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‘La fureur de ce que je pense’,
la fulgurance du texte

Cette reprise de la pièce sur Nelly Arcan est un incontournable du FTA 2017

Par Luc Archambault

7 juin 2017

Les écrivains, les vrais, ne cessent de flirter. Flirter avec l’inspiration, flirter avec la page blanche ; flirter avec soi-même, flirter avec un public qui souvent ne les comprend pas (ou si peu) ; flirter avec leur vie, avec leur mort.

La fureur de ce que je pense - FTA 2017 – WestmountMag.caDans cet ordre d’idée, Nelly Arcan reste un exemple typique de la guigne des écrivains qui débutent leur carrière en trombe, pour s’éloigner peu à peu de la recette d’origine, et donc mettre de la distance entre eux et leurs œuvres. Tout comme Herman Melville qui connut un succès faramineux avec son Typee, pour sombrer lentement mais sûrement dans l’anonymat littéraire, bien qu’il ait pondu son magnifique Moby Dick entre temps.

Embrasser l’œuvre de Nelly Arcan relève donc d’un défi immense et absolu, ce que Sophie Cadieux a réussi avec brio. Cette relecture des textes de Nelly Arcan, distillée avec le temps et la distance, avec une retombée des émotions que son suicide avait suscitées, s’avère essentielle pour quiconque questionne le rôle de la beauté, de l’esthétisme, de la commercialisation à outrance de la féminité et du monde du show-business.

La fureur de ce que je pense dépasse le simple fait anecdotique, en dépit du grappillage d’extraits provenant des divers textes d’Arcan.

Avec une mise en scène géniale de Marie Brassard, La fureur de ce que je pense dépasse le simple fait anecdotique, en dépit du grappillage d’extraits provenant des divers textes d’Arcan. On y décline, grâce à ce procédé, sept de ses avatars, tous plus cohérents les uns que les autres. Et quelle distribution : Christine Beaulieu, Sophie Cadieux, Larissa Corriveau, Johanne Haberlin, Evelyne de la Chenelière, Julie Le Breton et Anne Thériault, qui reprennent les rôles déjà vus sur scène en 2013. Même exercice, même démarche, mais une plus grande profondeur, une mise à nue émotive et spirituelle empreinte d’une gravité que seule la distance temporelle avec le suicide de l’auteure a pu apporter.

La fureur de ce que je pense - FTA 2017 – WestmountMag.ca

Et que dire d’autre de la mise en scène que sublime. Il n’y a pas d’autres mots. L’idée de placer ces différentes versions de Nelly dans des cubicules évoquant à la fois les peep-shows et les boîtes d’emballage de poupées est d’un génie déclaré. Sous une musique techno qui détonne parfois, on a l’impression d’être transporté à Hamburg ou à Amsterdam par moment. Mais la gravité sombre du texte nous ramène bien rapidement dans l’univers glauque et obsessionnel de Nelly Arcan. À cet égard, la complémentarité explicite du film Nelly, d’Anne Émond, apporte un egré supplémentaire pour quiconque veut explorer à fond cette auteure grandiose qu’aura été Nelly Arcan.

Face au succès public de cette reprise de la pièce qui existe depuis 2013, le FTA a décidé d’ajouter deux soirées supplémentaires de représentation avant de terminer cette série de spectacles. Si la littérature, l’histoire d’un destin tordu, la relation avec la beauté et l’artifice, ou quelqu’autre curiosité vous piquote, n’hésitez pas. On me dit qu’il reste encore quelques billets disponibles pour la dernière de cette pièce qui sera sûrement retenue comme l’une des pièces-phare du théâtre québécois.https://youtu.be/TftzcWVh6pg

Images: Festival TransAmériquesButton Sign up to newsletter – WestmountMag.ca

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Luc Archambault
Écrivain et journaliste, globe-trotter invétéré, passionné de cinéma, de musique, de littérature et de danse contemporaine, il revient s’installer dans la métropole pour y poursuivre sa quête de sens au niveau artistique.



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