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Le mois de mai toujours
dévastateur pour les ours

C’est le moment du début de la chasse de printemps en Ontario et au Québec

Par Georges R. Dupras (avec un addendum d’Irwin Rapoport)

22 mai 2025 • Traduit de l’anglais

Pour beaucoup d’entre nous, le 1er mai marque le début de l’été, le rêve de longues promenades tranquilles en forêt ou sur le bord d’un lac. Certains feuillettent les revues de jardinage à la recherche de l’accent de couleur parfait pour mettre en valeur leur jardin. Cependant, ce sentiment d’espoir et de renouveau est entaché par le massacre le plus cruel et le plus insensé de l’année, le début de la chasse à l’ours du printemps en Ontario et au Québec.

Un passe-temps qui nous distingue des autres

Au Québec, la Belle Province, on nous rappelle constamment que nous sommes différents à bien des égards, de par notre culture et notre langue; cependant, nous définissons rarement certaines de nos préférences les plus discutables. La saison de chasse au Québec s’étend du 15 mai à la fin de juin. Il y a une chasse à l’automne, mais je n’aborderai qu’une seule honte à la fois. Les chasseurs, et j’utilise ce terme avec prudence, ont droit à un ours noir, sauf dans les secteurs 20 et 22. La chasse à l’automne a lieu dans des secteurs sélectionnés. À son honneur, le gouvernement du Québec interdit explicitement l’utilisation de chiens pour chasser l’ours, l’orignal et le cerf de Virginie. L’Ontario interdit également l’utilisation de chiens.

Dans quelle mesure pouvons-nous considérer cette pratique sportive?

Le Canada français offre des possibilités de calibre mondial. Le chasseur peut non seulement abattre son ours mais également obtenir sa licence de pêche. S’il a la chance de bénéficier d’un forfait de sept jours, un site d’appât lui sera attribué.

Pour beaucoup d’entre nous, le 1er mai marque le début de l’été… Cependant, ce sentiment d’espoir et de renouveau est entaché par le massacre le plus cruel et le plus insensé de l’année…

Femelles allaitantes

Dans cette province, il existe des règlementations strictes concernant la chasse aux femelles accompagnées de petits. Bien que la chasse aux ourses ne soient pas totalement interdites, des restrictions sont en place pour protéger les femelles reproductives. Je ne connais pas exactement quelles sont ces restrictions, mais je dois souligner que même le chasseur d’ours chevronné a beaucoup de mal à identifier les femelles en lactation, à moins que la cible ne se trouve debout au-dessus d’un site d’appât. Cela dit, les restrictions imposées par le Ministère des ressources naturelles semblent plus superficielles qu’efficaces.

Des quotas d’abattage spécifiques sont ‘’parfois’’ utilisés pour les ours polaires dans certaines zones.

Les autorités de cette province, ainsi que de l’Ontario, affirment qu’il n’est pas possible de déterminer combien de femelles allaitantes ont été tuées car elles ne sont pas toutes signalées. Au Québec, les données qu’ils reçoivent sont de nature générale et comprennent le braconnage, les collisions avec des voitures, les abattages d’ours noirs, de cerfs et d’orignaux. Ils n’ont pas de données spécifiques sur les oursons, et les tueries non signalées constituent un problème.

Bien que le nombre exact d’oursons secourus varie (rapports de citoyens), le nombre réel d’oursons orphelins est inconnu. Les autorités Québecoises affirment veiller au bien-être des oursons « dont elles ont connaissance » ; cependant, j’ai personnellement constaté que des oursons ont été abattus par des autorités de l’ouest du Québec.

Chasse au loup et à l’ours avec des meutes de chiens

Dieu merci, ni le Québec, ni l’Ontario ne sont allés jusqu’à autoriser la pratique de la chasse à l’ours avec des meutes de chiens. Dans le Sud des États-Unis, les chiens harcèlent, poursuivent et capturent un ours épuisé, permettant ainsi aux chasseurs de le tuer. Les jeunes oursons poursuivis par des meutes de chiens sont souvent massacrés par les chiens à la fin de la chasse.

