps aux lendemains de la vie
(Johanne Gour Danse)

Salle : Studio Multimédia du Conservatoire de Musique de Montréal
Sans parole (danse)
45 minutes

Je ne voudrais pas sembler trop dur, mais ce spectacle est d’un amateurisme consommé. En dépit de son titre ronflant et ambitieux, rien, mais là absolument rien, ne reflète pareilles inspirations philosophiques. On nous laisse avec une impression exigue de tableaux de jeunes danseuses lors d’un cours de ballet-jazz ; sans grand intérêt, tant dans son contenu que dans son exécution. Quand on pense que l’édition de cette année du Fringe ne compte que deux spectacles de danse, pourquoi devrions-nous nous taper ce citron, alors que par les années passées le festival regorgeait des meilleurs spectacles de danse de l’année à Montréal ? À éviter… on abat même les chevaux…

b3 : Syl-lo-go-ma-ni-e/a
(Possiblement Théâtre)

Salle : Salle Jean-Claude Germain, Théâtre d’Aujourd’hui
En français
60 minutes

Ce petit bijou de pièce traite de la syllogomanie, cette névrose où trône une compulsion à l’accumulation excessive. C’est par une approche clownesque que ce couple de comédiens aborde cette problématique de front, avec un plaisir manifeste (qui se communique facilement à l’assistance) et une performance inspirée. Jamais ennuyant, avec deux des plus sympathiques comédiens du Fringe de cette année. Bravo !

SCUM : a manifesto
(Scantily Glad Theatre)

Salle : Mainline Theatre
En anglais
60 minutes

Vous souvenez-vous du film « I shot Andy Warhol » ? Même histoire, mais racontée par deux comédiennes de Saskatoon. Avec verve et détermination, un grand texte, un grand spectacle. Définitivement un incontournable cette année. L’un des spectacles les plus mémorables à ce jour.

Cherry Docs
(Beige Theatre Co.)

Salle : Montreal Improv theatre A
En anglais
90 minutes

Ce spectacle montre l’histoire d’un avocat juif qui est assigné à titre d’aide juridique au cas d’un jeune skinhead néo-nazi accusé de meurtre. Nous y assistons à l’évolution de leur relation, depuis leur rencontre initiale jusqu’à l’après-sentence. C’est un véritable témoignage de tolérance, de la difficile ouverture face à des points de vue divergents, au chemin vers la rédemption et à la solidarité humaine. Poignant, et très bien joué. Encore une fois, un incontournable.

Berlin Waltz
(Devon More Music)

Salle : Petit Campus
En anglais
60 minutes

Une canadienne de Vancouver nous emmène en vélo à la recherche du mur de Berlin, retraçant son histoire et sa signification au travers les époques. Avec un accompagnement musical, des chansons et un texte incroyablement riche, ce spectacle haut en couleurs est une trouvaille pleine de richesses, tant dans sa forme que dans son contenu. Une promenade magnifique, même pour un vieux chroniqueur qui a vécu quelque temps dans cette ville exceptionnelle. Farci d’anecdotes et d’informations toutes plus pertinentes les unes que les autres, on se voit insufflé de l’envie folle d’y retourner et croquer à nouveau dans un Currywurst!

LIMN
(Playshed)

Salle : Mainline Theatre
Muet
15 minutes

L’information disponible pour ce spectacle parle d’une exploration du rituel et de la privauté. Un patient alité, une jeune femme qui s’habille devant son miroir, un travailleur pendant son heure de dîner, une infirmière qui traite son patient. Tous – hormis le patient, immobile – s’affairent à leur train-train quotidien, dans leur propre bulle. Très intéressant, D’autant plus qu’avec sa localisation centrale et sa courte durée, ce petit bijou s’insère facilement entre deux productions plus ‘lourdes’…

Cabaret Abnormal
(Viva Diverse Productions)

Salle : The Wiggle Room
En anglais
60 minutes

Une plongée tête-première dans le burlesque, un cabaret musical, débordant de kitsch et d’esprit. Les performeurs dépassent l’entendement. Tentez fortement de ne pas manquer ce spectacle, vous ne le regretterez pas, spécialement si vous ‘fringez’ avec nombre de vos ami(e)s. Car ce spectacle carbure à la réaction du public. Plus on est de fous (en état d’ébriété serait encore mieux), meilleur ce sera. Et cette salle, la plus kitsch de toutes dans l’édition de cette année, avec tout son velour rouge, est la place par excellence pour y vivre l’aventure de ce cabaret australien.

