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La transition écologique et
les terrains synthétiques

Le véritable enjeu n’est pas le soccer mais la volonté des élus de s’engager effectivement dans une transition écologique juste

Par Line Bonneau

25 mai 2023

Le tollé grandissant de la part de résidents, visiteurs et amoureux du parc Mackenzie-King dans l’arrondissement Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce (CDN-NDG) depuis l’annonce d’un projet de terrain synthétique multisport lors du dépôt du budget en octobre 2022 n’a rien à voir avec le soccer. Oui, l’arrondissement allègue que ce projet répond à une demande historique de l’association de soccer NDG. Oui, l’arrondissement dit vouloir offrir un terrain pour de nombreuses heures de soccer récréatif, compétitif et d’élite, donc avec un revêtement synthétique. Et, encore oui, l’arrondissement soutient que ce n’est pas acceptable que les enfants de Côte-des-Neiges inscrits au soccer organisé doivent souvent se déplacer à Notre-Dame-de-Grâce pour jouer.

Soyons clairs: Personne ne s’oppose aux sports.

En vérité, le fond de l’histoire n’a rien à voir avec le soccer mais plutôt avec la disposition des élus à véritablement s’engager ou non dans une transition écologique juste. Une des mesures de cette volonté tant espérée par les protecteurs du parc Mackenzie-King, serait de cesser de brader nos espaces naturels publics. Hélas! Après près de huit mois de questions des citoyens au conseil d’arrondissement, les élus de la majorité à CDN-NDG semblent déterminés à agir à l’encontre de leur propre discours vert.

Sur les cartes thermiques, le gazon naturel du parc contraste favorablement avec le rouge des aires minéralisées des alentours, incluant les terrains synthétiques du Collège Notre-Dame, du Collège Brébeuf et du parc Martin-Luther-King.

Le quadrilatère Mackenzie-King qui comprend un parc et un boisé fait 5,6 hectares et est localisé dans un quartier densément bâti et peuplé, à trois rues de la douzaine de voies de circulation et de la pollution du boulevard et de l’autoroute Décarie. Il y fait plus chaud et on y trouve moins de végétation que dans 65% des autres quartiers de la zone métropolitaine de Montréal. Les gens qui y résident ont un revenu médian plus bas que 96% des résidents des autres quartiers de cette zone ¹. Ce sont aussi largement des locataires d’immeubles construits au milieu du siècle dernier, et en surchauffe lors des canicules. Sur les cartes thermiques, le gazon naturel du parc contraste favorablement avec le rouge des aires minéralisées des alentours, incluant les terrains synthétiques du Collège Notre-Dame, du Collège Brébeuf et du parc Martin-Luther-King. Dans ces circonstances, il est évident que le quadrilatère Mackenzie-King est le poumon et l’îlot de fraîcheur du quartier dont la pérennité ne peut être assurée avec la présence d’un terrain synthétique.

Mackenzie King Park

Le grand terrain en gazon naturel du parc Mackenzie-King sur lequel poussent des pissenlits (mai 2023) – Image : Marc Perez

Un tel terrain dans le parc Mackenzie-King détruirait 33% de la surface gazonnée du parc ou plus de 40% des aires gazonnées non morcelées, provoquerait une augmentation de la température de surface de dix à seize degrés par rapport au gazon naturel, créant ainsi un îlot de chaleur émettant plus de 56 tonnes de CO2 sur une vie utile de dix ans, introduirait des composés chimiques éternels (PFAS) jugés toxiques par le gouvernement fédéral en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (LCPE), soustrairait une large surface naturelle aux insectes pollinisateurs contribuant au déclin de la biodiversité et, selon le Conseil régional de l’environnement (CRE-Montréal), pourrait même avoir un impact sur la santé écologique du boisé.

Soulignons aussi que ce quartier compte 62% de résidents nés à l’étranger et plus d’immigrants que 97% des quartiers de la zone métropolitaine. Si la mairesse de l’arrondissement s’inquiète que les gens ne se présentent pas au conseil d’arrondissement pour appuyer le terrain synthétique par manque de temps ou de ressources, ou encore par ignorance des rouages de nos institutions ², il est encore plus préoccupant de constater que les résidents qui vont être directement affectés n’en ont jamais entendu parler. Aucune étude d’impact n’a été menée et une seule séance d’information a eu lieu. Qu’on soit allé à leur rencontre lors de la distribution annuelle de fleurs le 13 mai dernier, qu’on les approche la semaine ou le week-end dans le parc, ou qu’on discute entre voisins, c’est l’ignorance totale. Par contre, tout le monde sait que le gazon naturel doit être maintenu pour continuer à bénéficier de la fraîcheur du parc et laisser derrière soi la fournaise des immeubles pour quelques heures.