Durant le mandat de l’Honorable Jean Charest, alors Premier Ministre du Québec dans la circonscription de Sherbrooke, et passionné de la chasse, il a été reporté que son district avait reçu l’autorisation de chasser les loups de l’ouest avec des meutes de chiens. Il s’agit d’une étude menée en collaboration avec les autorités en Ontario. A cette époque, les médias ne parlaient que d’ours chassés par les chiens de chasse. J’ai contacté M. Sébastien Lefort, responsable de la surveillance du gros gibier, incluant l’ours et le loup de l’ouest, au sein du Ministère des ressources naturelles. Il m’a assuré qu’aucun biologiste de son ministère n’était favorable à cette chasse expérimentale.

‘… la majorité [des canadiens] répondent qu’ils ne considèrent pas la faune comme étant une ressource, ni la chasse comme étant un outil de conservation. Des exceptions s’appliquent aux autochtones menant un mode de vie de subsistance.’

Chasse avec des meutes de chiens aux États-Unis

Les états de l’Alabama, Arkansas, Floride, Géorgie, Louisiane, Mississipi, New-Hampshire et les Carolines permettent la chasse à l’ours et au cerf, utilisant des meutes de chiens. Certaines de ces chasses sont visibles sur U-Tube, mais attention…..elles sont déchirantes pour les personnes sensibles et empathiques.

Les affûts à canards, la chasse aux appâts, les chasses en enclos, la chasse à l’arc avec les nouveaux arcs à poulies, ajoutent au stress auxquels ces animaux sont confrontés. Lors de ces périodes de chasses folles, les contribuables sont avertis de limiter leurs activités de plein-air dans les régions de chasse.

Lorsqu’on demande aux canadiens ce qu’ils pensent de la chasse en général, la majorité répondent qu’ils ne considèrent pas la faune comme étant une ressource, ni la chasse comme étant un outil de conservation. Des exceptions s’appliquent aux autochtones menant un mode de vie de subsistance.

Quant à l’auteur, je ne considère pas la chasse comme un « sport ». Personnellement, je défini le sport comme une compétition entre deux participants volontaires et égaux.

Si vous partager mes inquiétudes, je vous invite à contacter votre premier ministre ou votre gouverneur d’état.

Georges R. Dupras

*     *     *     *     *

Je voudrais remercier Georges de m’avoir permis de contribuer à cet article. Il connaît très bien ma passion pour la nature, ainsi que pour la protection de la biodiversité et des espaces sauvages.

Les ours, les loups, les cougars, les chevreuils et les autres créatures sensibles, qu’elles soient grandes ou petites, ne sont pas simplement des ressources à gérer ou à contrôler. On ne les possède pas, et ils ont tout à fait le droit de vivre leur vie normalement, sans craindre d’être chassés ou piégés pour leur fourrure ou leurs plumes. Ils ne devraient surtout pas être capturés dans la nature pour des collections privées ou des zoos personnels.

En élevant ses petits, une ourse assume plusieurs fonctions : maman dévouée, protectrice, enseignante (de la maternelle au secondaire), guide et mentore. Les familles d’ours sont habituellement composées de deux à quatre oursons, et les mamans tiennent à chacun d’eux. Ces groupes familiaux restent ensemble environ deux ans et demi.

La famille soudée avance ensemble jusqu’à ce que la mère décide que ses jeunes ont appris ce qu’il faut pour survivre par eux-mêmes. Ensuite, souvent sans avertissement, elle leur fait comprendre qu’ils sont rendus indépendants. C’est un moment déstabilisant pour les oursons, qui restent habituellement ensemble encore quelques mois.

‘En élevant ses petits, une ourse assume plusieurs fonctions : maman dévouée, protectrice, enseignante (de la maternelle au secondaire), guide et mentore.‘

Les chasseurs sportifs et les chasseurs de trophées choisissent d’oublier tous les efforts que ces mères investissent pour élever leurs petits et les nombreuses épreuves qu’elles traversent chaque jour. Chaque ours tué est un fils ou une fille. Comment ces chasseurs se sentiraient-ils si l’un de leurs enfants était victime d’un tueur en série ?

