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Sensorialités incite
à la contemplation

Tangente induit la dépendance à la danse contemporaine

Par Luc Archambault

Une autre semaine, un autre spectacle à Tangente, encore plus exceptionnel que le programme de la semaine précédente. Sensorialités, décrit dans le programme comme « une activation des sens et invitation au songe par les corps et le mouvement », est une autre exploration haute en coleurs, à nouveau avec trois chorégraphies, ou devrais-je dire performances, car la pièce de Meryem Alaoui tient beaucoup plus de la performance que de la chorégraphie, sauf si l’on se réfère au Butō.

Dena Davida, cofondatrice, directrice artistique et commissaire de Tangente, va devoir un jour assumer la responsabilité de l’accoutumance qu’elle développe chez ses spectateurs et initiés ; soit elle veut fonder une secte, soit elle cherche à vendre une drogue dure qui se nomme danse contemporaine et qui demande un ‘hit’ constant pour que le quotidien garde tout son sens.

Aisthesis Sensorialités WestmountMag.ca

© Cindy Lopez

La première chorégraphie, Aisthesis, de Josiane Fortin, met en scène les danseurs Myriam Tremblay-Quévillon et Antoine Turmine. Deux corps qui réagissent et agissent l’un par rapport à l’autre sans jamais entrer en contact. Un mode réceptif ultime basé sur les écrits du théoricien de la danse Michel Bernard qui lance le concept de kinesphère fictive, soit l’aura poétique et énergétique qu’incarnent les danseurs. On peut presque entrer en transe à regarder cette chorégraphie. Le tourbillon des corps est intense, un ballet de gestes et de grâce, une sensualité à fleur de peau. Un triomphe magnifique.

Viscosité Sensorialités WestmountMag.ca

© Denis Martin

La seconde chorégraphie, Viscosité d’Anne-Flore de Rochambeau, avec les danseurs Liane Thériault, Marjorie Foucher, Keven Lee, Marine Rixhon et Gabriel Painchaud, est la dernière d’un tryptique consacré à la dynamique des fluides (suite à Fluide et O2). Elle se veut une immersion dans un mouvement de groupe, un flot de gestes et de postures qui nous rappellent la dépendance de l’individu au groupe dans un collectif et qui remet en question l’attachement à l’individualité lorsque confronté à autrui (autrui ici au sens pluriel).

Dans une scénographie où triomphe la pénombre (beau travail de Hugo Dalphond), où l’onirisme se superpose à la réalité brute, où les tourbillons des corps viennent augmenter l’effet de rêverie, l’intensité de ce spectacle vient d’augmenter d’un cran.

Sand Body Sensorialités WestmountMag.ca

© Alejandro Santiago

Ce qui nous mène à la dernière chorégraphie, la performance de Meryem Alaoui, Sand Body. Tel qu’expliqué par la danseuse et chorégraphe, cette chorégraphie fait suite à une réhabilitation après une blessure grave quand son corps a dû réapprendre à bouger lentement. La vocation monastique que madame Alaoui a longuement contemplée prend forme dans l’esthétisme de la lenteur gestuelle quasi-ritualiste et épurée qui incite le spectateur à entrer dans un état contemplatif, à confronter son quotidien de stress et d’empressement et à suspendre la trame folle de sa vie, à s’ouvrir à l’intériorité de son inconscient, et enfin à s’abandonner à l’infini du moment présent. Méditatif, purgatif et essentiel. Tout simplement magistral.

Cette semaine, Tangente fait relâche, question de laisser les images de ces dernières semaines faire leur œuvre et s’ancrer dans la mémoire. L’exploration reprend de plus belle du 6 au 9 avril avec le spectacle Zones Déroutantes, « une expérience poétique de la perception au croisement des arts chorégraphiques et visuels ». Ça promet !

Image d’entête : Denis Martin


Luc Archambault WestmountMag.ca

Luc Archambault
Écrivain et journaliste, globe-trotter invétéré, passionné de cinéma, de musique, de littérature et de danse contemporaine, il revient s’installer dans la métropole pour y poursuivre sa quête de sens au niveau artistique.

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