‘S’engager dans une transition écologique juste, c’est considérer nos parcs publics comme des réserves naturelles collectives pour rendre nos quartiers et tous nos résidents plus résilients face aux défis de la crise climatique et de l’effondrement de la biodiversité.’

Avec ce projet de terrain synthétique, non seulement l’arrondissement CDN-NDG et la Ville de Montréal manquent le bateau de la transition écologique mais en plus, ils échouent à protéger les résidents les plus vulnérables socialement et économiquement des effets des changements climatiques en bouleversant l’ensemble de l’écosystème du parc – la relation entre la communauté et les espaces naturels, et celle, fragile, entre le parc et le boisé. L’automne dernier, les AmiEs du boisé Dora-Wasserman ont communiqué à l’arrondissement leur bilan du projet citoyen de revitalisation du boisé après quatre ans de travail: le défi actuel, c’est d’atténuer la pression humaine sur le boisé par un aménagement du parc Mackenzie-King qui procure de la fraîcheur aux usagers.

Néanmoins, l’arrondissement choisit plutôt de détourner les services écosystémiques rendus par la pelouse naturelle et le boisé Dora-Wasserman vers un terrain synthétique dont l’émission de CO2 mobilisera les fonctions de séquestration de la quasi-totalité des arbres du quadrilatère Mackenzie-King. Cette même population sera aussi exposée à des répercussions connues sur la santé. On sait que les PFAS s’accumulent dans le corps. Un récent état de la situation rend compte d’effets sur la santé qui magnifient le besoin de recourir au principe de précaution pour réduire notre exposition ³. Il est bien connu aussi que la chaleur extrême peut aggraver l’état de santé de personnes souffrant de maladies chroniques, cardiaques ou respiratoires. Dans le cas d’une population à faible revenu, le recours à la climatisation pourrait s’avérer être une dépense inabordable.

La question du parc Mackenzie-King illustre de manière très concrète la nécessité pour les citoyens de s’intéresser activement au devenir des quelques espaces naturels urbains qu’il nous reste, incluant les parcs publics de proximité.

Nos parcs publics ne sont ni à vendre, ni à offrir en cadeau ou encore à développer. S’engager dans une transition écologique juste, c’est considérer nos parcs publics comme des réserves naturelles collectives pour rendre nos quartiers et tous nos résidents plus résilients face aux défis de la crise climatique et de l’effondrement de la biodiversité.

Avis : Les opinions exprimées dans cet article sont celles de leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement les opinions de WestmountMag.ca ou de ses éditeurs.


  1. Source : ici.radio-canada.ca/info/2022/07/ilots-chaleur-villes-inegalites-injustice-changements-climatiques/ Accessed May 22, 2023
  2. Nicolas Monet (May 7, 2023). CDN-NDG: un projet de terrain synthétique qui divise. Journal Métro. journalmetro.com/local/cote-des-neiges-notre-dame-de-grace/3068596/cdn-ndg-un-projet-de-terrain-synthetique-qui-divise/
  3. Fenton SE, Ducatman A, et al. Per- and Polyfluoroalkyl Substance Toxicity and Human Health Review: Current State of Knowledge and Strategies for Informing Future Research. Environ Toxicol Chem. 2021 Mar;40(3):606-630. doi: 10.1002/etc.4890.

Image d’entête : Des adolescents d’une école des environs se donnent rendez-vous au parc pour une partie de balle au rebond – par Line Bonneau

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Line BonneauLine Bonneau a été reconnue bénévole émérite aux Amis de la montagne pour son leadership exemplaire (Mention d’honneur – Prix du Mont-Royal 2020). Elle a créé un groupe bénévole, Les AmiEs du boisé Dora-Wasserman, pour soutenir un projet de revitalisation d’un boisé urbain. Elle milite pour la protection d’espaces naturels urbains. facebook.com/boiseDWfacebook.com/mknaturel


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