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Un périple dans les
méandres de l’inspiration

Animaux Nocturnes : une perle cinématographique ignorée en cette saison de blockbusters

Par Luc Archambault

21 décembre 2016

Ce film sera passé sous le radar en cette saison de grands titres cinématographiques. Adapté du roman Tony and Susan d’Austin Wright, cette production, somme toute assez sombre, réalisée par Tom Ford (il signe aussi l’adaptation au grand écran), met en vedette Amy Adams, Jake Gyllenhaal et Michael Shannon. L’histoire ? Susan Morrow (jouée par Amy Adams), riche propriétaire d’une galerie d’art à Los Angeles, est contactée par son premier époux, duquel elle a divorcé en raison du manque d’ambition de celui-ci, qui lui envoie le manuscrit d’un roman intitulé Nocturnal Animals. Ce roman relate l’histoire de Tony Hastings et de sa famille, lors d’un voyage funeste au Texas.

Jake Gyllenhaal Nocturnal Animals WestmountMag.ca

Premier cas de confusion : le rôle de Tony Hastings et celui d’Edward Sheffield (l’ex de Susan) sont tous les deux joués par Jake Gyllenhaal. Mais puisque l’ «histoire » du roman est portée en image dans l’imagination de Susan, ce double emploi permet de mieux souder les deux trames narratives.

Bien entendu, les différences entre le roman et le film sont énormes. Comment transposer à l’écran un roman basé sur le fil des pensées de la narratrice (du moins lorsqu’il s’agit de la version « réelle » de l’histoire, et non le roman-dans-le-roman), comment mettre en image les mélopées de la conscience, alors que le cinéma est visuel et constitué d’actes, de gestes concrets? Sans révéler la fin du film, disons que l’acte de vengeance d’Edward semble bien mince, compte tenu de la réaction de Susan. Dans le roman Tony and Susan, la fin est encore plus tarabiscotée, se réduisant à une brève échange de notes, sans véritable conséquence.

Nocturnal Animals WestmountMag.ca

Alors pourquoi s’attarder sur ce film ? Certainement pas pour le jeu un peu plat d’Amy Adams (surtout lorsque l’on compare ce rôle à celui qu’elle tient dans L’Arrivée (Arrival), qui devrait lui permettre d’espérer obtenir un Oscar), ni pour celui, bien que double, de Jake Gyllenhaal, trop semblable dans l’un et l’autre personnages. Non. Ce film tient surtout sur les épaules de Michael Shannon, dans le rôle du vieux policier menant l’enquête du roman-dans-le-roman. Connu notamment pour son rôle du Général Zod dans Man of Steel (2013), il donne ici toute l’ampleur de son talent dans un rôle où la noirceur et la mort rôdent (son personnage, le détective Bobby Andes, est atteint d’un cancer incurable des poumons). Il joue avec la détermination d’un condamné qui n’a plus rien à perdre, et en met plein la vue, avec ses traits élancés et sa carrure émaciée. Il est tout simplement phénoménal ! Les rôles secondaires viennent étoffer le trio de vedettes de façon significative. Surtout Aaron Taylor-Johnson, dans le rôle de Ray Marcus.

… [Michael Shannon] donne ici toute l’ampleur de son talent dans un rôle où la noirceur et la mort rôdent…

Deuxième film seulement de Tom Ford, Nocturnal Animals est une exploration des fantasmes et des rêves déchus. Le roman-dans-le-roman (ou plutôt, le film-dans-le-film) vient bel et bien mettre en image la noirceur et la superficialité de la vie de Susan. Ayant abandonné Edward tôt dans leurs vies, elle semble percevoir une justice immanente qui la couvre de menace. Du moins, c’est comme cela qu’elle décrit ses réactions lorsqu’elle reçoit le roman de son ex et se met à le dévorer, alors que son propre mari est parti en voyage d’affaire avec sa nouvelle maîtresse.

Nocturnal Animals Amy Adams WestmountMag.ca

Le roman à l’origine de ce film a été écrit par Austin Wright et publié en 1993. L’importance accordée au viol et au meurtre de la femme et de la fille de Tony a rebuté moult lectrices. Les droits d’adaptation cinématographiques lui ont permis d’engranger quelques profits jusqu’à son décès en 2003 mais sans atteindre un succès commercial de longue haleine, ni même d’une sortie sur écrans. Encore là, on ne peut parler d’un succès tous azimuts. La noirceur du roman et le jeu hautement détaché, voire quasi glacial, d’Amy Adams font de ce film un petit joyau qui sera passé inaperçu sur nos écrans mais qui devrait tout de même avoir une longue vie en rediffusion et sur DVD.

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Images: Merrick Morton – Universal Pictures


Luc Archambault WestmountMag.ca

Luc Archambault
Écrivain et journaliste, globe-trotter invétéré, passionné de cinéma, de musique, de littérature et de danse contemporaine, il revient s’installer dans la métropole pour y poursuivre sa quête de sens au niveau artistique.



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