La-cantate-interieure_feature_westmountmag

La Cantate Intérieure :
Huis-clos aux Écuries

Un chassé-croisé où l’imaginaire se butte à la réalité de la solitude

Par Luc Archambault

Tirée d’un texte de Sébastien Harrisson et mise en scène par Alice Ronfard, la pièce La Cantate Intérieure est un exemple parfait d’une pièce à petits moyens, au texte profond et fabuleux, source de nombreuses réflexions. Forte d’une scénographie simple mais efficace, cette pièce toute en ouverture et en délimitation, tournant sur elle-même tel un iceberg, limitant parfois les points de vue mais s’ouvrant à tous les regards le moment suivant, est un exemple que bien des théâtres mieux nantis devraient imiter sans ambages. On est loin ici de La Petite Vie, car on touche les tréfonds de l’âme humaine, et l’on n’en ressort pas indemne.

Brillamment jouée par Roger La Rue, Marie Bernier et Dorothée Berryman, cette pièce met en scène la rencontre fortuite entre une artiste et un messager de la compagnie UPS, dans un espace désaffecté qui tient lieu d’installation artistique in situ. Aperçue au hasard par le messager qui se sent attiré par une mystérieuse apparition à la fenêtre, cette chambre remet en doute les certitudes de cet homme aux prises avec tout un lot de souvenirs douloureux qu’il partage avec l’artiste. Une rencontre magistrale entre deux cœurs à vif, avec en prime l’apparition fantomatique d’une Marie Bonaparte, habilement jouée par une Dorothée Berryman éthérique.

Il est écrit dans le programme que cette pièce « nous entraîne dans cette curieuse mécanique qu’est celle de l’art et de ses illusions… ». C’est peut-être un peu fort mais, comme entrée en matière, j’opine. N’est pas Walter Benjamin qui veut bien l’être. Le jeu plus qu’intéressant de Marie Bernier garde le spectateur sur le qui-vive ; celui de Roger La Rue, quant à lui, le plonge dans la douleur des souvenirs. Dorothée Berryman, pour sa part, vient raviver la flamme de l’amour perdu, de l’amour éperdu, du passé à jamais inavouable, dont le simple fait de le murmurer le fera s’étioler à jamais. Une magnifique distribution.

Il ne s’agit pas d’une pièce à grand déploiements destinée à faire frémir les foules et à engranger les deniers. Il ne s’agit pas d’un succès grandiloquent aux néons luxuriants du monde de la scène montréalaise. Mais il s’agit sans l’ombre d’un doute d’une pièce qui, par la finesse de son propos, le jeu sans taches ni retenue de ses comédiens, et la justesse admirable de sa scénographie, marquera l’imaginaire de tous ceux et celles qui ont eu la chance d’y assister. Bien qu’elle n’ait fait que passer dans son incarnation actuelle à Montréal, je vous suggère de surveiller les journaux culturels, parce qu’elle ne s’éteindra pas de sitôt (du moins, je l’espère).

Texte de Sebastien Harrisson
Mise en scène Alice Ronfard
Distribution Dorothée Berryman, Marie Bernier, Roger La Rue
Scénographie Gabriel Tsampalieros
Costumes Sarah Lachance
Maquillages et coiffures Sylvie Rolland Provost
Musique Michel Smith
Éclairages Caroline Ross
Régie son et vidéo Dominique Bawry
Direction technique Jean-François Landry et Julie-Anne Parenteau-Comfort
Direction de production Caroline Ferland et Kathleen Gagnon

Images : Slim Dakhaloui


Luc Archambault WestmountMag.ca

Luc Archambault
Écrivain et journaliste, globe-trotter invétéré, passionné de cinéma, de musique, de littérature et de danse contemporaine, il revient s’installer dans la métropole pour y poursuivre sa quête de sens au niveau artistique.



There are no comments

Ajouter le vôtre