Les ours passent les mois d’hiver dans leur tanière et, lorsqu’ils se réveillent, ils ont faim. Les ours mâles n’ont qu’eux-mêmes à nourrir, mais une ourse, qui met bas pendant l’hibernation, doit rapidement trouver de la nourriture pour produire le lait dont ses petits ont tant besoin.

Il n’existe aucune raison valable de chasser les ours, que ce soit au printemps ou à l’automne, et il est particulièrement cruel d’abattre des ours qui ont survécu à l’hiver. Je n’arrive pas à imaginer le genre d’euphorie que ressentent ces personnes en tuant un ours avec une carabine. Elles n’ont certainement pas besoin de la viande ou de la fourrure pour faire un tapis ou une couverture, ni du corps empaillé comme ornement pour une salle de trophées ou d’une tête accrochée au mur. Cela s’applique à tous les ours – ours polaires en danger, grizzlis, ours noirs et bruns.

La chasse printanière à l’ours est un pur acte de cruauté et de meurtre, et elle doit cesser.

Les ours ne sont pas une ressource, mais ils ont certainement plus de valeur vivants que morts. Si les chasseurs sportifs et de trophées veulent s’assurer de pouvoir traquer et tirer sur des ours chaque année, pourquoi ne pas simplement prendre une photo ? Que l’appareil photo soit leur arme, et que le bouton pour déclencher la photo soit la gâchette. De cette façon, les chasseurs pourraient « triompher » des ours et les poursuivre encore et encore. Ce serait gagnant-gagnant pour tous.

La présence des ours dans un écosystème est un signe certain que celui-ci est sain et prospère. Comme les loups, les couguars et les carcajous, les ours sont des prédateurs au sommet de la chaîne alimentaire et une espèce clé de voûte. Pouvoir observer des ours dans leur habitat naturel est formidable. Je n’en ai jamais vu, mais à notre chalet à Sainte-Agathe-des-Monts, j’ai vu une orignal avec ses deux petits, des chevreuils, des huards, des canards colverts, des grenouilles et des crapauds, ainsi qu’une variété d’oiseaux.

Il y a plusieurs années, une étude préliminaire menée dans plusieurs régions du Canada a montré que les ours noirs non seulement communiquent, mais possèdent aussi un langage. Les chercheurs se sont concentrés sur les mères et leurs oursons, enregistrant les sons qu’ils émettaient. Malgré les distances géographiques, les mots et phrases étaient similaires. Les mères parlaient doucement, ou plus fermement lorsque nécessaire. Les mots et phrases allaient de « grimpe dans l’arbre », « ne mange pas cette plante », « tu peux manger cette plante maintenant », « reviens », et d’autres consignes importantes. Des recherches à plus grande échelle sont nécessaires, mais les premiers résultats sont prometteurs. Il est certain que les ours communiquent par des grognements, des mots, des expressions faciales, des soufflements, des claquements de dents et des marques de griffes sur les arbres.

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Nous savons que les ours, toutes espèces confondues, qu’ils vivent en Amérique, en Asie, en Europe ou au Moyen-Orient, possèdent des cultures et un sens de la communauté. Ils ont des rituels et des coutumes. Les ours noirs, bruns et grizzlis se rassemblent à certains endroits le long des côtes de la Colombie-Britannique, de l’Alaska et de la Russie pour se nourrir abondamment lorsque les saumons remontent les rivières pour frayer.

Les mères ourses sont très dévouées à leurs petits. Les mêmes chercheurs ont suivi une maman ours noir et ses trois oursons. L’un d’eux était chétif et avait du mal à suivre ses frères et sœurs, traînant souvent derrière. Alors que la mère décourageait les deux oursons en bonne santé de manger certaines plantes, elle encourageait le petit malade à en manger. Georges, qui m’a raconté cette histoire, en a conclu que la mère voulait que le petit régurgite, afin de déloger ce qui le rendait malade. La mère a tout essayé pour le soigner, mais rien n’a fonctionné. Finalement, l’ourson est mort, et pendant trois jours, la mère est restée près d’un arbre, en deuil.

Les orques et les dauphins portent le deuil de leurs petits en transportant leur corps pendant plusieurs jours, alors pourquoi pas les ours ?