Projet Police
(Théâtre de l’Université de Montréal)

Salle : Montreal Improv Espace B
En français
60 minutes

En entrant, on nous remet un gadget électronique qui nous permettra de voter sur des dilemmes moraux auxquels font face les policiers, dans un court laps de temps. Basé sur des interviews avec de véritables agents de la paix, ce spectacle tente de demeurer neutre, mais tombe trop facilement du ‘bon’ côté, celui de la loi et de l’ordre. Ceci n’est pas une étude sur la brutalité policière, ni sur ses abus de pouvoir. C’est une version beaucoup trop édulcorée d’une problématique, une vision moralement ambiguë. Spécialement après avoir montré, sur grand écran, en guise d’introduction, des images de protestations et confrontations ayant eu lieu lors du printemps érable, et même d’un peu partout dans le monde, des images de l’anti-émeute qui frappe à grands coups de matraque les manifestants. Mais où se situe la démarcation suite à ces événements dans ce spectacle ? Nulle part. Et c’en est une honte. On tente de nous démontrer la relation ambivalente que nous entretenons envers les forces de l’Ordre et ses agents, mais tout ceci est à sens unique. Ce spectacle n’a pas atteint sa pleine maturité. Cette troupe devra en arriver à affriander son texte et approfondir son concept avant de le représenter dans une forme plus mature.

La Ferme des Animaux
(Pourquoi pas !)

Salle : La Chapelle
En français
90 minutes

C’est une magnifique adaptation du roman Animal Farm (La ferme des animaux), de George Orwell. Avec des moyens minimes (que des loups ne couvrant qu’une partie du visage) et des béquilles, ce spectacle hautement imaginatif donne vie à ce texte d’une importance capitale. Édifiant et inspirant. Comme quoi même les troupes théâtrales avec peu de moyens peuvent encore faire la leçon à ces nababs qui ont pignon sur les grands boulevards. Si seulement ceux-ci pouvaient s’inspirer de pareille performance, avec si peu de ressources mais jouée avec une intensité à toute épreuve, un texte en béton et un jeu témoignant d’une dévotion totale à l’art de la scène. Un spectacle majeur, à ne pas manquer !

Mettre en pièces
(Les Usurpé.e.s en Cavale)

Salle : MAI
En français
40 minutes

Ceci est une véritable performance toute étoile. De jeunes femmes qui parlent de l’amour et du désir, de la détresse suite à une perte, en utilisant une immense poupée désarticulée, tant au propre qu’au figuré. Ce spectacle doit être vu sans l’ombre d’un doute. Une immense réussite. Encore un incontournable.

Il n’y en aura pas pour tout le monde
(Théâtre du XXIIème siècle)

Salle : Montréal Improv theatre A
En français
45 minutes

Décrit comme un vaudeville néo-marxiste, c’est l’histoire (ou plutôt le cabotinage) de ploutocrates californiens vivant la belle vie, mais frappant un écueil dans leurs vies empreintes d’ennui… une pièce extrêmement verbeuse mais jouée finement, par des comédiens hors-pairs… combiné à un superbe texte. Très plaisant.

Orson Welles : Shylock
(The Shylock Project)

Salle : Black Theatre Workshop Studio
En anglais
70 minutes

Une profonde rétrospective du génie et de l’intelligence d’Orson Welles, cette performance va beaucoup plus loin que toutes les tentatives de mises-en scènes de sa vie, sur scène ou via quelqu’autre médium. Ceci est accompli par une distribution du tonnerre qui jouera Welles à divers âges, mais toujours obsédé par la pièce Le marchand de Venise de Shakespeare, reflet de sa propre vie personnelle et trouble et de sa quête incessante pour trouver du financement pour ses projets, tout en étant d’une inconscience crasse envers ses proches (comme tous les grands artistes). Ai-je mentionné à quel point ce spectacle est merveilleux ? Il s’agit ici du spectacle majeur et incontournable du Fringe de cette année. Créatif, plein de révélations peu connues, d’un jeu superbe, avec un texte profond et recherché, c’est une pièce ensorcelante, un chef-d’œuvre, rien de moins.Images: Festival St-Ambroise FRINGE de Montréal

Lire aussi Le Vidéographe, dédié aux créateurs émergeants