Les mamans ourses sont des protectrices féroces de leurs oursons, c’est pourquoi il est dangereux de s’interposer entre une mère et ses petits. Il existe une vidéo virale montrant une maman ours noir traversant une route rurale avec ses quatre oursons. Les voitures de chaque côté se sont arrêtées, laissant beaucoup d’espace aux ours. Deux oursons ont suivi leur mère, mais les deux autres n’écoutaient pas et sont restés en arrière. Il a fallu environ trois minutes à la mère pour rassembler tous ses petits et repartir. La mère a compris que les spectateurs gardaient leurs distances et ne représentaient pas une menace.

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Nous avons de nombreuses preuves que des mères ourses plus petites tiennent tête à de grands mâles qui pourraient menacer les oursons. Ces mères sont courageuses, et les petits ne sont abandonnés que dans des situations extrêmes. Nous avons beaucoup à apprendre d’elles.

D’ailleurs, les mamans ourses enseignent à leurs petits ce qu’ils peuvent manger sans danger et comment chasser. À l’exception des ours polaires, les ours sont omnivores, et on estime qu’environ 90 % de leur alimentation est composée de végétaux. Les oursons doivent apprendre quelles plantes sont comestibles et à quel moment, ainsi que quand les baies sont mûres. Savoir comment trouver et creuser une tanière, comment pêcher, quels prédateurs éviter et comment cohabiter avec d’autres ours sont des compétences essentielles. Ils apprennent en observant attentivement leur mère et en l’imitant. Ils la voient chasser et attraper du poisson. Les oursons se chamaillent pour jouer, mais aussi pour développer leurs capacités de défense et apprendre quand utiliser leurs griffes.

Un documentaire suit l’ours esprit (ours Kermode). Ces ours noirs à pelage blanc vivent dans les régions côtières centrales et nordiques de la Colombie-Britannique. Les réalisateurs ont observé la mère amener ses petits à un coin de pêche secret connu seulement de la famille. Des générations de cette lignée d’ours ont transmis ce savoir, qui peut faire la différence entre la vie et la mort, puisque ces ours dépendent du saumon pour faire des réserves avant l’hibernation hivernale.

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Être un ours n’est pas facile, et certains oursons, malgré tous les efforts de leur mère, ne survivent pas. Mais une fois qu’ils ont passé la période difficile de la séparation avec leur mère, ils peuvent vivre une vie longue et épanouissante. Que des chasseurs sportifs et de trophées estiment nécessaire de valider leur virilité en tuant un ours démontre une ignorance totale des multiples étapes de la vie d’un ours. S’ils tiennent tant à tuer, puis-je leur suggérer de faire du bénévolat dans l’armée ukrainienne et de servir en première ligne ?

La chasse sportive et la chasse aux trophées doivent cesser une bonne fois pour toutes, que ce soit avec des fusils, des arcs ou des meutes de chiens. Nous valons mieux que cela, et avec tant de milieux naturels et d’écosystèmes menacés par le développement humain et le réchauffement climatique, nous avons le devoir de tout faire pour protéger la biodiversité sous toutes ses formes, en particulier les ours majestueux et impressionnants, qui vivent sur cette planète depuis des millions d’années.

Irwin Rapoport


Note : Les opinions exprimées dans cet article sont celles des auteurs et ne reflètent pas les opinions de WestmountMag.ca ou de ses éditeurs.


Image d’entête : Enric Cruz López – Pexels

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Georges Dupras

Georges R. Dupras se fait le champion et le défenseur des animaux depuis plus de 50 ans. Membre de l’International Association for Bear Research and Management (IBA) et ancien directeur de la Société canadienne pour la prévention de la cruauté envers les animaux (CSPCA), il s’est impliqué en 1966 dans la campagne initiale pour sauver les phoques qui a mené à la fondation de l’International Fund for Animal Welfare (IFAW) en 1969. Il a publié deux livres : Values in Conflict et Ethics, A Human Condition. Georges demeure à Montréal, Québec, Canada.

Irwin Rapoport

Irwin Rapoport, journaliste indépendant, a obtenu une maîtrise en histoire et en sciences politiques à l’Université Concordia.



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